En prison il y a le risque d’un prosélytisme de la radicalisation et en liberté il y a surtout un risque très élevé de passage à l’acte pour celui qui a été poursuivi (voire même fiché S) en raison même de sa radicalisation ! Se pose légitimement la question de savoir comment un individu refoulé plusieurs fois pour tentative de départ vers des régions à vocation terroriste, condamné et fiché en conséquence en raison de cet ensemble de faits et d’événements, a-t-il pu retrouver la liberté presque en toute quiétude ?
En matière de lutte contre le terrorisme, l’attentat à l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray (près de Rouen) est un échec de notre politique pénale ; alors que l’attentat de Nice (au lieu-dit promenade des Anglais) est un échec de notre politique sécuritaire. La sécurité est une liberté fondamentale donnant du sens à notre démocratie moderne. Les atteintes aux personnes, dans leur intégrité physique et psychique, ne sont pas seulement insupportables pour les victimes directes et indirectes mais sont aussi inacceptables pour tout le monde dans un état de droit.
Avant même la réponse pénale de la société, au travers d’un procès dit équitable puisque respectant les droits de la défense en principe, il est primordial que l’autorité publique se donne les moyens juridiques et matériels pour prévenir ces dangers par l’isolement ou la neutralisation de ceux qui, en se revendiquant d’une idéologie aux antipodes de l’État de droit, se posent en état de rébellion contre la Nation : Ils ne sont plus ou ne sont pas vraiment des criminels de droit commun, car leurs actes criminels présentent la particularité de constituer des infractions quasiment militaires par destination, puis-qu’inspirés ou commandités par une puissance étrangère (État Islamique en l’occurrence) ayant ouvertement déclaré la guerre. Il faudrait alors considérer que leurs actes criminels peuvent relever des lois d’exceptions voir même de juridictions d’exceptions.
D’ailleurs la réglementation actuelle ouvre droit aux victimes d’actes de terrorisme, comme pour les familles des personnes décédées, le bénéfice des dispositions du code de pension militaire d’invalidité et victime de guerre (ainsi que des avantages de la caisse nationale militaire de la sécurité sociale).
En outre, il y a comme une incohérence du discours dans le traitement sécuritaire et pénal de ces individus de grande dangerosité : soit on les considère comme des fous (non pas d’Allah mais au sens psychiatrique) et en ce cas cela suppose une altération des facultés mentales qui devrait à terme entraîner dans le cadre d’un jugement des circonstances atténuantes (difficile à le croire comme à l’écrire), soit ils agissent avec discernement ou disposent de toutes leurs facultés dans la commission de leurs forfaits et en ce cas cela suppose une aggravation administrative ou judiciaire des mesures destinées à protéger la société contre leurs méfaits.
Comme à l’instar du retrait de permis de conduire ou de l’immobilisation du véhicule dans le cadre de la sécurité routière, indépendamment de la question de la culpabilité avant le prononcé du jugement, ces individus qui aspirent à devenir terroristes doivent aussi pouvoir absolument faire l’objet de mesures administratives d’isolement à caractère préventif, en attendant la répression pour ce qui est de l’imputabilité des attentats terroristes à ceux qui le seraient effectivement devenus.
« La barbarie du genre humain n’a pas disparu. »
Les deux premières guerres mondiales ont eu pour cause ou pour conséquence le partage du monde par les grandes puissances de la communauté internationale. Les attentats du Wald-Trade Center (11 Septembre 2001), de Madrid (11 Mars 2004), de Londres (7 Juillet 2005) sont sur le plan international les premiers signes d’une autre nouvelle guerre mondiale, dans laquelle le combattant ennemi n’est pas seulement en dehors ou à l’approche de nos frontières, mais il est aussi cette ennemi qui est déjà dans nos rangs et contre qui la maîtrise des armes à longues portées ou de destruction massives n’est pas d’une grande utilité.
L’affrontement des idéologies marxistes et libérales ayant bipolarisé le monde a eu à son paroxysme, avec la Guerre du Vietnam (de 1955 à 1975) ou d’Afghanistan (de 1979 à 1989), pour terrain militaire des conflits isolés ou éloignés de notre vieille Europe qui s’était alors habituée à la paix malgré les tensions de la guerre froide. Puis la chute du mur de Berlin en novembre de l’année 1989, qui peut alors être perçue symboliquement comme la victoire du monde libre, n’a pas pour autant mis fin à la barbarie du genre humain de ceux qui aujourd’hui nous déclarent la guerre, non pas pour libérer l’homme du fait politique mais pour l’opprimer au nom du fait religieux.
Il n’y a pas de fatalité dans la violence, elle est le produit d’une dynamique conflictuelle dont les éléments sous-jacents puisent leurs raisons d’être dans la capacité des acteurs du conflit à anticiper par la ruse la détermination de l’autre.
La lutte contre le terrorisme dit islamique doit pouvoir se faire avec une plus grande vigilance et coopération entre diverses autorités et services qui structurent le corps social de la nation (autorité policière, autorité judiciaire, administration pénitentiaire, administrations scolaires, services sociaux ou médicaux), dans la perspective d’empêcher au final l’action mortifère dès la manifestation des premiers signes révélateurs d’un projet ou d’un processus à vocation criminelle.
La reconnaissance du statut juridique du lanceur d’alerte (par le législateur en avril 2016) et de sa protection (a fortiori), initié dans le cadre de la lutte contre l’incivisme fiscal ou de la délinquance financière, devrait par ailleurs nous inspirer et nous inciter à agir avec le même état d’esprit dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ; même si le respect du secret de la vie privée ou du secret professionnel est une problématique majeure plus dans le premier cas que pour le second et demeure cependant un obstacle évident plus dans le second cas que pour le premier.
Quant à la question des droits de l’homme, plus exactement des droits humains pour une acceptation unisexe, elle ne doit pas être une argutie juridique en droit interne au bénéfice des prévenus soupçonnés ou accusés d’acte de terrorisme, et demeurer un imbroglio politico-juridique en droit international au détriment des civils innocents victimes des dommages collatéraux des actes de guerres contre le terrorisme (tel le cas du conflit syrien). Car cette asymétrie du droit, d’une part ne sert pas la crédibilité du gendarme du monde (ONU) qui peine déjà à avoir une autorité diplomatique et militaire (avec l’institution des casques bleus) en dépit de la multiplication de ses résolutions pour la paix, mais d’autre part va jusqu’à servir sans nul doute (et malheureusement) de prétexte à la rancœur ou à la haine.
Article paru au Quotidien de l’Océan Indien en date du 12/08/2016.