Les nouvelles mesures de confiscation du véhicule : évolution ou révolution pénale ? Par Rémy Josseaume

Les nouvelles mesures de confiscation du véhicule : évolution ou révolution pénale ?

Par Rémy Josseaume

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Explorer : # confiscation de véhicule # sécurité routière # peine automatique # indépendance judiciaire

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Le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, plus usuellement dénommé LOPPSI, présenté au Conseil des ministres le mercredi 27 mai 2009, n’a pas manqué de susciter de vives réactions tant dans le camp des ultras de la sécurité routière que des défenseurs des droits des usagers de la route.

1. Le projet de loi LOPPSI

Ce projet propose l’instauration d’une peine complémentaire obligatoire de confiscation du véhicule du conducteur, s’il en est propriétaire dans le cas d’une conduite sans permis ou d’une conduite malgré une mesure d’interdiction de conduire. Cette peine complémentaire sera appliquée en cas de récidive d’une conduite sous empire de l’alcool ou de stupéfiants, d’un grand excès de vitesse (+ de 50km/h au dessus de la vitesse autorisée) ou de blessures et homicides involontaires à l’occasion de la conduite d’un véhicule.

Ce n’est pas tant la mesure qui émeut les légalistes mais son automaticité. En effet, le juge ne pourra déroger à cette peine de plein droit que par une décision spécialement motivée.

S’inspirant du dispositif de la « peine plancher », récemment instauré en droit pénal, le juge devra obligatoirement la prononcer ou à défaut motiver une décision l’excluant.

Sans donner un entier soutien à ces propositions, il faut souligner qu’il rare sinon unique qu’un dispositif répressif s’attaque directement et exclusivement aux véritables délinquants de la route et aux causes principales de l’insécurité routière.

Toutefois, ces propositions ne sont pas sans heurter, semble t-il, l’un des principes d’un Etat de droit, celui de l’indépendance du juge dans sa prise de décision et, en particulier, dans le quantum de la peine qu’il prononce.
Peut-on encore parler d’indépendance lorsque l’autorité exécutive impose au juge l’obligation de prononcer une peine ?

En 1967, le conseiller COMBALDIEU disait de l’amende forfaitaire qu’elle était l’ « amorce de justice mécanisée et déshumanisée, où il suffira un jour de presser, sur le bouton d’un distributeur automatique de timbres-amendes pour satisfaire la répression ». La contravention à l’heure électronique, JCP. 1967. 1. 2096. L’instauration des nouvelles formes de répression lui donne assurément raison.

Le prononcé automatique d’une peine existe déjà en droit de la circulation routière, notamment en cas de récidive de conduite sous l’empire d’un état alcoolique (permis annulé de plein droit) et en cas de fixation de l’amende judiciaire qui ne peut être inférieure au montant de l’amende majorée.

La Cour de cassation veille au respect de ce principe (Cass.crim., 14 septembre 2005, JPA 2005, p.589 ; Cass.crim., 28 septembre 2005, JPA 2005, p.591 ; Cass.crim., 21 mars 2007, JPA 2007, p.515 ; Cass.crim., 12 septembre 2007, JPA novembre 2007, p.635).

2. La confiscation du véhicule et le droit positif

D’aucuns ont oublié ou ignorent que le dispositif de confiscation du véhicule existe déjà en droit pénal de la circulation routière.

Pas moins d’une vingtaine d’incriminations prévoient cette mesure à titre de peine complémentaire (1) dès lors que l’auteur de l’infraction en est propriétaire ou lorsque le dispositif prohibé qui a servi ou était destiné à commettre l’infraction est placé, adapté ou appliqué sur un véhicule.

Pourtant si le juge dispose de cet arsenal répressif il ne l’applique que très rarement.

Selon le Ministère de la Justice, en 2008 la confiscation du véhicule a été prononcée dans 3.000 dossiers.

Pourquoi imposer dès lors aux juges une sanction qu’ils décident souverainement de ne pas appliquer d’ores et déjà dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation du quantum de la peine ?

Les autorités administratives n’ont pourtant pas manqué d’inciter dans le passé les magistrats du Parquet à requérir systématiquement cette sanction.

Dans une circulaire relative au renforcement de la lutte contre la délinquance routière (CRIM 2004-08 E1/28-07-2004), le Garde des Sceaux précise : « la confiscation du véhicule devra être requise, lorsque les conditions légales sont réunies, notamment dans les cas de récidive de conduite en état alcoolique. L’article 131-21 du code pénal tend à faciliter les conditions de confiscation du véhicule lorsque celui-ci n’a pas été saisi au cours de la procédure. Le condamné doit en effet, sur injonction du ministère public, remettre le véhicule au service ou à l’organisme chargé de sa destruction ou de son aliénation ».

