La France et la Suisse sont parties à la Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957.
Cette coopération s’est accrue le 10 février 2003 avec l’Accord entre la France et la Suisse relatif à la procédure simplifiée d’extradition. Cet accord, ratifié par la loi du 13 octobre 2005, a renforcé la procédure d’extradition entre les deux États en permettant de recourir à une procédure simplifiée, soumise à l’acceptation de la personne visée par l’extradition.
Ainsi, deux procédures d’extradition entre la France et la Suisse coexistent : une procédure normale (I) et une procédure simplifiée (II).
I. La procédure normale d’extradition.
A. Les conditions d’extradition.
1. Les faits pouvant donner lieu à extradition.
L’extradition peut être accordée lorsque :
- Les faits sont punis par les lois françaises et suisses d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’un maximum d’au moins deux ans.
- Lorsque la peine prononcée ou la mesure de sûreté infligée sur le territoire de l’État requérant est d’une durée au moins quatre mois.
2. Les personnes pouvant être extradées.
Les États parties à la convention ont la faculté de refuser d’extrader ou non leurs nationaux, ce que refuse systématiquement la France.
La qualité de ressortissant est appréciée lorsqu’il est décidé d’accorder ou non l’extradition.
Si l’État requis n’extrade pas son ressortissant, elle devra à la demande de la Partie requise soumettre l’affaire aux autorités judiciaires afin que d’éventuelles poursuites soient exercées.
B. Les motifs de refus d’extradition.
1. Les motifs obligatoires de refus d’extradition.
Plusieurs infractions ne peuvent conduire à une extradition :
- Ainsi des infractions dites politiques :
- A ce titre, si en principe l’attentat à la vie d’un chef d’État ou d’un membre de sa famille n’est pas une infraction politique, la France se réserve le droit d’apprécier en fonction des circonstances particulières à chaque affaire si les faits revêtent ou non un caractère politique.
- Les crimes contre l’humanité, tels que prévus par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, ne sont pas des infractions politiques au sens de cette procédure d’extradition.
- Ainsi des infractions de droit commun fondant une demande d’extradition présentée aux fins de poursuivre un individu pour des considérations prohibées (race, religion, nationalité ou opinion politique), ou lorsque la situation de cet individu risque d’être aggravée pour l’une de ces raisons.
- Ainsi des infractions militaires.
Lorsque l’infraction motivant la demande d’extradition aura été commise hors du territoire de la Partie requérante, l’extradition ne pourra être refusée que si la législation de l’État requis n’autorise pas la poursuite d’une infraction du même genre commise hors de son territoire ou n’autorise pas l’extradition pour l’infraction faisant l’objet de la demande.
En vertu du principe de non bis in idem, l’extradition ne sera pas accordée lorsque l’individu réclamé a été définitivement jugé par les autorités compétentes de l’État requis, pour le ou les faits à raison desquels l’extradition est demandée.
2. Les motifs facultatifs de refus d’extradition.
La partie requise pourra refuser d’extrader l’individu réclamé à raison d’une infraction qui, selon sa législation, a été commise en tout ou partie sur son territoire ou en un lieu assimilé à son territoire.
Un État requis pourra refuser d’extrader un individu réclamé si cet individu fait l’objet de sa part de poursuites pour le ou les faits à raison desquels l’extradition est demandée.
En vertu du principe de non bis in idem, l’extradition pourra être refusée si les autorités compétentes de l’État requis ont décidé de ne pas engager de poursuites ou de mettre fin aux poursuites qu’elles ont exercées pour le ou les mêmes faits.
S’agissant de la peine de mort, si le fait à raison duquel l’extradition est demandée est puni de cette peine par la loi de l’État requérant et que, dans ce cas, cette peine n’est pas prévue par la législation de l’État requis ou n’y est généralement pas exécutée, l’extradition pourra n’être accordée qu’à la condition que l’État requérant donne des assurances jugées suffisantes par l’État requis, que la peine capitale ne sera pas exécutée.
C. La procédure d’extradition.
1. Les pièces et documents exigés.
L’extradition est demandée sous la forme d’une requête, laquelle obéit à des conditions de forme : elle est formulée par écrit et est présentée par la voie diplomatique (sauf arrangement particulier).
