La rémunération des administrateurs de sociétés au Luxembourg, par Nabil Kadri

La rémunération des administrateurs de sociétés au Luxembourg, par Nabil Kadri

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La rémunération des administrateurs de sociétés au Luxembourg n’est pas légalement obligatoire, un mandat social peut parfaitement être effectué à titre gratuit.

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Toutefois, en pratique, il est courant que les sociétés préfèrent rémunérer leurs dirigeants afin de récompenser l’effort effectué dans l’intérêt de l’entreprise et les motiver pour continuer dans la même direction. Cette rémunération peut être prévue par les statuts ou fixée par l’assemblée générale des actionnaires qui peut préciser également s’il s’agit d’un montant fixe ou s’il s’agit d’un montant variable selon les résultats de l’exercice social.

La rémunération des administrateurs peut se présenter sous différentes formes : tantièmes, jetons de présence, rémunérations exceptionnelles, remboursement de frais ou contrat de travail sous certaines conditions. Il existe évidemment d’autres modes de rémunérations directs et indirects tels que les stocks options et les bonus que nous exposerons dans un prochain article.

1. Tantièmes

Les tantièmes représentent une proportion des bénéfices nets de l’exercice qui serait attribuée à titre de rémunération des fonctions aux administrateurs d’une société anonyme.

La loi sur les sociétés commerciales du 10 aout 1915 indique que les tantièmes peuvent être alloués individuellement ou de façon globale par l’assemblée des actionnaires qui laissera le soin aux administrateurs de les répartir en conseil d’administration.

En effet, en l’absence d’interdiction par les statuts, il appartient à l’assemblée générale des actionnaires de décider le versement d’émoluments aux administrateurs. L’assemblée des actionnaires peut se contenter de fixer le montant global pour laisser ensuite au conseil d’administration, la mission de répartir librement les émoluments entre les administrateurs.

Toutefois, la société concernée doit réaliser au préalable au moins un exercice bénéficiaire, les tantièmes étant habituellement prélevés sur le résultat à la clôture finale des comptes sociaux.

Les tantièmes versés aux résidents et aux non résidents sont assujettis à l’imposition sous forme de retenue à la source au taux de 20% qui s’applique au montant brut (aucune déduction de frais ne sera prise en compte) . Toutefois, la société qui verse les tantièmes peut prendre à sa charge l’impôt à retenir mais dans ce cas, le taux d’imposition est porté de 20% à 25% .

Concernant plus particulièrement, les résidents luxembourgeois, le régime d’imposition de retenue à la source précise que les tantièmes sont imposés par voie d’assiette dans le chef d’un contribuable résident dans les situations suivantes :

1. lorsque le revenu imposable dépasse 100.000 € (58.000 € pour 2008) ;

2. lorsque le revenu imposable comprend des revenus nets non passibles de retenue de plus de 600 euros ;

3. lorsque le revenu imposable comprend plus de 1.500 € de revenus qui sont passibles de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers ;

4. lorsque le revenu est imposable dans le chef d’époux ayant opté conjointement pour l’imposition collective, ne vivant pas en fait séparés, dont l’un est contribuable résident et l’autre une personne non résidente ;

5. lorsque le revenu imposable comprend plus de 1.500 € de revenus nets passibles de la retenue d’impôt sur les revenus de tantièmes.

L’imposition est établie par voie d’assiette à la fin de l’année d’imposition sur la base d’une déclaration d’impôt établie par le contribuable dans la catégorie des bénéfices provenant de l’exercice d’une profession libérale.

La détermination des bénéfices se fait en principe par comparaison des recettes et des dépenses d’exploitation.

Les dépenses comprennent les frais de déplacement et les frais de débours.
La retenue d’impôt sur tantièmes est à imputer sur la créance d’impôt dû conformément aux dispositions de l’article 154 alinéa 1er LIR.

Toutefois, dans un souci de simplification, le contribuable peut opter pour l’évaluation forfaitaire des dépenses d’exploitation en relation avec les tantièmes dans les limites suivantes :

1. Pour un montant égal ou inférieur à 2.000 € de recette, l’administration fiscale admet une déduction de 30% ;

2. Pour un montant supérieur à 2.000 et inférieur à 6.000 de recettes, l’administration fiscale admet une déduction de 600 € + 25% (recettes – 2.000 €) ;

3. Pour un montant supérieur à 6.000 et inférieur à 15.000 €, l’administration fiscale admet une déduction de 1.600 € + 20% (recettes – 6.000 €) ;

4. Pour un montant supérieur à 15.000, l’administration fiscale admet une déduction de 3400 €.

Dans le cas où le contribuable ne se trouve pas dans l’une des situations sus visées permettant l’imposition par voie d’assiette, ou en l’absence d’une demande de sa part, la retenue d’impôt sur les tantièmes sera considérée comme une imposition définitive.