En pratique en cas de constatation d’un délit ou d’une contravention de la cinquième classe pour lequel la peine de confiscation du véhicule est encourue, l’officier ou l’agent de police judiciaire peut, avec l’autorisation préalable du procureur de la République donnée par tout moyen, faire procéder à l’immobilisation et à la mise en fourrière du véhicule.
Si la juridiction ne prononce pas la peine de confiscation du véhicule, celui-ci est restitué à son propriétaire.

Si la confiscation est ordonnée, le véhicule est remis au service des domaines en vue de sa destruction ou de son aliénation. Les frais d’enlèvement et de garde en fourrière sont à la charge de l’acquéreur.
Si la juridiction prononce la peine d’immobilisation du véhicule, celui-ci n’est restitué au condamné qu’à l’issue de la durée de l’immobilisation fixée par la juridiction contre paiement des frais d’enlèvement et de garde en fourrière, qui sont à la charge de ce dernier.

Lorsque la juridiction prononce la confiscation d’un véhicule immobilisé et mis en fourrière, le service des domaines chargé de son aliénation informe préalablement le candidat acquéreur que le montant des frais d’enlèvement et de garde en fourrière seront à sa charge.

3. La légalité des peines automatiques ?

Les dispositions de ce projet de peine automatique/obligatoire sont-elles compatibles avec la Convention européenne des droits de l’homme en ce qu’elles privent la juridiction saisie de la possibilité de proportionner la peine à la gravité de l’infraction commise, à la personnalité de son auteur et à ses ressources, en imposant une peine minimale qui rend inopérante la défense du contrevenant et ne permet plus in fine l’individualisation de la peine ?

Dans un récent arrêt, la Cour de cassation (ch. Crim. 13 janvier 2009 pourvoi 08-81202) donne un premier élément de réponse en validant la procédure de confiscation du véhicule en écartant ainsi l’application de l’article 1er du protocole additionnel n° 11 à la Convention européenne des droits de l’homme.

La Cour valide la procédure de confiscation "aux motifs qu’eu égard aux circonstances de la cause et aux renseignements recueillis sur l’intéressé, déjà condamné mais aussi en considération de l’impérieuse nécessité d’empêcher le renouvellement des infractions sérieusement à craindre au vu de ses antécédents judiciaires et de la gravité des faits révélateurs d’un comportement asocial de la part d’un individu qui ancré de manière persistante dans la délinquance, n’a tenu aucun compte du précédent avertissement judiciaire, autant d’éléments justifiant (…) la confiscation du véhicule de marque Porsche, dont Alain X... est propriétaire, peines qui apparaissent équitables et proportionnées tant à la nature des infractions commises par le prévenu qu’à ses revenus ; (…)Attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel a, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, fait application des dispositions de l’article L. 234-12 du code de la route, lesquelles ne sont pas contraires à l’article 1er du protocole additionnel n° 11 à la Convention européenne des droits de l’homme ;

(1) CONFISCATION PREVUE PAR LA LOI AVANT LE PROJET DE LOI LOPPSI

1. Le fait de circuler sur les voies ouvertes à la circulation publique ou les lieux ouverts à la circulation publique ou au public avec un cyclomoteur, une motocyclette, un tricycle à moteur ou un quadricycle à moteur non soumis à réception

2. Le fait, y compris par négligence, de mettre ou de maintenir en circulation un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques sans être couvert par une assurance garantissant sa responsabilité civile conformément aux dispositions de l’article L. 211-1 du code des assurances

3. Le fait pour tout conducteur d’omettre d’obtempérer à une sommation de s’arrêter émanant d’un fonctionnaire ou agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité lorsque les faits ont été commis dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente

4. Le fait de conduire un véhicule sans être titulaire du permis de conduire correspondant à la catégorie du véhicule considéré

5. Lorsque la maladresse, l’imprudence, l’inattention, la négligence ou le manquement à une obligation législative ou réglementaire de sécurité ou de prudence est commis par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, l’atteinte involontaire à l’intégrité de la personne ayant entraîné une incapacité totale de travail

6. En cas de retrait de la totalité des points, le fait de refuser de se soumettre à l’injonction de restitution de son permis de conduire

7. Le fait d’enseigner, à titre onéreux, la conduite des véhicules à moteur d’une catégorie donnée et la sécurité routière sans être titulaire de l’autorisation administrative

