1/ Sur les MARC/MARL/REL : inciter à la déjudiciarisation des litiges privés : vers une privatisation partielle de la justice étatique ?
3 questions sont notamment abordées dans cette contribution d’une part, la promotion de la médiation et de la conciliation avec l’apparition d’un nouveau concept de « médiation/conciliation », d’autre part, la revalorisation du statut du conciliateur de justice et enfin la création d’un diplôme d’état de médiateur/conciliateur.
- Sur la médiation et la conciliation : une fusion programmée avec, à terme, la disparition de la conciliation ?
Se confirme la volonté d’harmonisation des procédures de médiation et conciliation conventionnelles mais aussi judiciaires consacrées notamment aux articles 1531 et suivants du CPC (Code de procédure civile) issus du décret de 2012 transposant en droit interne, la directive UE 2008 sur la médiation.
Donc à terme, n’y a t-il pas un risque de disparition de la conciliation et du conciliateur pourtant spécificités de notre système judiciaire depuis 1790... au profit de la médiation ou conciliation/médiation (terme repris dans la contribution précitée) ?
En effet, différentes propositions marquent une préférence pour la médiation judiciaire souvent citée, notamment page 6 : (Cour d’appel Versailles recourant à la double convocation en matière sociale en renvoyant devant les associations de médiation) ; Et page 4 ( "étape post médiation" devant le TGI (Tribunal de grande instance) de Narbonne menée par le juge sur le fondement de l’article 21 du CPC).
- Sur le principe d’une revalorisation du statut du conciliateur (page 4) : des propositions très, trop, modestes...
La majorité des juridictions insiste sur la revalorisation nécessaire du statut des conciliateurs sans préciser quand, comment et jusqu’où (attributions, formation, recrutement, moyens, frais et indemnisation...) ainsi que sur la nécessité d’une réflexion sur leur éthique, là encore sans aucune précision....
Mais la portée de cette proposition intéressante est réduite par la phrase suivante : "....revalorisation limitée notamment à la mise à disposition de locaux ...". Le statut du conciliateur se limiterait-il à la mise à disposition d’un local ?
-Enfin, sur l’exigence d’un diplôme d’état de médiateurs/conciliateurs (page 5) :
Proposition que les médiateurs/conciliateurs suivent une formation initiale obligatoire en droit et négociation débouchant sur un diplôme d’état ; Très bien, mais qui la financera ?
Le conciliateur ? Car en sa qualité d’ auxiliaire de justice et pas de magistrat non professionnels (comme les juges de proximité (JP), les conseillers prud’homaux (CPH) ou juges consulaires), ce n’est pas à l’état de la financer mais au conciliateur lui même comme n’importe quel autre auxiliaire de justice. S’agissant des avocats, cette formation en médiation est désormais incluse dans leur cursus initial (EFB de Paris notamment).
Ou l’Etat ? Car le conciliateur est certes un auxiliaire de justice mais doté d’un statut spécifique car nommé par l’institution judiciaire. À terme se pose donc la question d’une réforme du statut hybride du conciliateur de justice de 1978 modifié en 1996 (soit médiateur, soit magistrat non professionnel).
Ces propositions sont elles de nature à favoriser le recrutement de conciliateurs et notamment de candidats en activité professionnelle ?
2/ Sur l’organisation future des juridictions du 21ème siècle : pas de grand bouleversement en vue... :
- Exit les juridictions de proximité et les juges éponymes !
Pas un mot dans ces recommandations sur la justice de proximité et nos collègues JP, dont 2 rapports rendus en 2013 avaient portant préconisés le maintien sous l’appellation "de juges citoyens".
Quid de l’ avenir de la justice de proximité ou "justice de paix" au 1er janvier 2015, date de la suppression des juridictions éponymes qui ne sera présente dans chaque canton, aux plus près des justiciables, qu’avec l’institution du conciliateur de justice, auxiliaire de justice bénévole « de bonne volonté », sans moyen ni formation suffisants et qui peine à recruter des candidats.
- Hostilité à la mise en place de l’échevinage devant le Conseil de Prud’hommes (CPH) et le Tribunal de commerce : l’éternel « serpent de mer »...
Ce refus arrange à la fois l’Etat et son budget contraint (pas de recrutement de magistrats et greffiers) mais aussi les syndicats de salariés et de patrons qui "gèrent" les CPH et les chefs d’entreprises et commerçants qui "détiennent" les tribunaux de commerce.
Pourtant, le fonctionnement de ces juridictions ne serait-il pas plus efficace avec la participation d’un juge professionnel notamment devant le CPH où le départage par le juge d’instance disparaîtrait avec un gain de temps s’agissant des délais d’attente d’une décision (le fameux délais raisonnable consacré par la CEDH) ?
- Multiplication des assistants du juge : où le refus de recruter des magistrats...
Recommandation de recruter des collaborateurs devant assister le juge dans sa fonction de juger : assistants de justice (existaient déjà dans les années 80), assistants juridiques ou assistants du juge ... Bref de la précarité dans le domaine judiciaire par le recours aux CDD....
