I. Le cycliste, une victime protégée en cas d’accident de vélo avec un automobiliste, un motard ou même, un chauffeur de bus ou de camion.
a) un régime d’indemnisation des dommages corporels favorable au cycliste victime d’un accident de vélo.
La loi Badinter de 1985 est venue simplifier le régime d’indemnisation des victimes d’accident de la circulation, autres que les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, en excluant un quelconque partage de responsabilité.
L’article 3 alinéa 1er de la loi Badinter de 1985 dispose expressément que :
« Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident. »
Concrètement, cela veut dire que dans la plupart des cas, l’indemnisation est acquise à la victime cycliste qui serait impliquée dans un accident de la circulation avec un véhicule terrestre à moteur de type, voiture, moto, trottinette électrique en libre service L’utilisation des trottinettes électriques en libre-service : les risques, les dangers ? Par Michel Benezra, Avocat., camion ou bus.
Deux cas sont cependant spécifiquement exclus par la loi :
La faute volontaire du cycliste (cas de suicide ou de tentatives de suicide) ;
La faute inexcusable du cycliste.
En principe, l’indemnisation du cycliste accidenté n’est alors pas menacée du seul fait d’avoir violé une réglementation au code de la route.
La faute inexcusable du cycliste est appréciée souverainement par le juge civil au regard des éléments du dossier.
En pratique, la jurisprudence constante de la cour de cassation retient quatre conditions cumulatives pour caractériser cette faute inexcusable qui empêcherait alors l’indemnisation de la victime cycliste :
- la faute d’une gravité exceptionnelle ;
- la conscience du danger ;
- l’absence de fait justificatif [1] ;
Ce peut être par exemple une série de manquements à la réglementation du code de la route, mais tout est affaire de casuistique.
-le comportement de la victime qui constitue la cause exclusive de l’accident.
Le conseil de la compagnie d’assurance s’attachera donc à démontrer que le comportement du cycliste a rendu inéluctable le choc avec l’automobiliste, afin de se soustraire à son devoir d’indemnisation. Il est donc important de se faire accompagner par un avocat spécialiste en accidents de la route qui saura contrecarrer les arguments de la compagnie d’assurance.
En revanche, la loi a tenu, de surcroît, à encore plus protéger les catégories de victimes cyclistes les plus exposées : les cyclistes mineurs de moins de 16 ans et les cyclistes seniors de plus de 70 ans, doivent être indemnisés sauf dans le cas où l’accident serait la conséquence d’une tentative de suicide de ces derniers.
b) Quid de la réparation des dégâts matériels occasionnés au vélo du cycliste accidenté.
L’article 5 de la loi Badinter prévoit expressément que la faute simple (imprudence, négligence...) commise par la victime a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages aux biens qu’elle a subis.
Par exemple, en cas de panneau stop brûlé par la victime, son vélo ne sera pas indemnisé par les compagnies d’assurance.
Toutefois, l’article précise que les fournitures et appareils délivrés sur prescriptions médicales donnent lieu à indemnisation selon les règles applicables à la réparation des atteintes à la personne.
II. Le cycliste victime d’un accident de vélo et la réparation de ses dommages corporels.
Depuis la loi du 21 décembre 2006, les compagnies d’assurance et les avocats spécialisés en réparation des dommages corporels fondent leurs calculs relatifs à l’indemnisation des préjudices sur quelques outils de type référentiel d’indemnisation des victimes, dont la Nomenclature Dintilhac.
Ladite nomenclature dénombre une série de préjudices indemnisables non exhaustive.
Cette liste des préjudices fournie par la Nomenclature Dintilhac servira à l’avocat : la vigilance est de mise, puisque le juge ne sera tenu de se prononcer que sur les préjudices invoqués par l’avocat dans ses conclusions. Aussi, il ne faudra pas oublier les préjudices "invisibles" des traumatisés crâniens par exemple Traumatisme cranien : le handicap invisible. Par Michel Benezra, Avocat. Parfois, l’intervention d’un neuropsychologue [2] sera nécessaire pour l’évaluation des séquelles psychologiques de la victime cycliste.
La nomenclature distingue les préjudices patrimoniaux des préjudices extra patrimoniaux afin de prendre en compte la réalité de des blessures par la victime avant et après sa consolidation. Ces catégories sont elles-mêmes divisées en sous-catégories, en fonction de leurs durabilité.
Ainsi, les préjudices patrimoniaux temporaires (PPT) regroupent les dépenses de santé déjà effectuées par la victime avant sa consolidation, mais également les pertes de gains résultant directement de son état de santé ou les frais divers engagés à la suite du dommage.
Les préjudices patrimoniaux permanent (PPP), qui seront évalués après l’examen de consolidation, va permettre de déterminer le montant des dépenses de santé futures à prévoir, la perte de gains professionnels futurs à indemniser, les frais de logements et de véhicules adaptés ou les recours à une tierce personne La tierce personne : comment l’évaluer, comment l’indemniser ? Par Michel Benezra, Avocat., si besoin est. De même, la pénibilité de l’emploi ou l’obligation de se réorienter professionnellement doit aussi être compensé financièrement. Il en va de même en cas d’échec scolaire résultant de l’accident.
Pour permettre à la victime de pouvoir subvenir à des dépenses avant le prononcé du jugement (qui peut prendre un certain temps), l’avocat peut obtenir de l’assurance une provision d’un montant qu’il déterminera et justifiera. Ce montant sera à déduire du montant de l’indemnisation finale.
