La remise du rapport DINTILHAC a permis une réelle amélioration de l’indemnisation des victimes en reprenant tous les postes de préjudices retenus par la jurisprudence, en remettant à plat tout ce que la pratique judiciaire avait apporté pour en faire un guide à l’usage des victimes et de leurs conseils, qu’ils soient avocats ou médecins.
En vous appuyant sur cette nomenclature, vous pourrez, avec l’aide de votre médecin conseil et/ou de votre avocat, préparer l’expertise à laquelle vous devrez vous soumettre. Il faudra donc vous interroger préalablement pour savoir si tel ou tel poste de préjudice correspond à votre situation ou non, et, quand le préjudice est établi par des éléments tangibles, vous devrez impérativement préparer ces éléments avant l’expertise.
Pendant l’expertise, il faudra quelquefois batailler pour faire reconnaitre la réalité ou l’étendue de tel ou tel poste de préjudice.
Enfin, et toujours en s’appuyant sur ce guide, il faudra constituer le dossier indemnitaire. Vous devrez alors rechercher les justificatifs pour tel poste, faire établir des devis, vous rapprocher de tel organisme pour obtenir une copie de documents…
Les développements qui suivent ont pour objet de vous éclairer sur ce que recouvrent les différents postes de préjudices indemnisables afin que vous puissiez constituer votre dossier dans les meilleures conditions.
Il convient toutefois de préciser que chaque situation est unique, que la réalité des préjudices résulte en principe d’un rapport d’expertise qui, s’il n’est pas judiciaire, doit au moins être contradictoirement établi (la victime doit être représentée par un médecin qui a voix au chapitre), que cette réalité s’apprécie au cas par cas et qu’il n’y a pas d’automatisme, et que certains postes ne peuvent être retenus que si des justificatifs sont fournis.
On distinguera entre les préjudices des victimes directes, c’est-à-dire celles qui sont directement victimes de l’accident, de l’erreur médicale, de l’agression… et les préjudices des victimes indirectes qui sont les proches de la victime directe et qui sont atteints par ricochet, c’est-à-dire uniquement parce que la victime directe elle-même est atteinte.
Pour les victimes directes, on distingue d’abord les préjudices patrimoniaux :
• Il y a d’abord les préjudices patrimoniaux temporaires, au nombre de trois :
o Les dépenses de santé actuelles : Il s’agit des frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux et pharmaceutiques restés à la charge de la victime parce qu’ils ne sont pas remboursés – ostéopathe par exemple - ou parce qu’ils sont remboursés partiellement – franchises de la CPAM et part au-delà de la prise en charge par la CPAM et de l’éventuelle mutuelle. Pour établir le montant de ce poste de préjudice, il est très important de disposer des justificatifs.
o Les frais divers : Ce sont les frais de déplacement, les frais d’assistance à expertise, les frais d’assistance temporaire par une tierce personne… Plus généralement, ce sont tous les frais engagés pendant la période antérieure à la date de consolidation et pour lesquels on est en mesure d’établir la réalité, le montant et le lien avec le dommage corporel subi par la victime. Ici encore, la conservation des documents est essentielle.
o Les pertes de gains professionnels actuels : Il s’agit d’indemniser les pertes de salaires subies par la victime entre le fait générateur et la date de consolidation. Cette indemnisation correspond à la réalité de la perte de revenus. On doit y ajouter - au moins pour mémoire - les revenus effectivement perçus pour lesquels l’employeur dispose d’un recours contre le responsable.
