Refus d’un permis de construire du fait des risques d’incendie.

Par Alexandre Chevallier, Avocat.

14378 lectures 1re Parution: Modifié: 1 commentaire 4.93  /5

Explorer : # risques d'incendie # permis de construire # sécurité publique # urbanisme

L’arrêt du Conseil d’État du 26 juin 2019, publié au recueil Lebon, est venu affirmer le principe selon lequel, le refus de permis de construire portant sur une demande d’autorisation de construire un ouvrage de nature à entraîner une atteinte à la salubrité ou la sécurité publique, est légal dès lors qu’il est impossible légalement d’accorder ledit permis en l’assortissant de prescriptions spéciales.

-

Cette décisions du Conseil d’Etat du 26 juin 2019 apporte deux conditions cumulatives pour que l’autorité compétente pour délivrer les autorisations d’urbanisme puisse légalement refuser cette autorisation. (Conseil d’Etat, 26 juin 2019, n°412429, publié au recueil Lebon).

La première condition concerne la situation et la nature du projet qui est susceptible de porter une atteinte à la salubrité ou la sécurité publique.

La seconde condition concerne la régularisation de cette atteinte à la salubrité ou la sécurité publique. Cette régularisation ne doit pas être possible même par l’édiction de prescriptions spéciales au permis de construire.

Aussi, cette deuxième condition sera également remplie bien qu’il soit possible de répondre de cette atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique par l’édiction de prescriptions spéciales, ces prescriptions apportant au projet des modifications substantielles, nécessitant ainsi la présentation d’une nouvelle demande de permis de construire.

Les faits de l’espèce en question étaient les suivants.

Le maire de Tanneron a refusé de délivrer un permis de construire au requérant pour une maison d’habitation et une piscine du fait de l’existence d’un risque d’incendie de forêt important dans cette zone.

Le maire s’est appuyé à cette occasion sur l’avis défavorable du service d’incendie et de secours pour le projet de construction.

L’affaire a été portée devant le tribunal administratif de Toulon, lequel a rejeté la demande d’annulation par le requérant du refus de permis de construire. La décision de la Cour administrative d’appel de Marseille est ensuite venue confirmer ce jugement.

En conséquence, le requérant a décidé de former un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État en invoquant les dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme :

"Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations".

Il soutient que le permis de construire aurait dû lui être délivré compte tenu des aménagements envisageables comme la réalisation de réserves de stockage d’eau ou encore la mise en place d’un dispositif d’arrosage aux fins de réductions des risques d’incendie de forêt.

Néanmoins, aucun des aménagements proposés n’a été de nature à convaincre le Conseil d’État de l’illégalité du refus de permis de construire.

Le Conseil d’État, dans son attendu de principe est en revanche venu énoncer qu’en vertu des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme :

« Lorsqu’un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l’autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu’il n’est pas légalement possible, au vu du dossier et de l’instruction de la demande de permis, d’accorder le permis en l’assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d’une nouvelle demande, permettraient d’assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l’administration est chargée d’assurer le respect. ».

Ainsi, les dispositions d’ordre public de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, qui pour rappel, s’appliquent également dans les communes soumises à un plan local d’urbanisme ou tout autre document en tenant lieu, ont bien été respectées et le pourvoi du requérant, par conséquent, rejeté.

La haute juridiction avait par ailleurs annulé dans plusieurs décisions antérieures et de façon constante pour erreur manifeste d’appréciation, des permis de construire au motif des risques incendies ou d’explosion portant atteinte à la sécurité publique nonobstant que lesdits permis aient été assortis de prescriptions spéciales.

Pour illustrations, une ancienne décision du 16 octobre 1992 (Conseil d’État, 16 octobre 1992, Commune de Beaumont-de-Lomagne, n° 86494) avait considéré au visa de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme :

« Qu’en accordant, par la décision attaquée, le permis de construire un bâtiment à usage de dépôt, d’atelier de conditionnement et de bureaux situés à trente mètres d’un silo à grains d’une capacité de 20.000 tonnes, le maire a, compte tenu notamment des dangers pouvant résulter de l’incendie d’un silo, commis une erreur manifeste dans son appréciation des risques auxquels pourrait être exposée la construction projetée ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin de rechercher si les autres moyens soulevés par la société civile immobilière à l’appui de sa demande étaient recevables et fondés, la commune n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué en date du 22 janvier 1987, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 4 juin 1984 du maire de Beaumont-de-Lomagne ; ».

Dans le même sens, (CE 5 déc. 2001, Bordier, no 205816) :

« Qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment des photographies qui ont été produites, que le terrain sur lequel doit être édifiée la construction autorisée par le permis de construire en litige, situé sur le territoire de la commune de Bonnieux (Vaucluse) et qui se trouve dans un secteur exposé à d’importants risques d’incendie de forêt, est boisé ainsi que les abords de son chemin d’accès, et dépourvu de défenses extérieures contre l’incendie ; que si M. X... envisageait dans sa demande de permis de construire certains travaux sur ce terrain afin de permettre une meilleure prise en compte de ce danger d’incendie en prévoyant une aire de retournement pour les véhicules de secours contre l’incendie, une piscine et un élargissement de la voie d’accès, ces travaux étaient insuffisants pour répondre de façon satisfaisante aux risques d’incendie ; que le préfet de Vaucluse est, dès lors, fondé à soutenir que compte tenu de sa localisation et des moyens existants de lutte contre l’incendie, la construction projetée est manifestement de nature à porter atteinte à la sécurité publique ; qu’il suit de là que le préfet de Vaucluse est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté son déféré dirigé contre le permis de construire accordé le 26 juin 1992 à M. X... ; ».

Pour conclure, la portée de la publication de cet arrêt, destinée au plus grand nombre, confirme la volonté du Conseil d’État d’affirmer ce principe.

Il importera donc au pétitionnaire exposé aux risques d’incendie de redoubler de vigilance afin de s’assurer avant tout dépôt, que son dossier de permis de construire comporte précisément l’ensemble des éléments de nature à répondre de façon satisfaisante auxdits risques.

Alexandre CHEVALLIER
Avocat au Barreau de Paris
Equitéo Avocat
a.chevallier chez equiteo.fr
www.equiteoavocat.fr

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

54 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Commenter cet article

Discussion en cours :

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27881 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs