1. Bien sécuriser l’aspect juridique d’un appel d’offre pour éviter les contentieux.
Cela passe par une attention particulière à chaque étape :
Analyser chaque offre sur le plan juridique au regard du règlement de consultation et de la jurisprudence.
Relire avec un œil juridique les pièces techniques des offres et s’assurer qu’aucune entorse au règlement de consultation n’est commise par les candidats ayant remis une offre, ou à tout le moins que cette erreur n’est pas substantielle.
Être conseillé sur la possibilité ou non de retenir une offre comportant une violation du règlement de consultation en examinant si cette erreur est susceptible d’être regardée comme suffisamment mineure par le juge, même si cette erreur n’a pas encore fait spécifiquement l’objet d’une jurisprudence du Conseil d’État.
S’assurer de la clarté de l’analyse que contient le rapport d’analyse des offres (les possibilités d’interprétations doivent être lissées au maximum) et le valider juridiquement à plusieurs, voire le rédiger avec un professionnel du droit.
S’assurer de la régularité de la méthode de notation et qu’une réelle comparaison des offres a été faite sur tous les aspects des critères de sélection (un arrêt récent en matière de transports publics est très important au regard de la méthode de notation : CE, 7 juin 2024, n° 489404, aux Tables).
Rédiger les courriers de rejet des offres des candidats non retenus en évitant le risque de contentieux. Et répondre aux courriers de demandes de motifs complémentaires de rejet en gardant toujours en tête cet objectif de protection.
Il a été récemment jugé que le respect rigoureux des règles de la consultation est primordial lors de la sélection d’une offre dans le cadre d’un appel d’offres.
Ce qui implique que des sanctions peuvent être appliquées en cas de non-conformité, pouvant aller jusqu’à l’annulation de la procédure et l’obligation de recommencer à compter de l’examen des offres, en excluant l’offre irrégulière qui a été injustement retenue.
Imaginez le temps perdu et surtout le coût global ainsi que la désorganisation que cela peut provoquer…
2. De lourdes sanctions en cas de non-respect des règles de la consultation.
De récentes décisions de justice soulignent l’importance de respecter scrupuleusement les règles fixées par les appels d’offres.
Lorsqu’un acheteur sélectionne une offre qui ne respecte pas les règles établies par son propre règlement de la consultation, les conséquences peuvent en effet être sévères.
Un exemple concret illustre cette situation dans une affaire récente de sélection d’un opérateur de fourniture et de pose d’abribus publicitaires, à l’occasion d’un appel d’offres lancé par une métropole (CE, 7 février 2023, n° 461935).
La métropole a sélectionné une entreprise qui ne respectait pas les critères exigés par le règlement de la consultation.
En l’occurrence, le règlement prévoyait que les scellements des abribus devaient être neufs.
Pourtant, la métropole a sélectionné l’offre du candidat titulaire sortant qui avait prévu de réutiliser certains scellements des mobiliers déposés.
La seule autre entreprise candidate a ainsi nécessairement été lésée par ce non-respect par l’acheteur de son propre règlement de consultation.
Le Conseil d’État a donc annulé la procédure et a ordonné à la métropole, si elle entendait conclure le marché, de recommencer l’évaluation des offres en écartant les offres irrégulières.
Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante visant à garantir l’égalité de traitement des candidats dans les procédures d’appel d’offres.
En imposant des sanctions strictes en cas de non-respect des règles, les tribunaux cherchent à préserver l’intégrité et la transparence des procédures d’attribution des marchés publics.
Une autre décision récente vient compléter et nuancer cette approche.
Dans le cadre d’une affaire portant sur un marché de travaux de réparation de réseaux unitaires, le Conseil d’État a jugé que l’acheteur ne peut pas admettre une offre qui a simplement été déposée dans le mauvais tiroir numérique (ici celui d’un autre marché public), en violation du règlement de consultation, et il doit ainsi écarter une telle offre comme irrégulière dès lors qu’en réalité elle n’a jamais été déposée dans les délais impartis (CE, 1er juin 2023, n° 469127, aux Tables).
Ce ne sera que lorsqu’il sera établi que l’erreur de tiroir numérique proviendrait d’un dysfonctionnement sur la plateforme que l’acheteur pourra légalement repêcher le soumissionnaire qui a déposé son offre dans le mauvais tiroir numérique.
Cela n’empêche que la jurisprudence plus ancienne du Conseil d’État retient que les offres ne comportant que des vices véniels par rapport au règlement de consultation peuvent être admises par l’acheteur, par exemple en cas d’omission de signer le Cahier des clauses administratives particulières (CE, 8 mars 1996, n° 133198 ; CE, 6 novembre 1998, APHM, n° 194960, aux Tables).
