Ces dispositions, bien que de caractères différenciés, l’article 1719 étant d’ordre public et l’article 1720 susceptible d’aménagements contractuels (hors bail d’habitation régi par la loi du 6 juillet 1989) encadrent strictement les libertés contractuelles.
La jurisprudence, constante sur ce point, interdit toute exonération du bailleur à son obligation de délivrance, y compris par le biais de clauses qui paraissent en exclure les effets.
Dans une affaire récemment soumise à la Cour de cassation, une société locataire a sollicité une expertise judiciaire à la suite de désordres importants affectant des locaux professionnels, notamment des infiltrations d’eau. Cette expertise, ordonnée sur requête en référé, a été suivie de la délivrance d’un congé par le preneur. Le rapport d’expertise a été déposé plusieurs années plus tard, révélant l’ampleur des désordres.
Parallèlement, le bailleur a mis en cause son assureur en garantie, tandis que la locataire, sur le fondement du manquement à l’obligation de délivrance, a formulé une demande reconventionnelle en remboursement de loyers et charges, ainsi qu’en indemnisation de son préjudice.
Cependant, la cour d’appel saisie du litige a écarté les prétentions du preneur, au motif qu’une clause du bail excluait expressément tout recours de ce dernier contre le bailleur en cas de détérioration ou de destruction du bien. Elle a considéré que cette clause faisait obstacle à la mise en œuvre de la responsabilité du bailleur, ce qui a conduit au rejet de l’appel en garantie contre l’assureur.
Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 10 avril 2025, a censuré la décision des juges du fond (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 10 avril 2025, 23-14.974, Publié au bulletin), en se fondant expressément sur les articles 1719 et 1720 du Code civil. La Haute juridiction rappelle qu’« une clause de non-recours, qui n’a pas pour objet de mettre à la charge du preneur certains travaux d’entretien ou de réparation, n’a pas pour effet d’exonérer le bailleur de son obligation de délivrance ».
Ce faisant, la Cour réaffirme avec clarté que le régime impératif de l’article 1719 interdit toute tentative contractuelle de dérogation. Même si certaines clauses contractuelles peuvent aménager la répartition des charges locatives ou des travaux de maintenance (conformément à l’article 1720), elles ne sauraient neutraliser l’obligation initiale de délivrance, qui demeure opposable au bailleur pendant toute la durée du contrat.
L’arrêt s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle constante. Déjà, la troisième chambre civile avait affirmé en 2005 que le bailleur ne pouvait se soustraire à son obligation de délivrance au moyen d’une clause transférant à la charge du preneur l’exécution de certains travaux (Cass. 3e civ., 1er juin 2005, n° 04-12.200). En 2008, elle avait ajouté que même si une clause contractuelle pouvait mettre à la charge du preneur les réparations dues à la vétusté, le bailleur restait tenu de réaliser les travaux affectant la structure même de l’immeuble (Cass. 3e civ., 9 juill. 2008, n° 07-14.631).
Ainsi, l’arrêt du 10 avril 2025 ne fait que prolonger cette jurisprudence, en posant une limite claire à la validité des clauses de non-recours : elles ne peuvent, directement ou indirectement, exonérer le bailleur de son obligation de délivrance.