En conclusion :
Des propositions qui hélas, ne sont pas à la hauteur de la justice que notre pays et ses citoyens sont en droit d’attendre (notre justice se place à la 37ème place parmi les 43 pays du Conseil de l’Europe pour le budget annuel alloué au service public de la justice).
Quant à la volonté de promouvoir les MARC, ne masque t-elle pas un début de privatisation "rampante" de notre justice étatique au profit d’une justice privée en rupture avec le principe de l’égalité et de la gratuité d’accès des citoyens à la justice ? même si la gratuité de l’accès au conciliateur est réaffirmée mais jusqu’à quand ? Car se pose la question de la concurrence déloyale des conciliateurs à l’accès gratuit notamment en matière de conciliation conventionnelle (près de 90% de leur saisine) à l’égard des autres professionnels du droit et de la médiation à l’accès payant (avocats, notaires, huissiers, juristes médiateurs ou médiateurs non juristes...) ;
La mise en place d’une justice de proximité citoyenne rénovée fondée sur un conciliateur juge intégré aux tribunaux d’instance (avec un faible coût budgétaire), serait de nature à promouvoir la conciliation et le conciliateur et notamment de :
- répondre aux attentes et exigences nouvelles des justiciables notamment dans la perspective de la suppression prochaine des juridictions de proximité au 1ier janvier 2015 ;
- différencier nettement la conciliation par rapport à la médiation, ces deux modes de règlement amiable des litiges devenant complémentaires et non plus concurrents ;
- enfin, revaloriser le statut du conciliateur en le rendant plus attractif incitant ainsi à un recrutement rajeuni et diversifié de citoyens souhaitant s’impliquer au sein d’une justice de proximité citoyenne.
Discussions en cours :
Ces 2 modes de résolution amiable des différends très proches et dotés d’ un régime juridique en voie d’uniformisation sont source de confusion et d’insécurité juridique pour les justiciables ; Une clarification ne passe t-elle pas par leur fusion ?
http://www.village-justice.com/articles/Conciliation-mediation,19358.html
Bsr Monsieur,
pensez vous que les juges proximité vont réellement disparaître alors qu’ils ont, dans l’ensemble, contribué au bon fonctionnement du service de la justice ??
les conciliateurs de justice vont ils, peuvent-ils, les remplacer dans leur mission juridictionnelle et de conciliation ???
enfin, face à la "montée" en puissance de la médiation, les conciliateurs ne sont ils pas appelés à disparaître eux aussi ??
M B
Monsieur,
Merci tout d’abord de votre analyse qui mets bien en évidence les difficultés du justiciable.
J’habite un "désert judiciaire", où l’isolement s’est encore plus fait sentir avec la disparition de certains tribunaux d’instance. J’avais donc décidé d’occuper les fonctions de conciliateur de justice, fonctions que j’ai tenues pendant trois ans, avec beaucoup de satisfaction.
Je ne m’attarderai pas sur les difficultés rencontrées par les conciliateurs, le sujet ayant déjà été traité par d’autres, beaucoup mieux que je pourrai le faire.
Je voudrais attirer votre attention sur plusieurs points :
Je n’ai rencontré, en province, aucun conciliateur qui ne soit à la retraite, certains ayant même dépassé les 80 ans. Le premier président de la cour d’appel en ayant mis plusieurs en non activité par accession à "l’honorariat", s’est vu confronté à la difficulté de recrutement.
La même difficulté de recrutement impose, bien souvent, d’accepter les candidatures de postulants m’ayant que peu de connaissance en droit, ou bien souvent que des connaissance en droit pénal (anciens OPJ de la gendarmerie ou de la Police). Il avait été proposé de faire effectuer un stage de quelques semaines à l’École de la Magistrature, proposition qui ne semble pas avoir eu la faveur des instances en place. Ne serait-il pas possible (comme cela existe à Limoges et à Rouen, pour l’accès à la profession d’expert judiciaire) de créer un diplôme universitaire de conciliateur de justice, sur une durée de six mois, avec un programme défini par la Cour d’appel en collaboration avec l’université ?
Enfin, et pour en revenir aux remboursement ridicules accordés annuellement aux conciliateurs (à tel point que ceux-ci hantent les tribunaux à partir du mois de novembre pour récupérer les code de l’année en cours mis au rebut), ne serait-il pas possible d’indemniser ceux-ci forfaitairement, au même niveau que les délégués du Médiateur de la République (qui tiennent une permanence d’une journée par semaine), c’est à dire, si mes souvenirs sont exacts, aux alentours de 350€/mois ?
Il est fort probable que je rêve, mais je suis persuadé de l’utilité des conciliateurs auprès des justiciables, et il serait dommage, à défaut de mise en place sérieuse de points d’accès au droit, que ceux-ci disparaissent.
Merci de votre implication.
Cher collègue,
oui je partage hélas.....votre constat ;
le conciliateur et la conciliation sont 2 institutions qui font parties de notre système judiciaire fondée notamment sur la notion de justice de paix rebaptisée justice de proximité et qui méritent d’être promues et mieux reconnues ;
des citoyens notamment en activité professionnelle sont prêts à s’engager au sein de cette justice de proximité mais avec un statut modernisé et adapté au nouveaux enjeux et contraintes du 21ième siècle ;
C Courtau
oui hélas .....pauvre justice .......JLD