• Il y a ensuite les préjudices patrimoniaux permanents :
o Les dépenses de santé futures couvrent les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux et pharmaceutiques qui sont prévisibles car rendus nécessaires par l’état de santé de la victime après la consolidation (séances de rééducation d’entretien, frais d’analyses, prothèses…).
o Les frais de logement adapté : il s’agit des frais d’aménagement du logement pour une personne handicapée, mais aussi du surcoût lié à la location d’un logement plus grand pour des raisons de mobilité ou des frais de déménagement si la victime n’a pu rester dans son appartement. Cette indemnisation intervient sur facture ou sur devis.
o Les frais de véhicule adapté et frais de déplacement : il s’agit du coût d’aménagement du véhicule et de l’éventuel surcoût d’acquisition d’un véhicule adaptable. Il peut également s’agir, si la victime se déplaçait exclusivement en transports en commun et que cela ne lui est plus possible, du coût d’acquisition du véhicule ou du coût des déplacements en véhicules privés (taxis ou VSL par exemple).
o L’assistance par une tierce-personne : il s’agit de permettre l’indemnisation du besoin de recourir à quelqu’un pour effectuer les actes de la vie courante (habillage, toilette, cuisine…). Le besoin quotidien en tierce-personne est, en principe, fixé par l’expert sous la forme d’un nombre d’heures.
o Les pertes de gains professionnels futurs : si la victime subit des pertes de revenus en raison de l’incapacité permanente dont elle souffre, cette perte doit être indemnisée. Cette perte est consécutive à la perte de l’emploi ou au passage à temps partiel. Pour les personnes jeunes, qui ne travaillent pas à la date du dommage, on procède à une évaluation des gains espérés pour prendre en compte la perte des revenus professionnels. ATTENTION : certaines pensions et rentes doivent être déduites de ce poste de préjudice.
o L’incidence professionnelle : Les pertes de gains professionnels futurs étant déjà indemnisées (cf. ci-dessus), ce poste correspond à ce que l’on pourrait appeler le préjudice de carrière, c’est-à-dire la dévalorisation de la personne sur le marché du travail, la perte de chance d’obtenir une promotion, l’augmentation de la pénibilité de l’emploi ou encore la nécessité d’abandonner l’emploi antérieurement occupé pour en exercer un autre. Ce poste de préjudice couvre les frais de reclassement, de formation ou de changement de poste assumés par la sécurité sociale ou par la victime, mais aussi la perte de retraite imputable à l’accident.
o Le préjudice scolaire, universitaire ou de formation : Ce poste de préjudice a pour objet d’indemniser le retard pris par la victime dans sa formation (redoublement) ainsi que l’éventuelle modification d’orientation qui a dû être décidée (renonciation à exercer tel ou tel emploi).
Pour ce qui est des préjudices extrapatrimoniaux, on distingue :
• Les préjudices extrapatrimoniaux temporaires :
o Le déficit fonctionnel temporaire (DFT) c’est-à-dire l’invalidité temporaire. Elle peut être partielle ou totale. Il s’agit d’indemniser l’invalidité subie par la victime, dans sa vie privée, entre l’accident et la consolidation, et donc la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante.
o Les souffrances endurées couvrent les souffrances physiques et psychiques subies entre l’accident et la consolidation. Elles sont évaluées par un Expert et fixées sur une échelle de 1 à 7. Pour la période qui suit la consolidation, les souffrances sont prises en compte dans le calcul du déficit fonctionnel permanent et ne sont donc plus distinctes.
o Le préjudice esthétique temporaire correspond à l’altération de l’apparence physique de la victime entre l’accident et la consolidation. Cette atteinte est temporaire, mais elle peut être extrêmement traumatisante et préjudiciable. Ici encore, elle est fixée par un expert sur une échelle de 1 à 7.
• Les préjudices extrapatrimoniaux permanents :
o Le déficit fonctionnel permanent (DFP) correspond à ce que l’on appelait l’IPP (Invalidité permanente partielle). Fixé en pourcentage, il cherche à indemniser le préjudice lié à l’incapacité en ce qu’elle touche à la vie personnelle de la victime. Pour fixer le pourcentage de DFP, l’expert prendra en compte non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques, mais également les douleurs permanentes (douleurs fantômes…), la perte de la qualité de vie, et les troubles dans les conditions d’existence qui demeurent après la consolidation.