A coté des préjudices économiques, la nomenclature Dintilhac présente les postes de préjudice de nature extra patrimoniale.
Par exemple, l’altération esthétique éventuelle, qu’elle soit temporaire ou permanente, va être indemnisée.
Certains postes de préjudices, moins connus du justiciable, doivent aussi être évalués : c’est le cas notamment du préjudice d’agrément (l’impossibilité de pratiquer un loisir), le préjudice sexuel, le préjudice d’établissement (perte d’espoir en un projet de vie familiale normale…
III. Le cycliste accidenté, assisté par un avocat de victimes de dommages corporels.
Le rôle de l’avocat de cyclistes victimes de dommages corporels n’est pas cantonné à la vérification des règles de procédure. L’avocat interviendra aux cotés du cycliste accidenté dès le début, même parfois lorsque le cycliste victime est encore hospitalisé.
Dans les six semaines qui suivront l’accident de la circulation et après déclaration, la compagnie d’assurance du véhicule impliqué dans l’accident avec le vélo, sera tenue d’adresser à la victime un questionnaire corporel dit "Badinter". Attention, les questionnaires corporels des compagnies d’assurance sont très orientés (questions fermées) et empêche parfois de décrire les vraies séquelles de la victime.
Aussi, certains avocats ayant l’expérience nécessaire en dommages corporels et particulièrement en accidents de la route impliquant des cyclistes, proposent leurs propres questionnaires corporels [3], pro-victimes cette fois.
Ensuite, à réception du questionnaire rempli par la victime, la compagnie disposera de six mois pour présenter une offre d’indemnisation. Si la victime n’est pas consolidée, alors l’offre d’indemnisation ne sera pas définitive et constituera une offre provisionnelle d’indemnisation [4].
Il ne faut pas s’y tromper, les compagnies d’assurance vont systématiquement sous-évaluer les préjudices subis par la victime accidentée afin d’indemniser le moins possible le cycliste victime. L’objectif non dévoilé est clairement d’échapper à leur devoir d’indemnisation.
Les compagnies d’assurance n’hésiteront pas à invoquer une faute inexcusable de la part du cycliste renversé afin d’exclure ou de réduire son droit à indemnisation. Cela remettra par exemple le droit même à indemnisation du cycliste accidenté.
L’avocat de la victime renversée, devra être particulièrement vigilant, dès le début de la procédure afin que le cycliste renversé ne voit pas son droit à indemnisation écarté ou réduit, puis, en cours de procédure, au moment de l’expertise médicale, pour éviter que tel ou tel préjudice soit écarté, caché ou diminué, et enfin, à la fin de la procédure, à réception de l’offre d’indemnisation définitive pour contrôler la présence de tous les postes de préjudices constituant la véritable atteinte au cycliste renversé et surtout leur cotation exacte en fonction de différents outils à sa disposition, dont des référentiels d’indemnisation, plus favorables aux victimes.
A l’amiable, l’avocat mandatera un médecin-conseil de victimes agréé par l’une des associations de médecins-conseil de victimes, lequel aura les connaissances médico-légales appropriées. Ce dernier assistera aux expertises aux cotés de l’avocat dommages corporels, menées par le médecin de compagnies, mandaté par la compagnie d’assurance et permettra de jouer un rôle de contrepoids.
La victime ne doit pas se laisser éblouir par le montant proposé par les compagnies qui peut paraître de prime abord élevé. L’avocat de victimes de dommages corporels, dispose d’une expérience unique en matière d’indemnisation des préjudices de victimes, et les victimes devront lui faire confiance quant aux montants discutés et négociés.
Si la victime a accepté l’offre trop rapidement parce qu’elle n’était pas assistée, ou parce qu’elle n’a pas voulu suivre les recommandations de son conseil, pas de panique : elle dispose d’un délai de quinze jours pour changer d’avis, par l’envoi d’un courrier avec accusé de réception.
En cas de non dénonciation de l’accord, elle recevra un règlement dans les quarante-cinq jours suivant l’acceptation.
Au-delà de ce délai, le taux légal sera majoré de moitié pour les deux premiers mois, puis doublé pour les mois qui suivront.
Si la victime estime l’offre définitive insuffisante, elle pourra demander à son avocat de négocier chaque poste à nouveau, et en principe, une nouvelle offre lui sera présentée.
A défaut d’accord, l’avocat engagera des poursuites devant le tribunal judiciaire afin qu’un juge impartial désigne un médecin expert indépendant afin qu’il réalise une nouvelle expertise médico-légale.
Enfin, si la compagnie d’assurance conteste le droit à indemnisation du cycliste ou, si elle s’obstine simplement à sous-évaluer les postes de préjudices indemnisables du cycliste renversé, après expertise judiciaire, l’avocat n’aura pas d’autre choix que d’assigner la compagnie d’assurance devant le tribunal sur le fondement de la loi Badinter, en liquidation des préjudices, suivant quelques référentiels appuyés par une argumentation technique regroupant les besoins de la victime cycliste vis à vis de son environnement personnel (activités sociales par exemple, en cas de handicaps lourds du cycliste accidenté).
Les délais d’audience étant souvent longs, l’avocat peut aussi solliciter du juge des référés en parallèle, l’allocation d’une provision à la charge de la compagnie d’assurance pour le compte de la victime cycliste.
Le montant de la provision sera alors à faire valoir sur le montant total de l’indemnisation définitive finale des préjudices du cycliste renversé (offre définitive).
L’avocat peut aussi solliciter des expertises complémentaires en fonction de l’état d’aggravation de son client et de sa consolidation.