[Dossier] Le mécanisme de la concurrence saine au sein des équipes.

[Dossier] Le mécanisme de la concurrence saine au sein des équipes.

Propos recueillis par Nathalie Hantz, Rédaction du Village de la Justice

789 lectures 1re Parution: Modifié: 4.62  /5

Explorer : # gestion des conflits # leadership

ll y a les discours sur la force du travail en équipe (réelle), qu’on entend souvent. Mais ils cachent une autre facette, passée sous silence comme si elle était synonyme d’échec : celle de la concurrence entre ceux qui collaborent dans cette équipe. Comment et pourquoi cette concurrence se manifeste-t-elle ? Dans quelles mesures est-elle souhaitable ? Pourquoi vouloir à tout prix éviter les désaccords ? Et s’ils existent, qu’en fait-on, en tant notamment que manager, dans ces cas là ?
Pierre Landy est Executive mentor [1] ; Il revient pour le Village de la Justice sur les mécanismes qui entraînent le conflit dans une équipe, et comment les transformer en concurrence saine.

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La concurrence au sein des équipes collaboratives.

P. Landy

Le travail en équipe est par nature paradoxal : il combine collaboration et compétition, qui coexistent. Ce paradoxe crée un terrain fertile pour des dynamiques humaines complexes, et la concurrence va se manifester différemment en fonction notamment :
• De la nature humaine de chacun, de la différence de personnalité.
• De la rareté des ressources humaines
• Du manque de clarté des rôles.
• De la culture d’entreprise.
• Des systèmes d’évaluation mis en place.

Sur ce dernier point, on peut citer à ce titre l’exemple du Relative Peer Ranking ou Stack Ranking), une méthode d’évaluation des employés qui les classe les uns par rapport aux autres dans une équipe [2]. C’est une compétition interne où la performance de chacun est jugée par rapport à celle de ses collègues.
Il a été testé dans des grandes entreprises (General Electric, Yahoo , Microsoft), puis abandonné pour les raisons suivantes :
• Il révèle le caractère intrinsèquement compétitif, destructeur de collaboration.
• ll crée une culture de la peur, de la rivalité interne, voire du sabotage.
• Il impose des quotas de “mauvais performeurs”, même en cas de performance globale élevée.
• Il crée une logique démoralisante et contre-productive.
• Il a un impact sur la confiance et la sécurité psychologique.
• Il érode la confiance et rend impossible un conflit sain.

À mon sens, il ne peut être utile que ponctuellement pour des managers qui manquent de leadership courageux pour faire évoluer des profils inadaptés (qui pourraient s’épanouir ailleurs).

Pourquoi vouloir éviter les désaccords ? Que faire lorsqu’ils apparaissent ?

Les raisons de l’aversion au conflit :
• Inconfort émotionnel.
• Peur de la division.
• Perception négative du conflit.
• Manque de compétences en gestion des désaccords.
• Pression sociale pour maintenir l’harmonie.
• Illusion d’unité.

Pourtant, il peut être sain, et fait même partie du modèle de Lencioni [3].
Le 1ᵉʳ étage de ce modèle, c’est la confiance entre les membres de l’équipe.
La confiance, c’est la base : sans confiance, les désaccords ne sont pas exprimés (peur du jugement, des représailles, ou de fragiliser les relations).

Et une fois que cette confiance existe, le conflit peut advenir et être sain ! C’est le 2ᵉ étage du modèle de Lencioni. Le conflit sain est en réalité un indicateur de confiance dans l’équipe.
• Il permet d’explorer des perspectives différentes et d’arriver à des solutions plus solides.
• Le conflit constructif porte sur les idées, pas sur les personnes.

Le problème des équipes où l’on veut à tout prix éviter le conflit, c’est que c’est une illusion !

Le problème des équipes où l’on veut à tout prix éviter le conflit, c’est que c’est une illusion !

Finalement, il faut qu’il y ait du conflit, mais il doit être maitrisé. Dans ce cas, le manager a un rôle clef. Il doit :
• Reconnaître les désaccords.
• Accepter qu’ils fassent partie du processus.
• Avoir une écoute active et empathique.
• Clarifier les points de désaccord.
• Faciliter la discussion pour que chacun soit entendu.

Et cela va permettre d’arriver au 3ᵉ étage du modèle : l’engagement. Parce que quand les désaccords ont été discutés de manière ouverte, l’engagement envers la décision est plus fort. Même sans consensus total, les membres se sentent entendus, et cela permet une meilleure appropriation des décisions.
(Quant aux deux derniers étages de Lencioni - Responsabilité et résultats - ils se déroulent normalement après.)

Focus sur les avocats.

Je crois que les avocats doivent faire attention à ne pas juger leur collaborateur uniquement sur la technicité. Il y a des avocats qui aiment travailler dans leur coin, sur des sujets hyper techniques et ceux qui ramènent le travail par le réseautage, qui vont "chercher le client". Et bien les deux doivent être considérés de la même façon ! Mais ce qu’il faut, c’est identifier cela et comprendre les motivations intrinsèques de chacun. En cas de compétition, de concurrence, il faut le dire et être transparent sur les critères de la sélection pour un poste (exemple : nombre de clients, de procès gagnés etc.)
Ce qui crée le conflit malsain, c’est le non-dit !

Cela prend du temps, mais à mon sens les avocats seniors partners qui mènent des équipes de 40 personnes devraient se former au leadership et laisser tomber les dossiers techniques !

J’aurais tendance à dire que l’enseignement du droit en France est responsable des mauvais conflits au sein des équipes, parce que l’enseignement juridique ne donne pas assez de place à la formation sur le leader ship, les soft skills pour travailler en équipe etc.
C’est quand même un peu différent entre les juristes (en entreprise) et les avocats, les premiers sont plus sensibilisés à tout ça, car ils voient ce qui se passe dans les autres services de l’entreprise. Beaucoup d’entreprises offrent aussi des formations internes au management à leurs salariés, ce qui est je pense excessivement rare, voir inexistant en cabinet d’avocats.

Ma conclusion en 5 points.
• Le rôle du leadership est de naviguer avec discernement entre collaboration et compétition.
• Utiliser les leviers proposés par le modèle de Lencioni : Confiance, Conflit sain, Engagement, etc.
• Valoriser la diversité des opinions et le conflit constructif.
• Les désaccords bien gérés sont des ressources précieuses pour l’innovation.
• Il n’existe pas de réponse unique : la bonne approche dépend du contexte, de la culture d’entreprise et des individus en présence. Beaucoup d’entreprises offrent aussi des formations internes au management à leurs salariés, ce qui est je pense excessivement rare, voire inexistant en cabinet d’avocats.

Première partie du dossier : à lire ici [Dossier] Sortir du mythe (simpliste) de l’esprit d’équipe dans les cabinets d’avocats.

Propos recueillis par Nathalie Hantz, Rédaction du Village de la Justice

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Notes de l'article:

[2Les managers doivent répartir les employés selon une courbe prédéfinie, identifiant ainsi les meilleurs, les moyens et les moins performants.

[3Patrick Lencioni, les 5 dysfonctions d’une équipe, 2005

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