Plutôt que de proposer des médiations en cours de procédure, de nombreuses juridictions se sont désormais tournées récemment vers la technique de l’ordonnance "2 en 1" dès l’ouverture du dossier afin de répondre dans le contexte actuel au souci de la célérité de la justice.
Ce changement de paradigme afin d’envisager la médiation sous un autre angle rappelle l’exigence du caractère interruptif des délais pour conclure en appel en cas de médiation de l’article 910-2 du Code de Procédure Civile.
L’ordonnance dite « deux en un » consiste, dans une même décision, d’abord à enjoindre les parties de rencontrer un médiateur pour être informées sur l’objet et le déroulement d’une mesure de médiation, ainsi que le permettent les articles 22-1 de la loi du 8 février 1995 et 127-1 du Code de procédure civile, ensuite à autoriser le médiateur à recueillir l’accord des parties pour s’engager dans ce processus et enfin à ordonner la médiation en application de l’article 131-1 du Code de procédure civile.
Le dispositif est mis en œuvre dans les juridictions civiles comme dans les juridictions administratives qui en sont les initiatrices.
Il constitue un élément de souplesse appréciée par le juge, les parties, le greffier, les avocats et le médiateur.
Son développement pose notamment la question du caractère confidentiel de l’entretien au cours duquel il est fréquent que les parties commencent à évoquer le fond de leur différend.
La confidentialité ne peut cependant être absolue dans la mesure où le juge doit pouvoir être informé de ce que les parties ont ou non déféré à son injonction.
Cette information sera de plus fort nécessaire si le juge se voit ouvrir la faculté de prononcer une amende civile en cas de méconnaissance de son injonction.
La pratique de l’ordonnance dite deux en un doit être encouragée.
1° - La décision de l’ordonnance "2 en 1" d’ordonner une médiation interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident.
Par une même décision, le médiateur est désigné et il lui est donné mission :
- d’expliquer aux parties le principe, le but et les modalités d’une mesure de médiation ;
- de recueillir par écrit leur consentement ou leur refus de cette mesure dans un délai de trois semaines à compter de la présente ordonnance.
En cas d’accord, de mener à son terme la mission de médiation, dans les meilleurs délais.
Après avoir expliqué aux parties le principe, le but et les modalités d’une mesure de médiation en vue de recueillir par écrit leur consentement ou le refus de cette mesure, le médiateur informe le juge :
- Au moins l’une des parties a refusé le principe de la médiation. Dès lors, le médiateur a cessé ses opérations.
- Toutes les parties ont donné leur accord pour entrer en médiation. Dès lors, les consentements ont été recueillis par écrit et conservés en respect du principe de confidentialité propre à la médiation. Le médiateur débute ses opérations de médiation.
Le médiateur demande au juge d’en prendre acte.
Dans l’hypothèse où, au moins l’une des parties refuserait le principe de la médiation, le médiateur en informera sans délai le tribunal et cessera ses opérations, sans défraiement.
Dans l’hypothèse où toutes les parties donneraient leur accord à la médiation ainsi proposée, le médiateur pourra commencer immédiatement les opérations de médiation.
La désignation du médiateur est faite pour une durée de trois mois à compter de la date à laquelle les parties auront donné leur accord pour engager la médiation et versé la provision au médiateur.
L’article 131-1 du Code de Procédure Civile dispose que :
« la durée initiale de la médiation ne peut excéder trois mois à compter du jour où la provision à valoir sur la rémunération du médiateur est versé entre les mains de ce dernier ».
Aucune médiation ne peut donc démarrer sans le règlement de la provision.
Ce délai pourra être prorogé à la demande du médiateur pour un délai de trois mois supplémentaires.
Le médiateur assure sa mission avec diligence et informe le juge de l’état d’avancement de sa mission un mois avant le terme fixé par l’ordonnance 2 en 1.