La requête en extradition doit être accompagnée des documents suivants :
- L’original ou l’expédition authentique soit d’une décision de condamnation exécutoire, soit d’un mandat d’arrêt (ou tout autre acte ayant la même force).
- Un exposé des faits pour lesquels l’extradition est demandée, étant noté que doivent être le plus exact possible : le temps et le lieu de leur perpétration, leur qualification légale et les références aux dispositions légales qui leur sont applicables.
- Une copie des dispositions légales applicables ou, si cela n’est pas possible, une déclaration sur le droit applicable, ainsi que le signalement aussi précis que possible de l’individu réclamé et tous autres renseignements de nature à déterminer son identité et sa nationalité.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, il arrive parfois que l’Etat demandeur ne fournisse pas toutes les pièces requises et que l’extradition soit refusée.
2. La règle de la spécialité.
En vertu de la règle de la spécialité, l’individu qui aura été livré ne sera ni poursuivi ni jugé ni détenu en vue de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté, ni soumis à toute autre restriction de sa liberté individuelle, pour un fait quelconque antérieur à la remise autre que celui ayant motivé l’extradition.
Toutefois, deux exceptions sont prévues à l’application de cette règle :
- Lorsque l’État qui l’a livré y consent. Une demande sera présentée à cet effet, accompagnée des pièces prévues à l’article 12 et d’un procès-verbal judiciaire consignant les déclarations de l’extradé. Ce consentement sera donné lorsque l’infraction pour laquelle il est demandé entraîne elle-même l’obligation d’extrader aux termes de la présente Convention.
- Lorsque, ayant eu la possibilité de le faire, l’individu extradé n’a pas quitté dans les 45 jours qui suivent son élargissement définitif, le territoire de l’État auquel il a été livré ou s’il y est retourné après l’avoir quitté.
À ces exceptions s’ajoutent des aménagements :
- L’État requérant pourra prendre les mesures nécessaires en vue d’une part d’un renvoi éventuel du territoire, d’autre part d’une interruption de la prescription conformément à sa législation, y compris le recours à une procédure par défaut.
- Lorsque la qualification donnée au fait incriminé sera modifiée au cours de la procédure, l’individu extradé ne sera poursuivi ou jugé que dans la mesure où les éléments constitutifs de l’infraction nouvellement qualifiée permettraient l’extradition.
3. Délai de décision d’extradition.
Le délai laissé à l’État requis pour décider de mettre en place une procédure d’extradition ou non est libre.
Le rejet complet ou l’acceptation partielle doivent être motivés.
4. Délai de remise.
Là encore, la Convention ne prévoit pas de délai spécifique de remise de l’extradé, qui est donc laissé à la libre appréciation de l’État requis.
Toutefois, celui-ci doit informer l’État requérant du lieu et de la date de remise (ainsi que de la durée de la détention subie en vue de l’extradition).
Le cas de la force majeur est également prévu. Si le cas de force majeur empêche la remise ou la réception de l’individu à extrader, les deux États s’accordent quant à une nouvelle date de remise.
5. L’arrestation provisoire.
S’agissant de l’arrestation provisoire, procédure de remise d’urgence, les dispositions de l’Accord franco-suisse relatif à la procédure simplifiée se substituent à celles de la Convention européenne d’extradition (article 2 de l’Accord cité et article 16 de la Convention européenne d’extradition).
II. La procédure simplifiée d’extradition.
L’Accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la procédure simplifiée d’extradition permet d’écarter l’application de certaines règles inhérentes à la procédure prévue par la Convention européenne de 1957.
Cette procédure simplifiée a pour objet d’alléger les formes requises de la demande d’extradition et d’assouplir les condition réciproques traditionnellement établies. Elle a vocation à être employée dès qu’une arrestation provisoire (article 16 de la Convention) est demandée par l’un des deux États.
Cependant, la procédure simplifiée ne s’applique pas d’office, étant soumise à une condition essentielle : l’obtention du consentement de l’individu visé par la demande d’extradition.
A. La condition d’application de la procédure simplifiée d’extradition : le consentement de la personne visée.
Le recueil du consentement de l’individu réclamé est l’unique condition d’application de la procédure simplifiée d’extradition.
