Qui est l’employeur au sens de l’article L.1332-4 du Code du travail relatif à la prescription des faits fautifs ?

Par Laura Chambon, Juriste.

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Explorer : # prescription des faits fautifs # licenciement pour faute grave # pouvoir disciplinaire

Chambre sociale, 28 février 2018 [1] : L’employeur, au sens de l’article L.1332-4 du Code du travail s’entend de la personne disposant du pouvoir de déclencher l’action disciplinaire. Tel n’était pas le cas en l’espèce, concernant un chef de dépôt de sorte que les faits fautifs ne pouvaient être prescrits.

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En l’espèce, un salarié embauché en qualité de technicien a été mis à pied à titre conservatoire à la suite d’un entretien préalable qui s’est déroulé le 27 novembre 2009 puis a été licencié pour faute grave le 11 décembre 2009 en raison du comportement adopté par ce dernier lors d’interventions auprès de clients, jugé inacceptable par son employeur.

Le salarié saisit la juridiction prud’homale afin de contester la légitimité de son licenciement. Le salarié invoque notamment à l’appui de sa demande la prescription des faits fautifs à l’origine de son licenciement pour faute grave.

Le salarié précise notamment que la société avait été informée, pour les premiers faits reprochés au salarié, par mail du 28 septembre 2009, de la plainte déposée auprès du chef de dépôt par une cliente le 29 septembre 2009.

Concernant les autres faits reprochés au salarié, ces derniers se sont déroulés le 23 janvier 2009. Le salarié estime que l’employeur avait connaissance de ces faits avant le 14 novembre 2009, date à laquelle une lettre avait été envoyée par le client, qui commençait notamment par les termes suivants « suite à votre demande » de sorte que la société avait forcément connaissance des faits fautifs avant le 14 novembre 2009, bien que la date exacte soit indéterminée.

Le salarié est débouté de ses demandes par les juges du fond qui considèrent que la prescription n’était pas acquise puisque l’employeur étant celui qui a le pouvoir de sanctionner un salarié, c’est à la date à partir de laquelle ce dernier a eu connaissance des faits fautifs que commence à courir le délai de prescription.

Le salarié forme un pourvoi en cassation.

Le salarié invoque notamment à l’appui de son pourvoi que l’employeur, au sein de l’article L. 1332-4 du Code du travail s’entend du supérieur hiérarchique du salarié. Par conséquent, il convient de comprendre par cette interprétation que c’est à la date à laquelle la personne détenant le pouvoir de déclencher une action disciplinaire a eu connaissance des faits fautifs, et non pas la date à laquelle celui qui a le pouvoir de prendre des sanctions a eu connaissance de ces faits.

La chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 28 février 2018 rejette le pourvoi formé par le salarié. La Cour considère en effet que l’employeur avait eu connaissance des faits fautifs le 26 octobre 2009 et le 14 novembre 2009, de sorte que la prescription des faits fautifs au moment de la convocation du salarié à l’entretien préalable n’était pas acquise.

Ainsi, la chambre sociale considère que l’employeur, au sens de l’article L. 1332-4 du Code du travail, est celui qui a le pouvoir de déclencher l’action disciplinaire.

En l’espèce, le chef de dépôt n’ayant pas de telles prérogatives, le point de départ du délai de prescription des faits commençait à courir à partir du moment où l’employeur a eu connaissance des faits fautifs ayant amené à prononcer le licenciement pour faute grave du salarié.

En conclusion, les faits fautifs n’étant pas prescrits à la date de la convocation à l’entretien préalable, le licenciement pour faute grave était en l’espèce, justifié.

L’article L. 1332-4 du Code du travail dispose qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Ce délai court donc à compter du jour où l’employeur a eu connaissance des faits fautifs.

Du côté du juge administratif, il est considéré que l’employeur au sens de cet article, est considéré par la jurisprudence comme toute personne ayant autorité directe sur le salarié concerné et qui va donc, déclencher l’action disciplinaire ou du moins, en prendre l’initiative. Peu importe que cette personne dispose ou non, du pouvoir de décider de la sanction applicable (CE, 9 mars 2005, n°253458).

Du côté du juge judiciaire, il est considéré que l’employeur, au sens des dispositions de l’article L. 1332-4 du Code du travail relatives à la prescription des faits disciplinaires, est non seulement le représentant légal de l’entreprise investi du pouvoir disciplinaire, mais également le représentant de ce dernier ayant qualité pour prendre l’initiative d’une procédure disciplinaire (Cass. Soc. 23 février 2005, n°02-47.272).

Cette décision du 28 février 2018 doit être comparée avec un arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 31 mai 2006 [2] où la chambre sociale a ici considéré que le supérieur hiérarchique ayant pris connaissance du manquement du salarié deux mois avant l’engagement des poursuites, les faits fautifs étaient prescrits, peu importe que le supérieur ait tardé à informer sa direction des faits commis par le salarié.

Est-ce à considérer que le chef de dépôt n’était pas le réel supérieur hiérarchique du salarié, qui était rattaché directement à la direction de l’entreprise ? Ou la chambre sociale de la cour de cassation opère-t-elle un revirement de jurisprudence quant à la qualité et aux prérogatives accordées au supérieur hiérarchique ?

Nous attendons ainsi que la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce à nouveau sur un cas similaire pour analyser sa position.

Laura Chambon
Juriste droit social SL CONSULTING CONSILIUM
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