Article extrait du Journal du Village de la Justice n°101.
Au sommaire notamment de ce numéro 101, "Les risques psychosociaux au sein des cabinets d’avocat, ChatGPT et autres intelligences artificielles génératives, le coaching pour avocats, les nouveaux outils de l’amiable judiciaire..."
Qu’est-ce que l’offboarding ?
L’offboarding est l’ensemble du processus de gestion d’un collaborateur entre la décision de départ et son départ effectif. Cette décision peut être à l’initiative du collaborateur, de l’employeur ou prise d’un commun accord. La mise en place d’une procédure structurée facilite la prise de recul du manager et du collaborateur partant.
S’agissant de la durée d’offboarding, celle-ci est variable, pouvant aller de quelques semaines à plusieurs mois. Cette période permet au cabinet non seulement de procéder à la planification et à la mise en œuvre des actions nécessaires au départ, mais également d’assurer une gestion efficace des impacts. Au-delà de la négociation des conditions définitives de sortie – si elles ne sont pas déjà établies lors de la décision de départ – trois enjeux spécifiques se posent lors de cette phase : la gestion technico-administrative du collaborateur, la continuité des activités et la compréhension du contexte. La mise en place en amont d’informations documentées (procédures, check-list, annexes, actes juridiques) et la gestion des parties prenantes internes comme externes [2] (définition des éléments de langage et communication) sont autant d’éléments à intégrer à la procédure.
Il s’agit très concrètement de bâtir un cadre de sortie clairement identifié, offrant sérénité et efficacité. Ainsi, quel que soit le motif de départ, le déroulement du processus d’offboarding permet de réduire à la fois l’incertitude et le stress généré par les situations de départ, tout en facilitant la gestion de l’implication émotionnelle.
Les spécificités de l’offboarding en cabinet d’avocats.
Le statut de la profession d’avocat, notamment certaines exigences du RIN, a des conséquences spécifiques sur l’offboarding d’un cabinet. Qu’il s’agisse de l’avocat en contrat de collaboration libérale, de l’avocat salarié ou des collaborateurs salariés non-avocats, les différences de statuts changent sensiblement les points à aborder durant les réunions de passation.
S’agissant des conditions de rupture d’un contrat de collaboration, notons l’impact des principes déontologiques de délicatesse et de confraternité. Outre les obligations rappelées aux articles 14.4 et suivants du RIN [3], l’un des enjeux réside notamment dans l’identification de ce qui relève de la clientèle personnelle du collaborateur libéral, telle que garantie par les articles 14.1 et suivants du RIN. Au fil du temps et de la pratique, les frontières entre ces deux types de clientèle ont pu s’estomper. Clarifier ce point sera un élément important de l’offboarding de vos collaborateurs libéraux, tant il a un impact à la fois sur la continuité des activités et sur la poursuite des relations d’affaires avec la clientèle. Par ailleurs, l’étendue du secret professionnel de l’avocat renforce l’exigence de confidentialité à tous les membres du personnel du cabinet [4]. La signature d’un accord de confidentialité est vivement recommandée, ne serait- ce que pour ancrer psychologiquement cette obligation auprès des personnels non soumis au serment de l’avocat.
Comment capitaliser sur l’offboarding d’un collaborateur ?
Premièrement, en répondant aux objectifs de continuité d’activités, par une passation aussi souple et agile que possible !
Deuxièmement, en faisant de cette étape un élément à part entière de l’expérience collaborateur. Un offboarding clair et construit participe directement au développement de votre marque employeur. Rappelons que dans une relation, a fortiori professionnelle, la séparation va produire un puissant ancrage modifiant l’ensemble de la perception d’une collaboration : des années d’épanouissement professionnel peuvent être gommées par un offboarding bâclé, au détriment de l’attractivité générale du cabinet. Qui plus est, face à la pénurie de candidats et aux autres difficultés de fidélisation des collaborateurs, il va sans dire qu’un offboarding réussi facilite grandement les futurs recrutements, voire le recrutement boomerang [5]. Troisièmement, la procédure vous permet de renforcer, à deux titres, le sentiment de confiance des équipes vis- à-vis du management et de la direction. D’une part, en veillant à ne pas stigmatiser le partant et à prévenir toute situation d’exposition à des risques psychosociaux (RPS) et, ce, quelle que soit la cause du départ. D’autre part, la procédure vise justement à réduire la perturbation générée sur l’équipe restante, notamment en cabinet, à réguler la surcharge d’activités due à la reprise des dossiers.
Les 9 étapes clefs de l’offboarding.
1. Remercier le collaborateur et communiquer sur le départ : communiquez auprès des équipes et de la clientèle avec des éléments de langage adéquats. Pensez à remettre au sortant, le cas échéant, un livret de départ récapitulant la procédure d’offboarding et les avantages qu’il peut choisir de conserver (portabilité mutuelle, PEE-PERECO, etc.).
2. Assurer la transfert des informations utiles : récupération et archivage des informations utiles, réunions de passation, rédaction de to-do list à l’accompagnement des successeurs ou repreneurs des dossiers, état des facturations et actualisation des informations dans vos différents logiciels métier.
3. Récupérer les dotations : dressez un bordereau de restitution des matériels mis à disposition. Outre l’IT, on pensera aux éventuels badges et cartes (accès, achats ou bancaire).
4. Gérer les accès et comptes : on pense naturellement aux accès aux systèmes d’information (mail, progiciel, serveur), à la récupération des identifiants et mots de passe. Il conviendra de notifier le changement aux équipes concernées (DSI ou prestataire). Selon les responsabilités occupées par le collaborateur sortant, cela peut également prendre en compte les accès aux SI bancaires et comptables, aux serveurs des clients, etc. Certaines solutions offrent des services permettant de transférer ou révoquer facilement et de manière sécurisée les différents accès.
5. Conduire un entretien de sortie : cet entretien constitue un moyen efficace d’obtenir un retour d’expérience qualitatif participant de l’amélioration continue de votre organisation. Profitez-en également pour remettre les informations obligatoires et conclure un accord de confidentialité.
6. Procéder au règlement des soldes de tout compte.
7. Marquer le départ de façon appropriée : c’est l’occasion de remettre une note de remerciement, d’offrir un cadeau personnalisé lors du pot de départ, et de préparer une carte de départ signée par l’équipe.
8. Actualisez votre documentation interne : en plus des organigrammes, sites internet et autres documents de présentation, pensez aux annexes de votre plan de continuité d’activité (PCA) ou de votre plan de gestion de crise (PGC).
9. Maintenir un lien : rédigez une recommandation sur LinkedIn et prenez des nouvelles. En cas de reconversion professionnelle, le cabinet peut même envisager de soutenir son ancien collaborateur dans le cadre de sa politique RSE.