Au terme de la médiation, le médiateur informe le tribunal, soit que les parties sont parvenues à un accord, soit qu’elles n’y sont pas parvenues, sans davantage de précision.
Selon l’article 910-2 du Code de Procédure Civile, la décision d’ordonner une médiation interrompt les délais pour conclure et former appel incident visé aux articles 905-2 et 908 à 910 du même Code.
En revanche, un accord des parties à poursuivre une médiation n’est pas plus interruptif des délais impartis qu’une réunion d’information.
Seule l’ordonnance de médiation étant interruptive selon les termes clairs de l’article 910-2 du Code de Procédure Civile.
Il s’agit bien d’une interruption des délais pour conclure et non une suspension afin de recueillir par écrit le consentement ou le refus de cette mesure.
On voit ici l’avantage considérable que présente l’ordonnance "2 en 1", ce qui a encore le mérite de faciliter le calcul des délais.
2° - L’interruption de ces délais produit ses effets jusqu’à l’expiration de la mission du médiateur désigné par l’ordonnance "2 en 1".
La deuxième chambre civile a rendu un arrêt publié pour dire que l’ordonnance était interruptive des délais pour conclure [1].
La première phrase de l’article 910-2 du Code de Procédure Civile est limpide.
En revanche, la seconde phrase s’avère problématique.
L’interruption des délais pour conclure en appel produit ses effets « jusqu’à l’expiration de la mission du médiateur ».
La date d’expiration de la mission du médiateur pourrait faire débat lorsque l’on sait que la durée initiale de la médiation est de trois mois renouvelable une fois pour cette même durée, que le médiateur doit établir un constat de l’accord mais aussi qu’il doit informer par écrit le juge à « l’expiration de sa mission » de ce que les parties sont parvenues ou non à une solution au conflit qui les oppose.
Il paraît donc nécessaire que la Cour de Cassation précise à quelle date exacte, les délais recommenceront à courir.
3° - La date d’expiration de la mission du médiateur fait débat.
Il paraissait donc nécessaire que la Cour de Cassation précise à quelle date exacte, les délais recommenceront à courir.
La deuxième chambre civile a rendu un arrêt publié pour dire que l’ordonnance était interruptive des délais pour conclure (Civ 2ème, Arrêt du 12 janvier 2023, F-P n°20-20.941).
Selon l’article 910-2 du Code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, la décision d’ordonner une médiation interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident mentionné aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code. L’interruption de ces délais produit ses effets jusqu’à l’expiration de la mission du médiateur.
Ayant constaté que la mission du médiateur avait pris fin, c’est à bon droit que l’arrêt retient, en substance, que ce terme marque la reprise de l’instance, que doit être décompté à partir de cette date le délai de trois mois imparti à l’appelant pour conclure et que l’appelante ajoute au texte de l’article 910-2 du code précité lorsqu’elle soutient que l’instance n’a pas repris au motif que le médiateur n’a pas remis de note de fin de médiation au juge et que l’affaire n’a pas été fixée à une audience de mise en état.
L’arrêt ajoute enfin que les pourparlers poursuivis de façon informelle ne sont pas de nature à interrompre les délais pour conclure.
4° - La sanction de l’amiable en cas d’inobservation par une partie de l’injonction à rencontrer un médiateur.
- Instauration d’une radiation de l’affaire pour défaut de diligences en cas d’inobservation par le demandeur de l’injonction à rencontrer un médiateur
Si le demandeur ne se présente pas à la réunion d’information sur la médiation, le juge peut radier l’affaire pour défaut de diligence en application de l’article 382 du Code de procédure civile. - Instauration d’une amende civile en cas d’inobservation par le défendeur de l’injonction à rencontrer un médiateur.
Si le défendeur ne se présente pas, le juge peut instaurer une amende civile en cas de refus de se rendre à la réunion d’information sans motif légitime prononcée par le juge qui ordonne l’injonction.
Source :
Civ 2ème, Arrêt n° 453 du 20 mai 2021, F-P n°20-13.912.