Le dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail de nuit.

Par Cécile Villié, Avocat.

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Explorer : # dépassement de la durée maximale de travail # préjudice nécessaire # indemnisation des salariés # droit du travail européen

Par un arrêt rendu le 27 septembre 2023, la Cour de cassation vient affirmer sans l’ombre d’une hésitation que le dépassement de la durée maximale de travail ouvre, à lui seul, droit à la réparation.

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Ainsi, la chambre sociale confirme un arrêt rendu le 26 janvier 2022 (N°20-21.636) qui s’inspirant du droit européen, avait jugé que le salarié qui dépasse sur une semaine la durée maximale de travail doit être indemnisé sans avoir à prouver le préjudice subi.

Faisant en effet référence à la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail et à la portée que la Cour de Justice de l’Union européenne reconnaît à son article 6, b, en ce qu’il impose une limite maximale hebdomadaire de durée du travail, pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs [1], la chambre sociale avait estimé le 26 janvier 2022 que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail au cours d’une semaine « ouvre droit à réparation », pour casser une décision qui avait débouté un salarié au motif que le préjudice invoqué à ce titre n’était pas suffisamment démontré, quand bien même il avait travaillé plus de 48 heures en une semaine.

Les faits de l’arrêt du 27 septembre 2023 sont les suivants : un salarié engagé pour occuper un poste de conducteur a été licencié le 28 décembre 2017 et dispensé d’exécuter son préavis. Défendant qu’il a souvent dépassé la durée maximale hebdomadaire de 46 heures, il saisit le juge d’une demande en paiement d’une indemnité pour non-respect des durées maximales quotidiennes, hebdomadaires et mensuelles de travail. Selon lui, le seul constat du dépassement de la durée maximale du travail lui donne droit à réparation.

Sa demande est rejetée par la Cour d’appel de Paris. En effet, elle considère que le salarié ne justifiait pas « d’un préjudice distinct de celui réparé au titre du repos compensateur ».

Le salarié s’est ensuite pourvu en cassation au motif que le non-respect des durées maximales de travail ouvre à lui seul droit à réparation à son profit. La Cour de cassation tranche en sa faveur et suit son argumentation en rappelant que le dépassement de la durée maximale de travail ouvre bien, à lui seul, droit à réparation.

En effet sur le fondement de l’article 1353 du Code civil, elle juge que

« la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur ».

Ainsi l’arrêt de la cour d’appel est cassé car elle n’a pas constaté que

« l’employeur justifiait avoir respecté la durée hebdomadaire maximale de travail du travailleur de nuit calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ».

De surcroît, la Cour de cassation se réapproprie la théorie du « préjudice nécessaire » (signifiant préjudice nécessairement subi) qu’elle avait abandonnée par un arrêt rendu le 13 avril 2016 [2] avant de revenir sur sa position dans des affaires rendues à propos du dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire (mais hors contexte de travail de nuit) ou journalier [3].

La chambre sociale forgea cette théorie du « préjudice nécessaire » dans un arrêt du 29 avril 2003 [4], afin de garantir l’effectivité des règles de procédure en matière de licenciement. Dès lors, le simple constat de l’irrégularité de la procédure de licenciement, commandait au juge d’octroyer des dommages-intérêts, sans même qu’il doive étudier le préjudice réellement subi par le salarié.

Ce faisant, la Cour de cassation dans la continuité de sa jurisprudence affirme bel et bien la renaissance de la théorie du « préjudice nécessaire » et le droit des salariés à avoir des horaires de travail hebdomadaires respectant des durées maximales est d’autant plus protégé et effectif grâce à cette simplification significative de la charge de la preuve.

Cécile Villié,
Avocat - droit du travail
Barreau de Paris
www.villie-avocat.com
contact chez villie-avocat.com

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Notes de l'article:

[1CJUE, 25 nov. 2010, no C-429/09, Fuss/Stadt Halle.

[2Cass. soc., 13 avril 2016, n°14-28.293.

[3Cass. soc. 26 janvier 2022 n° 20-21.636 ; Cass. soc. 11 mai 2023 n° 21-22.281.

[4Cass. soc., 29 avril 2003, n° 01-41.364.

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