Les banques sont soumises à une obligation dite de vigilance, qu’il convient de ne pas confondre avec les obligations légales et réglementaires auxquelles elles sont assujetties en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et de lutte contre le financement du terrorisme.
En d’autres termes, chaque établissement bancaire doit être attentif aux opérations bancaires des clients et déterminer un niveau d’alerte quand une opération bancaire s’avère anormale et/ou que des anomalies évidentes sont constatées que ce soit au stade de l’ouverture du compte ou encore dans le cadre de son fonctionnement. La subtilité est de déterminer les opérations qui peuvent être considérées comme étant anormales et notamment au regard de critères et de normes de référence.
Cette obligation ne donne pas pour autant la possibilité aux banques de s’immiscer dans les affaires de leurs clients et cela au regard du devoir de non immixtion.
L’obligation de vigilance telle qu’elle existe aujourd’hui découle de l’article 14 de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990, traduis aux articles L.561-2 et suivants du Code monétaire et financier. A la lecture de ces articles il apparait que cette obligation a pour objectif de base la détection de transactions portant sur des sommes en provenance du trafic de stupéfiants ou d’activités criminelles organisées.
C’est au fur et à mesure que la jurisprudence a permis, par un savant mélange des notions de responsabilité contractuelle et délictuelle, aux particuliers (clients) de se prévaloir de manquement à l’obligation de vigilance.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée à nouveau, en en précisant les contours, sur le devoir de vigilance du banquier teneur de compte.
En effet, par un arrêt du 12 juillet 2017, la chambre commerciale de la cour de cassation est venue rappeler que l’obligation de vigilance à laquelle les établissements bancaires sont assujettis, ne concerne que les anomalies dites apparentes dont notamment et à titre d’exemple des anomalies dites matérielles (retouches, surcharges sur documents bancaires), ou encore des anomalies dites intellectuelles, notamment lorsque des éléments peuvent faire penser à une opération illicite.
En l’espèce, un investisseur avait prêté des fonds à une société, fonds ayant été détournés par l’auteur de la proposition. L’investisseur était venu mettre en cause la responsabilité de la banque tenant le compte de la société, en lui reprochant un manquement à son devoir de vigilance, puisque celle-ci avait accepté sans investigation préalable l’encaissement de fonds en espèce et par remise de chèque, alors même que la société n’était pas habilitée à se livrer à des opérations financières.
La Cour de cassation rejette ici l’action de l’investisseur, considérant que l’encaissement de sommes d’argent sur son compte ne constitue pas en soi une opération anormale pour une société, et que si la banque avait cherché à identifier si cette action était possible pour la société concernée, cela aurait automatiquement été considéré comme une immixtion dans la gestion des affaires de la société.
Il faut rappeler que le principe de non immixtion n’est prévu par aucune loi ni aucun texte. Et dans la pratique, il ressort de la jurisprudence que les juges tendent à considérer de manière constante que le principe de non-immixtion s’arrête là où commencent les anomalies apparentes.
Il faut reconnaitre que la part d’interprétation et d’appréciation souveraine accordée aux juges est importante et susceptible de donner lieu à des solutions différentes en fonction des juridictions mais aussi des affaires concernées. Il serait sans doute intéressant de dresser un cadre plus précis et uniforme afin d’éviter une part d’aléa trop importante.