Par un arrêt du 26 février 2020, la Cour de cassation reconnait au CHSCT de l’entreprise de travail temporaire la possibilité de faire appel à un expert en cas de risque grave encouru par des intérimaires au sein d’une entreprise utilisatrice, sous deux conditions.
I- La responsabilité de principe de l’entreprise utilisatrice.
L’ancien article L4614-12 du Code du travail permettait au CHSCT de faire appel à un expert agréé en cas de risque grave révélé ou non par un accident du travail ou une maladie professionnelle, ou à caractère professionnel constaté dans l’établissement. Il en va de même pour le CSE [1].
Les juges du fond avaient ordonné l’annulation de la délibération du CHSCT de l’entreprise de travail temporaire désignant un expert face à un risque grave rencontré par des intérimaires au sein de l’entreprise utilisatrice.
La responsabilité de la protection de la santé-sécurité des travailleurs temporaires est commune à l’employeur (entreprise de travail temporaire) et à l’entreprise utilisatrice [2].
Cette obligation incombe au premier chef à l’entreprise utilisatrice que l’article L1251-21 4° du Code du travail désigne comme responsable des conditions d’exécution du travail des intérimaires, notamment celles qui ont trait à la santé et la sécurité au travail.
Ainsi, l’entreprise utilisatrice est tenue d’une obligation de sécurité de moyens renforcée [3] qui lui impose de prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer la protection de la santé des intérimaires [4].
Selon le même raisonnement, la mission de vigilance et de représentation des intérimaires appartient au CHSCT (désormais au CSE) de l’entreprise utilisatrice, dont le périmètre d’action couvre l’ensemble des salariés placés sous l’autorité de l’employeur [5].
Pour protéger davantage la santé-sécurité des travailleurs temporaires, la Cour de cassation interprète ces dispositions à la lumière du droit à la santé des travailleurs, protégé à la fois par le droit européen et par le droit constitutionnel.
II- L’extension de la protection des travailleurs temporaires aux instances représentatives du personnel de l’entreprise de travail temporaire.
La Cour de cassation casse l’ordonnance rendue par les juges du fond en faisant primer le droit à la santé des travailleurs sur le droit de propriété et la liberté d’entreprendre, constitutionnellement garantis.
« La responsabilité de l’entreprise utilisatrice ne peut pas, à elle seule, garantir le droit à la santé et à la sécurité des travailleurs intérimaires ».
Face à la difficulté pour l’entreprise utilisatrice de prendre en charge la santé-sécurité des travailleurs extérieurs, qui accomplissent en son sein des missions de courte durée, la Cour de cassation retient la compétence du CHSCT de l’entreprise de travail temporaire, en second plan.
Désormais, le CHSCT de l’entreprise de travail temporaire peut faire appel à un expert agréé afin d’étudier la réalité du risque et les moyens pour y remédier, lorsque :
Les travailleurs mis à disposition de l’entreprise utilisatrice sont soumis à un risque grave et actuel [6],
Et que ni l’entreprise utilisatrice et ni son CHSCT ne s’en saisissent.
Les juges du fond, saisis du litige, doivent vérifier que ces deux conditions sont réunies. Dans l’affirmative, l’entreprise utilisatrice et son CHSCT doivent être mis en cause pour répondre de leur inaction.
Cette décision trouve à s’appliquer au CSE, qui dispose des mêmes prérogatives de désignation d’un expert que l’ancien CHSCT, sur le fondement de l’article L2315-94 du Code du travail.
Au vu de cette jurisprudence particulièrement sévère, il semble dès lors impératif pour les entreprises utilisatrices de coopérer avec les entreprises de travail temporaire dans la mise en œuvre des mesures de prévention des nouveaux risques liés à l’épidémie de Covid-19 et l’information des travailleurs.