2. Jetons de présence

En l’absence de disposition statutaire prévoyant d’accorder des jetons de présence aux administrateurs de sociétés, l’assemblée générale des actionnaires peut décider d’allouer des jetons de présence aux administrateurs et d’en fixer les modalités.

Le montant de ces jetons de présence peut être déterminé librement par l’assemblée qui les détermine en votant une somme globale.

Il appartient ensuite au Conseil d’administration d’organiser les modalités de répartition entre les différents administrateurs. Ainsi, le Conseil d’administration peut allouer une part plus importante aux administrateurs les plus assidus aux réunions du conseil d’administration.

En tout état de cause, l’administrateur n’a droit à rémunération qu’après avoir obtenu décharge de sa gestion.

Il est à observer que cette rémunération n’est pas liée au résultat de la société, l’article 1999 du code civil précisant qu’elle est due même si la société est en perte.

Les jetons de présence ne sont pas prélevés sur les bénéfices mais enregistrés comme charges d’exploitation
Sur le plan fiscal, les jetons de présence constituent pour les administrateurs un revenu imposable relevant de la catégorie des bénéfices provenant de l’exercice d’une profession libérale au sens de l’article 91 L.I.R .

3. Rémunérations exceptionnelles

Le Conseil d’administration peut également allouer des rémunérations exceptionnelles pour les missions ou mandats confiés à des administrateurs.

C’est souvent le cas de, l’administrateur ne consacrant pas toute son activité à la société. Il est également parfaitement envisageable que pour des services déterminés qui ne font pas l’objet du mandat ordinaire, l’administrateur reçoive une rémunération en plus des émoluments alloués par les statuts ou l’assemblée générale.

4. Remboursements de frais

Le Conseil d’administration peut autoriser le remboursement des frais de voyage et de déplacement et des dépenses engagées par les administrateurs dans l’intérêt de la société.

La société peut alors rembourser les frais engagés par les administrateurs dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions qu’elle devra comptabiliser au compte frais généraux et dans les charges au compte profits et pertes.
Une annexe aux comptes annuels doit préciser les rémunérations allouées aux administrateurs et donc rendre public son montant et ses modalités.
En effet, l’annexe doit préciser les montants qui ont été versés aux administrateurs durant l’année écoulée en raison de leurs fonctions, les avances et crédits qui ont été alloués, les conditions du taux et les garanties données pour leur compte.

5. Contrat de travail

Les administrateurs qui bénéficient valablement d’un contrat de travail parallèlement à un mandat social doivent respecter deux conditions cumulatives pour que le cumul soit valable. :

- le contrat de travail doit présenter un caractère réel et sérieux, les fonctions exercées doivent correspondre à des fonctions techniques distinctes de celles exercées au titre du mandat social (l’administration générale de la société ne constituant bien évidemment pas une fonction technique distincte). Ainsi, le contrat de travail n’a de réelle existence que s’il correspond à des fonctions techniques nettement dissociables de celles découlant du mandat

- il doit y avoir un lien de subordination entre l’administrateur et la société relativement à ces fonctions techniques.
Le dirigeant de la société est lié à la société par un contrat de travail et relève de la législation du droit du travail si les conditions précitées sont satisfaites.
Par conséquent, il bénéficie des congés payés, de la protection contre le licenciement etc.
L’administrateur qui bénéficie d’un contrat de travail doit démontrer le lien de subordination existant entre la société et le salarié, il doit faire valoir qu’il occupe une fonction technique au sein de la société et qu’il reçoit une rémunération fixe mensuelle.
Le contrat de travail ne doit pas correspondre uniquement à une apparence destinée à contourner les dispositions légales d’ordre public concernant la révocabilité ad nutum des mandataires sociaux et .

En tout état de cause, la jurisprudence est unanime pour considérer que c’est le lien de subordination qui est l’élément essentiel et le critère distinctif de tout contrat de travail .

Il incombe au mandataire social qui se prévaut de la qualité d’employé privé d’établir la preuve de l’existence de cette qualité dans son chef . La seule indication d’avoir occupé un poste déterminé sans autre précision est insuffisante pour permettre au tribunal d’apprécier si le travail que le demandeur prétend effectuer est suffisant pour répondre au critère de fonction technique nettement distincte tel que développé par les juridictions du travail.

Enfin, concernant plus particulièrement l’administrateur délégué d’une société anonyme qui agit pour la société et en son nom, qui la représente et qui, dans l’exercice de ses fonctions, dispose de pouvoirs étendus et est astreint seulement à se conformer aux décisions du conseil d’administration dont il fait partie, et de l’assemblée générale des actionnaires, ne peut être considéré comme étant un salarié, mais comme un mandataire. Depuis une réforme législative du 25 juillet 2005, la qualité plus particulière d’administrateur-délégué oblige celui-ci à s’affilier en qualité d’indépendant et ce malgré l’existence d’un lien de subordination.

KADRI Nabil
Avocat au Barreau de Luxembourg

nk chez kadri-avocats.com

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