En premier lieu, la personne visée doit être informée, par l’État requis, de la demande d’extradition dont elle fait l’objet ainsi que de la possibilité dont elle dispose de consentir à sa remise à l’État requérant selon la procédure simplifiée.
En second lieu, le recueil du consentement est encadré.
- Le consentement doit être donné devant les autorités judiciaires compétentes. En France, ce consentement doit être donné devant la chambre de l’instruction.
- Le consentement doit être recueilli dans des conditions faisant apparaître que la personne l’a exprimé volontairement, après avoir été informée des conséquences juridiques d’une telle déclaration. Par conséquent, la personne arrêtée a le droit de se faire assister d’un avocat.
- Le consentement est consigné dans un procès-verbal.
En troisième lieu, le consentement doit être communiqué par l’État requis à l’État requérant. À ce titre, il doit faire savoir à ce dernier dans un délai de 10 jours à compter de l’arrestation provisoire de la personne visée si celle-ci a donné son consentement ou non. Un consentement ultérieur peut néanmoins être recueilli, selon les conditions prévues par l’article 11 de l’accord. Il en va ainsi notamment d’une procédure simplifiée qui ne serait pas dictée par une arrestation provisoire.
La loi du 17 mai 2011 détaille le processus de l’extradition. Le procureur général doit notifier dans les deux jours à compter de l’arrestation provisoire de la personne réclamée, dans une langue qu’elle comprend, des pièces en vertu desquelles elle a été appréhendée. Il l’avise également de la possibilité qu’elle a de consentir à la procédure simplifiée d’extradition.
L’absence de la mention de ces informations au procès-verbal est sanctionnée de la nullité de la procédure.
Si elle déclare accepter la procédure d’extradition, elle doit comparaître dans les 5 jours suivants devant la chambre de l’instruction, laquelle recueille son consentement.
B. Les effets de la procédure simplifiée d’extradition.
1. Simplification des conditions de forme de la demande.
La remise n’est pas subordonnée à la présentation par l’État requérant d’une demande d’extradition et des documents visés dans la procédure normale (et listés à l’article 12 de la Convention).
Les seules informations que l’État requérant se doit de communiquer sont les suivantes :
- L’identité de la personne recherchée ;
- L’autorité qui demande l’arrestation ;
- L’existence d’un mandat d’arrêt ou d’un acte ayant la même force ou d’un jugement exécutoire ainsi que la date d’émission de ce document ;
- La nature et la qualification juridique de l’infraction ;
- La description des faits pour lesquels l’extradition est demandée et éventuellement les conséquences de ceux-ci, ainsi que la date et le lieu de commission de l’infraction.
2. Accélération des délais.
Là où la procédure normale laisse à la libre appréciation de l’État requis le délai de réponse quant à son acceptation ou refus d’extrader la personne réclamée, la procédure simplifiée impose que cette réponse soit communiquée sans délai et au plus tard dans les 20 jours suivant la date du consentement de la personne.
Attention, cette décision d’extradition de l’État requis doit figurer en procédure et il appartient à la chambre de l’instruction d’en demander le versement dans le dossier. Par conséquent, la Cour de cassation a considéré que l’absence de cette décision en procédure ne permet pas à la chambre de l’instruction de rechercher si la personne mise en examen avait été placée en détention provisoire pour des chefs pour lesquels les autorités de l’État requis avaient ordonné son extradition [1]. Toutefois, cette décision d’extradition peut simplement consister en une lettre faisant référence à l’existence de cet acte, ce document constituant bien la décision même d’extradition [2].
De même, le délai de remise qui est libre en procédure normale est, dans le cadre de la procédure simplifiée, soumis à un délai de 20 jours suivant la date à laquelle la décision d’extradition a été communiquée.
3. Renonciation possible de la règle de la spécialité.
Enfin, en plus des effets précédemment indiqués, la procédure simplifiée peut s’accompagner d’une dispense de la règle de la spécialité.
L’inapplication de la règle de la spécialité est cependant soumise au recueil d’un second consentement, en sus de celui propre à la procédure d’extradition simplifiée.
Ainsi, la personne visée bénéficie de la possibilité de renoncer à l’application de la règle de la spécialité. Cette renonciation sera alors recueillie dans les mêmes formes que le consentement à la procédure simplifiée.