o Le préjudice d’agrément (PA) est un poste qui vise uniquement à indemniser l’impossibilité, pour la victime, d’exercer une activité spécifique sportive ou de loisir (marche, jardinage…). Il convient donc d’établir la pratique antérieure du sport ou des activités de loisir pour établir la réalité du préjudice d’agrément.
o Le préjudice esthétique permanent vise à indemniser l’altération physique permanente (cicatrice, boiterie…) dont souffre la victime. Il est évalué par les experts sur une échelle de 1 à 7.
o Le préjudice sexuel vise à indemniser, soit l’atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi ; soit la perte du plaisir lié à l’acte sexuel (perte de libido, perte de la capacité à réaliser l’acte, perte de la capacité à accéder au plaisir) ou le préjudice lié à une impossibilité ou à une difficulté à procréer. Il est naturellement évalué au cas par cas.
o Le préjudice d’établissement indemnise la perte de chance de réaliser un projet de vie familiale à cause des séquelles dont la victime reste atteinte après la consolidation (renonciation à se marier, avoir des enfants… ou bouleversement de ces projets). Ici encore, l’évaluation est faite concrètement, et notamment au regard de l’âge de la victime.
o Les préjudices permanents exceptionnels : il s’agit des préjudices particuliers à raison de la culture de la personne victime (personne japonaise qui ne peut plus s’incliner alors qu’il s’agit d’un signe de politesse) ou de la nature de l’accident, notamment lorsqu’il s’agit d’un accident collectif ou d’un attentat.
• Les préjudices extrapatrimoniaux évolutifs (hors consolidation) sont des préjudices liés à des pathologies évolutives telles que le VIH, l’hépatite C, la maladie de Creutzfeldt Jacob… L’objectif est d’indemniser le préjudice résultant, pour la victime, de la connaissance du risque d’apparition d’une pathologie mettant en jeu son pronostic vital.
Pour les victimes indirectes, c’est-à-dire les personnes composant l’entourage proche de la victime, l’indemnisation doit couvrir les préjudices subis consécutivement à l’accident de la victime directe.
En cas de décès de la victime directe, les préjudices des victimes indirectes peuvent être, pour ce qui est des préjudices patrimoniaux, des pertes de revenus dues au décès de la victime (on les évalue sur la base du revenu annuel du foyer après avoir retiré la part d’autoconsommation de la victime et des revenus qui restent après le décès), des frais d’obsèques et de sépulture (qui sont pris en charge sur facture) ou des frais divers (déplacements…).
Pour les préjudices extrapatrimoniaux, on distingue le préjudice d’accompagnement qui répare le préjudice moral causé par la maladie, jusqu’au décès, et les bouleversements du décès sur le mode de vie de ses proches ; et le préjudice d’affection qui peut avoir un retentissement pathologique chez certains proches, mais aussi chez certaines personnes plus éloignées si le lien affectif est établi.
En cas de survie de la victime directe, les préjudices patrimoniaux des victimes indirectes sont également les pertes de revenus des proches (le calcul s’effectue de la même façon qu’en cas de décès étant précisé que, dans certains cas encore occuper un emploi. On y ajoute également les pertes de revenus quand un proche doit abandonner son emploi totalement ou partiellement pour assurer une présence auprès de la victime mais ATTENTION à ne pas faire doublon avec l’indemnité perçue au titre de l’assistance par une tierce personne) ; et les frais divers des proches (transport, hébergement et restauration).
Les préjudices extrapatrimoniaux se séparent entre le préjudice d’affection (préjudice moral et retentissement pathologique spécifique subi par les proches à la vue de la douleur de la victime) et les préjudices extra- patrimoniaux exceptionnels (bouleversements dans les conditions de l’existence des proches – ce poste inclut le retentissement sexuel vécu par le conjoint ou le concubin à la suite de l’accident).
Ces précisions étant faites, espérons que vous serez mieux à même de préparer l’expertise à laquelle vous devrez vous soumettre, et de savoir ce que vous pouvez attendre à la suite de l’accident, de l’agression ou de l’erreur médicale dont vous avez été victime.