Notions de base sur le harcèlement sexuel au travail.

Par Nathalie Leroy, Avocate.

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Explorer : # harcèlement sexuel # droit du travail # dignité # discrimination

Le sujet de cet article est de présenter l’historique du harcèlement sexuel au travail [1] et ses définitions.

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Petite histoire juridique du harcèlement sexuel.

Plusieurs définitions du harcèlement sexuel ont progressivement émergé en droit communautaire comme en droit français depuis le milieu des années 1980.

Dans le droit communautaire tout d’abord :

L’élaboration de la définition applicable dans le monde du travail a débuté par la résolution du Parlement européen du 11 juin 1986 sur la violence contre les femmes, qui invite « les autorités nationales à s’efforcer de parvenir à une définition juridique du harcèlement sexuel de manière que les victimes disposent d’une base clairement définie pour porter plainte ».

La résolution du conseil du 29 mai 1990 concernant la protection de la dignité de la femme et de l’homme au travail prévoit que « tout comportement à connotation sexuelle ou tout autre comportement fondé sur le sexe, qui affecte la dignité de la femme et de l’homme au travail, qu’il soit le fait de supérieurs hiérarchiques ou de collègues, constitue une violation intolérable de la dignité des travailleurs ou des stagiaires et est inacceptable lorsque :
a) ce comportement est intempestif, abusif et blessant pour la personne qui en fait l’objet ;
b) le fait qu’une personne refuse ou accepte un tel comportement de la part d’un employeur ou travailleur (y compris un supérieur hiérarchique ou collègue) justifie explicitement ou implicitement une décision affectant les droits de cette personne en matière de formation professionnelle, d’emploi, de maintien de l’emploi, de promotion, de salaire ou toute autre décision relative à l’emploi et/ou ;
c) un tel comportement crée un climat d’intimidation, d’hostilité ou d’humiliation à l’égard de la personne qui en fait l’objet
 ».

La Directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 définit le harcèlement sexuel comme étant « la situation dans laquelle un comportement non désiré à connotation sexuelle, s’exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, survient avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».

En droit français :

Il existe une définition en droit pénal et une définition en droit du travail.

La notion de harcèlement sexuel a d’abord été introduite dans la législation française en droit pénal, par la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du Code pénal qui le définissait comme « le fait de harceler autrui en usant d’ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions » et insérait ce concept à l’Article 222-33 du Code pénal.

Cet Article a été modifié par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 qui y a introduit la notion de « pressions graves ». La définition du harcèlement sexuel est devenue « le fait de harceler autrui en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ».

Par une décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012, le Conseil constitutionnel a jugé que la rédaction de l’Article 222-33 du Code pénal permettait que « le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments constitutifs de l’infraction soient suffisamment définis », que ces dispositions « méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines » et qu’elles étaient donc contraires à la Constitution.

La loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a défini cette forme de harcèlement comme « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle » et modifié en conséquence le même Article du Code pénal, précisant à l’Article L. 122-46 du nouveau Code du travail que sont interdits « les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers », définition qui subsiste dans la version en vigueur du Code du travail, à l’Article L1153-1.

La définition pénale a évolué en 2012, puis en 2018. La dernière version est la suivante :

L222-33 du Code pénal :

I. - Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

L’infraction est également constituée :
Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;
Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.

II. - Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

III. - Les faits mentionnés aux I et II sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende.

Ces peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende lorsque les faits sont commis :
Par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
Sur un mineur de quinze ans ;
Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ;
Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;
Par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique ;
Alors qu’un mineur était présent et y a assisté ;
Par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait.

L’agression sexuelle : constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise [2].

Les actes d’agression sexuelle sont punis de :
- 5 ans de prison et 75.000 euros d’amende ;
- 10 ans de prison et 150.000 euros d’amende si circonstances aggravantes.

Exemples d’agression sexuelle commise avec surprise :
- Mains sur les fesses en arrivant par derrière ;
- Attouchement sur les seins alors que la salariée est concentrée sur son ordinateur et n’a pas vu son collègue arriver ;
- Lèvres qui glissent sur la bouche au moment de faire la bise.

Exemples d’agression sexuelle commise avec contrainte :
- Caresse imposée sur la cuisse lors d’un déplacement en voiture ;
- Baiser forcé sur la bouche en bloquant la personne contre un mur...

En droit du travail :

La Loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations a fixé la définition dans le Code du travail, qui a été modifiée en 2012.

Voici la version actuelle figurant dans le Code du travail :

Article L1153-1 du Code du travail :

Aucun salarié ne doit subir des faits :
Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

Définir le harcèlement sexuel en droit du travail.

Le harcèlement sexuel est caractérisé par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui :
- soit portent atteinte à la dignité du salarié en raison de leur caractère dégradant ou humiliant ;
- soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

Sont assimilés à du harcèlement sexuel les faits consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

Tous les mots ont leur importance :
Dignité : Gravité noble qui inspire la considération, commande le respect, les égards.
Au sens philosophique et moral, désigne ce fait, que la personne humaine ne doit jamais être traitée comme un moyen, mais comme une force en soi.
Intimidant : Qui est propre à intimider.
Intimider : Troubler quelqu’un en lui causant de la crainte, de l’appréhension.
Dégradant : Extrait du Littré : Qui dégrade, qui déshonore.
Dégrader : Dépouiller, destituer quelqu’un d’une manière infamante de son grade, de sa dignité, de son emploi.
Humiliant : Qui humilie.
Humilier : Abaisser en mortifiant, en donnant de la confusion.
Mortifier : Humilier quelqu’un, lui faire de la peine par quelque réprimande ou par quelque procédé dur et fâcheux.
Intimidant : Donner de la timidité, de la crainte à quelqu’un.
Intimider : Troubler quelqu’un en lui causant de la crainte, de l’appréhension.
Offensant : Qui offense, qui est injurieux.
Offenser : Outrager quelqu’un par une offense. Il s’emploie figurément et signifie Blesser, choquer.
Outrager : Faire subir un outrage.
Outrage : Injure grave de fait ou de parole.
Pression : Se dit figurément d’une Sorte de contrainte morale exercée sur les personnes.

Toute personne ayant commis des actes de harcèlement sexuel est passible de sanctions disciplinaires pouvant aller de l’avertissement jusqu’au licenciement ou à la radiation. Le Code du travail punit également d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 3.750 euros les faits de discrimination commis à l’encontre d’une personne ayant dénoncé un harcèlement sexuel [3].

L’auteur-e ou l’entreprise qui a manqué à son devoir de protection vis-à-vis de son personnel peut être condamné-e à verser à la victime des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé.

Nathalie Leroy Avocate enquêtrice en harcèlement moral et sexuel au travail
www.her.eu.com et www.25ruegounod.fr

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Notes de l'article:

[2Article 222-22 du Code pénal.

[3Article L.1155-2.

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