Actuellement, l’article 21-5 du code civil dispose que l’acquisition de la nationalité française par naturalisation se fait, à la demande de l’étranger, par décision de l’autorité publique. Celle-ci accorde la naturalisation par la promulgation d’un décret.
Concrètement, le candidat à la naturalisation doit déposer sa demande auprès de la préfecture de son lieu de résidence.
Cette dernière constitue alors un dossier sur le candidat et émet un avis. Ce dossier fait notamment état de la régularité du séjour de l’étranger en France et de sa durée, sa connaissance suffisante de la langue française ainsi que de sa « bonne moralité ». Ce dernier critère fait l’objet d’une enquête préfectorale « qui porte sur la conduite et le loyalisme du postulant ».
Au vu de ce dossier et de l’avis qui l’accompagne, la décision finale de naturalisation revient à des fonctionnaires spécialisés de la Sous-Direction des naturalisations (SDN).
Pour le Conseil de modernisation des politiques publiques, il convient de supprimer la « double instruction » dont fait l’objet les demandes de naturalisation, dans un premier temps par la préfecture, puis par la SDN. Il est donc envisagé de confier l’entière responsabilité de la naturalisation aux préfectures, la SDN n’ayant alors qu’un rôle formel en promulguant les décrets.
Cette possible réforme de la procédure d’acquisition de la nationalité française par naturalisation a suscité l’hostilité de nombreux parlementaires et chercheurs spécialistes des questions d’immigration et d’intégration.
Le principal argument des opposants à une telle réforme réside dans le fait que la procédure, telle qu’elle se présenterait après modification, engendrerait des risques de « décisions arbitraires ».
En effet, selon une étude réalisée par la SDN à la demande même du ministère de l’immigration, les avis émis par les différentes préfectures témoignent d’une grande hétérogénéité dans le traitement des demandes. À titre d’exemple, le taux d’avis négatif dans les Deux-Sèvres, s’élève à 69 % alors qu’il ne dépasse pas les 15% dans les Côtes-d’Armor.
De plus, lorsqu’une préfecture émet un avis favorable, la SDN le suit dans 91% des cas. Cependant, un avis négatif émis par la préfecture ne lie pas pour autant la SND qui, dans 44% de ces cas, accorde tout de même la nationalité française.
C’est la raison pour laquelle les opposants à la réforme estime qu’une différence de traitement, en fonction de la localisation de la préfecture ou de sa politique en matière de naturalisation, ne peut être cautionnée ; et, qu’au contraire, une seule et unique manière d’accorder la nationalité française doit être suivi . S’il en était autrement, la procédure de naturalisation conduirait à une rupture du principe à valeur constitutionnelle « d’égalité devant la loi » selon lequel tout individu doit être traité de la même façon par celle-ci.
À cet égard, comme le souligne notamment M. Poiraud, la SDN est un « lieu de décision unique, disposant de la distance de la technicité et de l’expertise juridique nécessaires » pour garantir « l’homogénéité des décisions ».
De plus, les agents des préfectures, plutôt spécialisés dans le contrôle des étrangers, seraient dépourvus de la compétence juridique nécessaire pour pouvoir décider d’accorder ou non la nationalité française.
Par ailleurs, et étant donné l’objectif affiché du Conseil de réduire les délais, les opposants à la réforme font valoir qu’il serait préférable d’agir au niveau des préfectures. En effet, d’une préfecture à une autre, le temps de constitution des dossiers peut varier de moins de six mois à plus de vingt-quatre mois
Au contraire, et selon eux, la réforme envisagée aboutirait à creuser « les écarts de délais d’instruction entre les départements » et, ce faisant, romprait l’égalité de traitement entre les candidats. Les candidats pourraient même être amenés à déposer leur demande uniquement dans les préfectures dont le pourcentage d’avis favorable est plus important.
Enfin, pour les opposant à cette réforme, celle-ci pourrait également favoriser « le règne des dérogations et des privilèges consentis par les notables locaux à certaines clientèles ».
Selon eux, cette réforme n’a en réalité d’autre but que de freiner les naturalisations, et ainsi se conformer aux objectifs gouvernementaux en matière d’immigration.
En conséquence, Une pétition « Non à l’arbitraire » a été lancée par la sénatrice Monique Cerisier-Ben Guiga et la députée George Pau-Langevin ; pétition qui a déjà recueilli 76 signatures de parlementaires.
Par ailleurs, 62 chercheurs, spécialistes des questions d’immigration et d’intégration, ont, de leur côté, émis un « appel contre une naturalisation arbitraire ».
La Rédaction du Village
Source :
Appel contre une naturalisation arbitraire disponible sur la-croix.com
Elus, agents et spécialistes de l’immigration s’inquiètent d’un projet de réforme des procédures de naturalisation disponible sur lemonde.fr
Révision générale des politiques publiques : troisième conseil de modernisation du 11 juin 2008=259&tx_ttnews[backPid]=46&cHash=8a9c868c77]
Démarches pour l’acquisition de la nationalité française par naturalisation