Avocats, publicité et démarchage : premiers commentaires du décret du 28 octobre 2014.

Bernard LAMON, avocat spécialiste en droit de l’informatique et des télécommunications

www.lamon-associes.com et www.blog-lamon-associes.com.

Un premier commentaire du décret 2014-1251 du 28 octobre 2014 qui complète la libéralisation de la publicité et du démarchage pour les avocats.

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Les avocats ont le droit de faire de la publicité depuis 1991. Mais la croyance inverse prévaut, y compris chez les avocats eux-mêmes, qui s’interrogent sur leur droit à ouvrir un compte Twitter ou publier un blog.

Le décret 2014-1251 du 28 octobre 2014 a libéralisé cette pratique. Ce premier commentaire rapide propose un état du droit, et un premier commentaire.

L’état du droit : par un arrêt du 5 avril 2011 (affaire C‑119/09), la cour de justice de l’union européenne a jugé qu’une réglementation nationale ne pouvait pas interdire totalement toute forme de démarchage. Ce principe, tranché dans une affaire concernant la profession d’expert-comptable, était bien sûr applicable aux avocats.
Jusqu’en 2011, la communication au sens large était assez largement autorisée aux avocats, notamment par le décret du 12 juillet 2005 (décret n° 2005-790). Mais le démarchage était encore totalement proscrit, notamment par le vieux décret du 25 août 1972 (décret n° 1972-785).
Après l’arrêt du 5 avril 2011 de la CJUE, tout l’édifice législatif a été modifié. D’abord, la loi Hamon du 17 mars 2014 a introduit un article 3 bis dans la loi fondamentale des avocats : « Dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, l’avocat est autorisé à recourir à la publicité ainsi qu’à la sollicitation personnalisée. Toute prestation réalisée à la suite d’une sollicitation personnalisée fait l’objet d’une convention d’honoraires. » (alinéas 2 et 3).

Le décret du 28 octobre 2014 modifie le décret du 12 juillet 2005 et celui du 25 août 1972.

Quand on réfléchit à ces sujets de communication, publicité et démarchage des avocats, il faut donc examiner dans l’ordre décroissant les sources de droit suivantes :
-  La directive services 2006- interprétée par la Cour de justice de l’union européenne,
-  L’article 3bis de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971,
-  Les décrets modifiés du 12 juillet 2005 et du 25 août 1972,
-  Et enfin, le règlement intérieur des avocats.

A ce stade, si le lecteur n’est pas épuisé par ce chemin tortueux, il pourra se dire qu’il est prêt à comprendre ce que tous ces textes signifient avec certitude.

D’abord, la sollicitation personnalisée et la publicité sont autorisées. L’avocat doit respecter quand il y a recours aux principes essentiels de la profession. Elles excluent tout élément comparatif ou dénigrant. Plus spécifiquement, la sollicitation personnalisée peut se faire par mail, pas par sms, et à condition de parler « prix ». Une mission d’avocat « provoquée » par une sollicitation personnalisée doit donner lieu à une convention d’honoraires écrite.
Quelques moyens de publicité sont interdits aux avocats (mais pas aux syndicats ni aux ordres, ni à certaines sociétés privées) : affiches, tracts, films cinématographiques, émissions radios ou télévisées.
La publicité doit respecter la discrétion professionnelle ou portant atteinte à la vie privée.

Quelques questions ouvertes. D’abord, il s’agit d’une belle occasion ratée de simplifier le cheminement réglementaire : il faut lire en parallèle beaucoup de textes, certaines incertitudes naissent obligatoirement de cet empilement.
D’autre part, peut-être parce que le pouvoir réglementaire n’a pas voulu coordonner ces textes, il reste des éléments totalement obsolètes. Quand il est indiqué que la publicité ne peut se faire par tract, cela signifie-t-il que je ne peux pas imprimer de flyers ? l’interdiction de l’émission télévisée m’interdit-elle de poster une courte vidéo sur YouTube ?
Enfin, les avocats collectivement sont très bien armés pour entretenir des querelles stériles. Quand il est indiqué que la publicité doit respecter la discrétion professionnelle, cela implique-t-il que j’ai interdiction de mentionner (même avec son accord) le nom d’un client ?

Bernard LAMON, avocat spécialiste en droit de l’informatique et des télécommunications

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Discussions en cours :

  • Intéressant merci
    il est renvoyé au décret de 1972 qui interdit les "émissions radio/Tv" mais il y a une distinction entre émission et spots publicitaires. La publicité clandestine est en effet interdite au sein des émissions (caractère laudatif, répété), ce qui n’empêche pas l’avocat de débattre sur un sujet éditorial. Peut on comprendre le décret comme autorisant la publicité des avocats en écran pub (et rappelant de la sorte que la pub hors écran dédié est interdite ?)

    • par Bernard Lamon , Le 24 novembre 2014 à 17:39

      Je vais être très franc, je crois qu’il y a un problème :). En effet, le conseil d’Etat avait annulé par un arrêt du 13/12/13 (je me souviens de la date, c’était un vendredi 13 et je donnais une formation à 120 confrères sur la communication nouvelles normes :) les articles 2 et 3 du décret de 1972.
      Donc en l’état, les articles 2 et 3 du décret de 1972 ont disparu, abracadabra, et donc la pub TV est autorisée.
      Il faut que je vérifie en comparant tous les textes et en les mettant côte à côte, mais ça semble tenir...
      Pour être honnête, le lièvre a été levé par quelqu’un d’autre il y a qq jours, mais je ne sais plus le retrouver...

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