Infection nosocomiale : le Conseil d’Etat complète sa définition.

Par Audrey Uzel, Avocat.

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Explorer : # infection nosocomiale # responsabilité hospitalière # expertise médicale

En janvier 2003, une patiente âgée de 76 ans a été admise en urgence dans un établissement public de santé à la suite d’un accident vasculaire cérébral. Onze jours plus tard, elle a présenté une détresse respiratoire résultant, selon le rapport d’expertise, d’une infection contractée au cours de son séjour à l’hôpital et causée par la régurgitation du liquide gastrique, lequel, du fait d’un trouble de la déglutition consécutif à l’accident vasculaire cérébral, avait pénétré dans ses bronches. Si la patiente a survécu à ce premier épisode infectieux, elle n’en a pas moins, par la suite, fait l’objet de plusieurs hospitalisations et a présenté des complications infectieuses, jusqu’à son décès en mai 2005.
Sa fille, Madame D., a saisi le juge administratif d’une demande indemnitaire dirigée contre le centre hospitalier et contre l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

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Suivant les conclusions de l’expertise, le Tribunal administratif considère que la patiente a été victime d’une infection nosocomiale contracté à l’hôpital. Elle a donc engagé la responsabilité de l’établissement et mis l’ONIAM hors de cause. Concernant la réparation des préjudices, il a en revanche jugé que cette infection n’était pas à l’origine de son décès mais avait entraîné des souffrances et un déficit fonctionnel temporaire.

La Cour administrative d’appel a annulé le jugement du TA en tant qu’il condamnait l’établissement à verser une indemnité à Mme D, au motif que l’infection étant la conséquence non des actes pratiqués dans le cadre de la prise en charge de la patiente ni de son séjour dans l’environnement hospitalier mais de la pathologie qui avait nécessité son hospitalisation. Pour la Cour, le dommage n’était pas dû à une infection nosocomiale au sens de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique.

Saisi d’un pourvoi élevé par Madame D., le Conseil d’Etat a été amené à répondre à la question suivante : l’infection contractée en janvier 2003 présentait-elle ou non un caractère nosocomial au sens de l’article L. 1142-1, aux termes duquel les professionnels de santé et les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins « sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère » ?

Faute de définition légale, le Conseil d’Etat s’est emparé de la question. Confirmant sa jurisprudence antérieure (CE, 21 juin 2013, n° 347450, Lebon 177) : « doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d’un patient et qui n’était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s’il est établi qu’elle a une autre origine que la prise en charge ». En principe, la durée d’incubation retenue est de 48 heures.

En l’espèce, si l’infection est bien survenue au cours de l’hospitalisation, le rapport d’expertise relevait que l’infection ne constituait pas la conséquence des actes pratiqués dans le cadre de la prise en charge de la patiente ou de son séjour dans l’environnement hospitalier, mais résultait de la pathologie qui avait nécessité son hospitalisation. Par conséquent, l’infection était sans lien avec les soins ou le séjour.

Cette constatation expertale avait conduit la Cour à considérer que l’infection ne présentait pas un caractère nosocomial. Le Conseil d’Etat confirme pleinement cette position. Ainsi, le fait que l’infection nosocomiale se déclare lors de l’hospitalisation ne suffit pas. Le caractère nosocomial d’une infection, au sens de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, est lié au fait que l’infection a été causée par les soins ou le séjour dans l’environnement hospitalier. A charge pour l’établissement d’apporter la preuve de l’absence de lien avec les soins ou le séjour.

Autrement dit, lorsque la victime a établi qu’elle n’était porteuse d’aucune infection au moment de sa prise en charge et que l’infection se déclare lors du séjour, elle est réputée nosocomiale, sauf à ce que l’établissement en cause apporte la preuve que cette infection n’a pas pour origine les soins ou le séjour hospitalier.

CE, 23 mars 2018, Mme D., req. n° 402237, Publié au Recueil Lebon

Audrey UZEL
SELARL KOS AVOCATS
Avocats au Barreau de Paris

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Discussion en cours :

  • par OUDIN , Le 3 mars 2020 à 20:18

    Bonjour
    Quel est le délai pour accepter l’offre de l’ONIAM ?
    En cas de refus de cette offre ONIAM par la victime, quel est le délai pour saisir le Tribunal Judiciaire ? Le TA ? 10 ans à partir de la consolidation j’imagine.
    En cas de saisine d’une juridiction administrative, faut il lier le contentieux au fond avant de saisir le TA ou bien la procédure amiable ONIAM et le refus de l’administration ou de l’établissement public concerné, et de son assurance, suffit-il ?
    En cas de saisine d’une juridiction, est-ce que l’ONIAM doit être attraite à la cause ?
    Est-ce qu’en cas de saisine d’une juridiction après refus de l’offre ONIAM, la victime, en cours de procédure, peut revenir sur sa décision et décider d’accepter l’offre ONIAM et abandonner la procédure qu’elle soit civile ou administrative ? Si oui, sous quel délai ?
    Cordialement
    Pascal OUDIN

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