8. Le fait pour toute personne, malgré la notification qui lui aura été faite d’une décision prononçant à son encontre la suspension, la rétention, l’annulation ou l’interdiction d’obtenir la délivrance du permis de conduire, de conduire un véhicule à moteur pour la conduite duquel une telle pièce est nécessaire

9. Les personnes physiques coupables du délit de fuite

10. Le fait d’exploiter un établissement d’enseignement de la conduite des véhicules à moteur d’une catégorie donnée et de la sécurité routière ou de formation des candidats pour l’exercice de la profession d’enseignant sans avoir obtenu l’agrément administratif

11. Lorsque la maladresse, l’imprudence, l’inattention, la négligence ou le manquement à une obligation législative ou réglementaire de sécurité ou de prudence est commis par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, l’homicide involontaire

12. Toute personne coupable, en état de récidive, de conduire un véhicule en état d’ivresse manifeste, de refuser de se soumettre aux vérifications

13. Toute personne coupable, en état de récidive de conduite sous l’influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants, de refuser de se soumettre aux vérifications

14. Le fait de faire usage d’une plaque ou d’une inscription, exigée par les règlements en vigueur et apposée sur un véhicule à moteur ou une remorque, portant un numéro, un nom ou un domicile faux ou supposé

15. Le fait de faire circuler, sur les voies ouvertes à la circulation publique un véhicule à moteur ou une remorque sans que ce véhicule soit muni des plaques ou inscriptions exigées par les règlements et, en outre, de déclarer un numéro, un nom ou un domicile autre que le sien ou que celui du propriétaire

16. Le fait de mettre en circulation un véhicule à moteur ou une remorque muni d’une plaque ou d’une inscription ne correspondant pas à la qualité de ce véhicule ou à celle de l’utilisateur

17. Le fait de mettre en circulation ou de faire circuler un véhicule à moteur ou une remorque muni d’une plaque portant un numéro d’immatriculation attribué à un autre véhicule dans des circonstances qui ont déterminé ou auraient pu déterminer des poursuites pénales contre un tiers

18. Les personnes physiques coupables des infractions : de fabriquer, d’importer, d’exporter, d’exposer, d’offrir, de mettre en vente, de vendre, de proposer à la location ou d’inciter à acheter ou à utiliser un dispositif ayant pour objet de dépasser les limites réglementaires fixées en matière de vitesse, de cylindrée ou de puissance maximale du moteur d’un cyclomoteur, d’une motocyclette ou d’un quadricycle à moteur

19. Le fait pour un professionnel de réaliser, sur un cyclomoteur, une motocyclette ou un quadricycle à moteur, des transformations ayant pour effet de dépasser les limites réglementaires fixées en matière de vitesse, de cylindrée ou de puissance maximale du moteur

20. Les personnes physiques coupables des infractions : d’ importer, d’ exposer, d’ offrir, de mettre en vente, de vendre, de proposer à la location ou d’ inciter à acheter ou à utiliser un cyclomoteur, une motocyclette , un tricycle à moteur ou un quadricycle à moteur soumis à réception et non réceptionné ou qui n’est plus conforme à celle-ci

21. Le fait de circuler sur les voies ouvertes à la circulation publique ou les lieux ouverts à la circulation publique ou au public avec un cyclomoteur, une motocyclette, un tricycle à moteur ou un quadricycle à moteur non soumis à réception est puni d’une contravention de la cinquième classe. Le fait de vendre, céder, louer ou mettre à disposition un de ces véhicules en violation de ces dispositions

22. tout conducteur d’un véhicule à moteur qui, déjà condamné définitivement pour un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 km/h, commet la même infraction en état de récidive

23. Les personnes physiques coupables des infractions : de fabriquer, d’importer, d’exporter, d’exposer, d’offrir, de mettre en vente, de vendre, de proposer à la location ou d’inciter à acheter ou à utiliser un appareil, dispositif ou produit de nature ou présenté comme étant de nature à déceler la présence ou perturber le fonctionnement d’appareils, instruments ou systèmes servant à la constatation des infractions à la législation ou la réglementation de la circulation routière ou de permettre de se soustraire à la constatation desdites infractions

24. Le fait de détenir ou de transporter un appareil, dispositif ou produit de nature ou présenté comme étant de nature à déceler la présence ou perturber le fonctionnement d’appareils, instruments ou systèmes servant à la constatation des infractions à la législation ou à la réglementation de la circulation routière ou de permettre de se soustraire à la constatation desdites infractions

Par Rémy JOSSEAUME

Docteur en Droit

Psd Commission Juridique de 40 Millions d’Automobilistes

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