L’associé ne peut toutefois être poursuivi en paiement des dettes sociales qu’à la condition que le créancier a préalablement et vainement poursuivi la société civile [2].
Il s’agit d’une obligation subsidiaire aux dettes sociales.
Un arrêt récent de la Cour d’appel de Nancy (2ᵉ chambre 30 mars 2023 n° 22/00618 [3]) vient apporter des précisions sur l’action du créancier, plus particulièrement en matière de recevabilité de l’action et de prescription de celle-ci.
I. Les faits.
Les faits sont assez communs, ce qui donne un intérêt particulier à l’arrêt de la Cour d’appel de Nancy :
- Une société civile souscrit par acte notarié deux prêts bancaires en vue de l’acquisition d’un immeuble divisé en appartements destinés à la location.
- Le remboursement des emprunts s’interrompt et la banque prononce la déchéance du terme.
- La vente amiable de plusieurs appartements n’ayant pu suffire à rembourser au préteur l’intégralité des sommes dues, celui-ci fait délivrer un commandement de payer aux fins de saisie vente à la société et un certificat d’irrécouvrabilité est établi par huissier.
- La banque poursuit alors les associés en vue de les voir condamner à payer les sommes dont la société se trouvait débitrice au titre (i) des prêts et (ii) de son solde bancaire débiteur.
II. La recevabilité de l’action.
En lien direct avec le caractère subsidiaire d’obligation aux dettes sociales, la recevabilité de l’action nécessite que le créancier soit titulaire d’un titre exécutoire et qu’il ait préalablement tenté de poursuivre la société.
A. Un titre exécutoire.
Cette exigence va amener la cour d’appel à opérer une distinction. Elle reconnait que la banque, du fait que les emprunts résultent d’un acte authentique rendant exécutoire les créances qui en découlent, dispose d’un titre exécutoire permettant de remplir cette première condition.
En revanche, tel n’est pas le cas s’agissant de la créance relative au solde débiteur du compte bancaire et sa demande sur ce point est donc rejetée.
B. De vaines poursuites préalables.
La cour d’appel valide, s’agissant du paiement du solde des emprunts, la position de la banque en retenant trois éléments :
- Le commandement de payer aux fins de saisie vente délivrée à la société débitrice.
- Le certificat d’irrécouvrabilité des créances
- La production en cours d’instance d’un état hypothécaire indiquant qu’à la date de la délivrance de l’assignation aucun actif immobilier ne figure à l’actif de la société.
Il est raisonnable de penser que c’est une combinaison de ces trois éléments qui a incité la cour d’appel à valider l’accomplissement par le créancier de vaines et préalables poursuites.
III. La prescription de l’action.
La cour d’appel écarte les dispositions spéciales de l’Article L218-2 du Code de la consommation relative à la prescription de deux ans dont bénéficient les consommateurs et placent l’action dans le champ d’application des dispositions générales de l’article 2234 du Code civil, ce qui porte le délai de prescription à 5 ans.
Quant au point de départ du délai de prescription, la cour d’appel adopte une solution rendue par un arrêt du 19 janvier 2022 de la Cour de cassation (3ᵉ chambre civile 20-22.205) : l’action contre l’associé étant une action subsidiaire, il convient de fixer un point de départ de l’action dirigée contre lui identique à celui de l’action contre la société.
Partant de là, le point de départ est à rechercher au jour où les remboursements de l’emprunt se sont arrêtés. Factuellement le commandement de payer a été interruptif de la prescription en application de l’article R221-5 du Code de procédure civile.
IV. Enseignements pratiques.
Il peut sembler regrettable, sauf à ce que le montant du solde débiteur du compte courant ait été non significatif que la banque ne se soit pas fait titrer. Dès lors, la solution de la cour d’Appel n’est, s’agissant de cette demande, guère surprenante. Pas de titre, pas d’action.
Souvent mésestimé, notamment s’agissant des baux commerciaux, le caractère exécutoire attaché aux actes authentiques retrouve ici tout son intérêt. La banque a pu faire l’économie d’une procédure à l’encontre de la société. Ce n’est pas négligeable, notamment en matière de délais.
Résultant du caractère subsidiaire de l’obligation qui lui incombe, l’associé ne maitrise aucunement l’acquisition de la prescription qui peut intervenir, ou être interrompu sans qu’il en soit informé. Il n’est pas nécessairement informé des incidents de paiement. Il ne l’est pas d’avantages des actes qui peuvent interrompre la prescription qui ne lui sont pas communiqués.
Si le montage initial avait été réalisé avec une société commerciale, il est probable que la banque ait conditionné l’octroi des prêts à l’obtention de cautions que l’on imagine volontiers solidaires des associés. Leur situation n’aurait, a priori, pas été plus favorable, bien au contraire même, sauf si on s’attache à l’article 2300 du Code civil qui prévoit : si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s’engager à cette date.
Tel n’est pas le cas avec la SCI pour laquelle l’obligation aux dettes sociales découle de la loi, sans considération aucune ni pour le patrimoine ni pour le revenu de l’associé.