Jusqu’à récemment, le concept “d’emprise” de la femme était utilisé pour définir une situation morale de soumission de la femme justifiant des mesures pour la protéger avec ses enfants. Mais, ce concept d’emprise a été controversé : un Juge n’est pas un psychiatre et il n’est pas souhaitable d’introduire dans des décisions judiciaires des termes relevant de la psychiatrie et de plus appliqués à la victime (1).
Il convenait de s’en tenir aux faits commis par le coupable délinquant, responsable pénalement. Le concept du contrôle coercitif a donc été employé pour s’appuyer sur les faits (facts checking) constitutifs d’un contrôle coercitif sur la femme. Les premières décisions ont été rendues par la Première Présidente de la Cour d’appel de Poitiers, Madame Gwenola Joly-Coz dans cinq arrêts rendus le 31 janvier 2024, décisions pénales et civiles. Ce même critère du contrôle coercitif a été aussi appliqué en référé par Monsieur le Président Clément Bergere-Mestrinaro, Président du Tribunal Judiciaire de Sens, dans son Ordonnance du 17 décembre 2024. Madame Gwenola Joly-Coz a été nommée Première Présidente de la Cour d’Appel de Papeete à compter du mois de janvier 2025 (2).
La lutte contre les VIF est une des causes majeures du Ministère de la Justice et de la Ministre de l’égalité des hommes et des femmes avec l’ambition de créer un délit pénal en cas de contexte de contrôle coercitif. Les procès médiatisés sont un flagship de ce combat difficile car sournois : affaire Pelicot et avant affaire Sauvage. La volonté du législateur est de faire intervenir très vite les autorités administratives ou judiciaires : L’ordonnance provisoire de protection immédiate vient d’entrer en vigueur, outre l’information préoccupante. Il y va aussi de la responsabilité de tous : personne ne doit fermer les yeux ni tourner la tête (3).
1- Le difficile critère de l’emprise sur la femme.
Comme l’a rappelé Mme Gwendola Joly-Coz dans son interview très complète sur son combat contre les violences intrafamiliales [1] : « L’emprise est un concept qui n’est pas très aisé pour les magistrats. Parce que l’emprise est un mécanisme psychologique et nous ne sommes pas psychologues. Ce n’est pas très simple de savoir si une femme est sous emprise. C’est une notion, deuxièmement, qui s’intéresse à la femme (...) »
« Ce que j’essaie de faire, c’est de renverser complètement les choses et de dire que je vais analyser les violences non pas du côté des conséquences psychologiques pour Madame, mais du côté des actes que Monsieur a posés (...) »
Mme Joly-Coz montre la différence entre l’emprise et le contrôle coercitif :« L’emprise est un cercle, le contrôle coercitif est une liste. »
La femme sous emprise se trouve enfermée, isolée dans un cercle et perd son discernement, elle va retirer ses plaintes contre son conjoint, elle reste dans cette situation aliénante. Ce qui ne la sauve pas du danger bien au contraire.
2- Au pénal, le contrôle coercitif se caractérise par une liste d’actes de contrôle permanent, quotidien sur la femme.
Le contrôle coercitif, c’est une liste d’actes que Monsieur pose. C’est le micro-contrôle de la vie des femmes. C’est la surveillance permanente. C’est la domination.
La Juge recommande aux femmes de tenir une liste ou de récapituler par des SMS chaque fait d’autorité ou de contrôle qu’elles subissent : téléphone, insultes, paroles blessantes, menaces, je vais te tuer, tu ne verras plus les enfants, tu mangeras la nourriture périmée … Ces paroles ne doivent pas être prises à la légère et doivent être réprimées.
Dans les cinq arrêts rendus le 31 janvier 2024, où il y avait eu deux relaxes en première instance, la Présidente a sanctionné en utilisant pour la première fois, les termes de “contrôle coercitif”.
Rappelons son livre sur ce sujet : "Elle l’a bien cherché" [2], dans cet ouvrage, elle raconte "20 ans de positionnement de l’institution judiciaire".
Au civil, le contrôle coercitif a été utilisé par le Président du tribunal judiciaire de Sens, dans son Ordonnance de référé du 17 décembre 2024 pour débouter un ex-mari de sa demande de remboursement de la somme de 38 650 €, pour divers paiements faits par chèques au profit de son ex-femme, intitulés, pensions, vacances, enfants, aide, au motif que ”ces paiements avaient été faits pour exercer une sorte d’emprise par le biais de versements financiers, d’insultes de chantage au suicide et de menaces revêtant la forme d’un contrôle coercitif”.
La femme avait remercié sans plus.
L’ex-mari a été débouté et condamné à verser 3 000 € pour procédure abusive et 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du CPCiv.
Cette Ordonnance est publiée sous le compte du Juge.
3- Le projet d’un délit pénal.
Dans son interview du 3 janvier 2025, sur France 3 régions, Madame la ministre de l’Égalité des hommes et des femmes, Aurore Bergé a fait part de son intention de faire adopter une Loi créant un nouveau délit pénal de contrôle coercitif : « Il n’aura fallu attendre que 4 heures pour qu’une femme soit assassinée sous les coups de son conjoint (…) on doit agir », presse la ministre macroniste.
Le 1ᵉʳ janvier, une femme de 51 ans, mère de deux enfants a été retrouvée morte à son domicile, à Hautmont, dans le nord. Son compagnon a été placé en garde à vue, après avoir lui-même appelé les secours en reconnaissant avoir fait "une grosse bêtise".
On pourra aussi en faire une circonstance aggravante ou une excuse de provocation.
Au civil, le contrôle coercitif pourrait servir comme vice du consentement ou comme cause de nullité.
Beaucoup de pistes pour défendre la femme.
Surtout, comme l’ont exprimé les juges dans leurs décisions, c’est le contexte qui compte, quand une situation sournoise arrive à son paroxysme de violence, mettant la femme et les enfants en danger surtout quand il y a des armes ou des couteaux à la maison.
Rappelons qu’il faut agir vite : l’ordonnance provisoire de protection immédiate est entrée en vigueur.
4- L’importance de l’entourage.
C’est à nous, citoyens, qui devons être vigilants sur nos voisins. Il y a l’information préoccupante, signalement anonyme pour prévenir la Préfecture qui aura à faire son travail en faisant le 119.
Ce numéro concerne l’enfance en danger mais souvent, les enfants sont aussi en danger.
Ne détournons pas la tête.