De même, lorsque des documents ne présentant pas d’utilité pour l’appréciation des offres n’ont pas été communiqués dans l’offre en violation du règlement de consultation, ces offres ne sont pas entachées d’une irrégularité si substantielle que l’acheteur ne puisse les retenir pour écarter lesdites offres (CE, 22 décembre 2008, Ville de Marseille, n° 314244, aux Tables).
Le Conseil d’État avait aussi précisé que le juge doit rectifier une erreur purement matérielle si un concurrent évincé ne peut s’en prévaloir de bonne foi (CE, 21 septembre 2011, Département des Hauts de Seine, n° 349149, au Recueil).
Enfin, une décision qui fait bien écho à celle du tiroir numérique est celle qui juge que si un document prévu par le règlement de consultation pour constituer l’offre est jointe par inadvertance par le candidat à l’enveloppe de candidature, l’acheteur peut rectifier de lui-même cette erreur et retenir l’offre en la considérant comme complète (CE, 7 novembre 2008, Société Hexagone 2000, n° 292570, aux Tables).
Cette jurisprudence n’est pas si simple à appréhender, puisque de telles erreurs continuent aujourd’hui de permettre l’annulation de procédures d’appel d’offres, même dans des collectivités importantes comme des métropoles.
Vous comprenez donc l’importance pour l’acheteur d’avoir bien pensé son appel d’offre et d’éviter ensuite ce type d’erreur.
Je ne peux que recommander vivement à chacun de toujours s’entourer d’un partenaire compétent en droit des contrats de transports publics et mobilités, pour gagner en sécurité, dans un objectif :
- de réflexion en amont, notamment pour se poser les bonnes questions, anticiper et cadrer les bases d’un appel d’offre adapté aux besoins du projet ;
- d’analyse sous un angle juridique et avec un œil d’expert en contentieux, pour palier le non-respect du règlement de consultation qui serait susceptible d’être sanctionné par le juge ;
- de recherche d’arguments juridiques pour démontrer au juge que les sanctions aujourd’hui prévues sont trop strictes, à tout le moins dans le cas d’espèce concerné, lorsqu’une erreur n’a pas pu être évitée, quelle qu’en soit la raison.
3. Débat : des sanctions trop strictes ou nécessaires ? Peuvent-elles d’ailleurs être combattues ?
La question se pose en effet de savoir si les sanctions imposées en cas de non-respect des règles de l’appel d’offres par l’attributaire sélectionné sont trop strictes.
On pourrait considérer qu’elles peuvent décourager les acheteurs publics et ralentir les procédures.
Cependant, il est important de noter que ces règles sont essentielles pour prévenir toute forme de favoritisme, de corruption ou d’injustice dans l’attribution des marchés publics.
Les sanctions sévères visent à dissuader les pratiques déloyales et à garantir l’égalité de traitement pour tous les candidats.
Néanmoins, en cas de saisine du juge par un candidat évincé, car une règle fixée par le règlement de consultation n’aura pu être respectée, un professionnel du droit peut chercher à faire évoluer la jurisprudence afin d’assouplir encore les sanctions, en s’appuyant notamment sur les exceptions déjà admises par le Conseil d’État, à tout le moins pour le cas concerné.
En effet, on peut imaginer que des arguments soulevés devant le juge puissent justifier de ne pas faire annuler la procédure pour une erreur comme celle en cause dans l’arrêt précité du 7 février 2023, mais simplement d’ouvrir droit à une indemnisation pour le candidat évincé.
Une solution alternative pourrait également être obtenue grâce à un accord transactionnel homologué par le juge, notamment en cas d’urgence à conclure le marché par exemple.
4. Ce qu’il faut retenir en tant que collectivité ou entreprise publique compétente en matière de transports publics et mobilités.
Des sanctions sévères existent lorsque l’acheteur sélectionne une offre qui ne respecte pas les règles de son appel d’offres.
Les sanctions peuvent aller jusqu’à l’annulation de la procédure et, en cas de volonté de l’acheteur de conclure le marché, à l’obligation de réévaluation des offres.
D’aucuns pourraient considérer que ces sanctions sont trop strictes.
Toutefois, ces sanctions nous paraissent nécessaires pour préserver l’intégrité et la transparence des procédures d’attribution des marchés publics comme des concessions.
Le respect scrupuleux des règles garantit l’égalité de traitement de tous les candidats et renforce la confiance dans le système juridique des appels d’offres.
Ces sanctions peuvent néanmoins être évitées en prévenant ce type d’erreur.
Elles peuvent aussi être combattues devant le juge, des arguments pouvant au moins dans certains cas permettre d’assouplir la jurisprudence.
Surtout, une transaction pourrait permettre de consentir à une indemnisation en lieu et place des sanctions (annulation de la procédure et, le cas échéant, obligation de recommencer au stade de l’analyse des offres en écartant l’offre irrégulière retenue).