Brexit et restructuration des entreprises au Royaume-Uni.

Par Alain-Christian Monkam, Avocat.

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Explorer : # brexit # restructuration # droit du travail # entreprises

Mercredi 29 mars 2017 restera une tournant dans l’Histoire de l’Union européenne car c’est le jour où le 1er ministre anglais, Madame Theresa May a adressé au Président du Conseil européen Monsieur Donald Tusk, une lettre indiquant la volonté du Royaume-Uni d’enclencher l’article 50 du Traité sur l’Union européenne. En d’autres termes, le Royaume-Uni sera sorti de l’Europe dans les 24 mois qui viennent.

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Cet évènement historique dispose d’une réalité pour les entreprises, notamment françaises, installées en Angleterre : à savoir qu’elles disposent de ce délai plutôt rapide pour se restructurer.

Comme nous l’avons déjà écrit dans un précédent article, le droit du travail anglais devrait rester sans changement notable pendant ce compte à rebours de 2 ans. En tout état de cause, le gouvernement britannique a déjà élaboré un livre blanc à vocation de projet de loi qui a pour objectif d’intégrer l’essentiel du droit européen actuel, en particulier les droits du travail qui en sont issus, dans la législation anglaise, et ce, le jour même de l’effectivité du départ du Royaume-Uni des institutions européennes.

Plusieurs entreprises installées sur le territoire anglais, notamment des institutions financières, ont annoncé leur intention de déménager plusieurs sites. Il s’agit probablement du début d’un mouvement global de restructuration des entreprises ayant un siège, une filiale ou même un simple bureau en Angleterre.

Selon le droit du travail anglais, un plan de restructuration des entreprises pourrait présenter 3 volets :

-  un premier volet dit « souple » : l’entreprise annonce à ses salariés son intention d’apporter des modifications au contrat de travail, en d’autres termes, le transfert du poste de travail dans un autre site du continent européen. Il s’agirait bien entendu de la modification d’un élément essentiel ou substantiel du contrat de travail, à savoir le lieu de travail.

Une telle proposition poserait peu de problèmes pour la partie des salariés (cadres supérieurs, ingénieurs qualifiés et multilingues) capable d’une mobilité internationale et qui devrait accepter la modification sans difficulté particulière. Un simple avenant au contrat de travail suffit, avec le cas échéant une compensation financière et la mise à disposition des moyens de transfert. Il restera éventuellement une incertitude pour le calcul des droits à retraite de ces salariés transférés puisque le règlement 1408/71 du 14 juin 1971 qui organisait la coordination des régimes de sécurité sociale (dont l’assurance vieillesse) des membres de l’Union européenne cessera d’être applicable au Royaume-Uni.

Pour la partie des salariés peu qualifiés et peu mobiles, il convient de s’attendre à un refus ferme d’être transferé vers un site européen avec éventuellement des blocages aggravés. On rappellera que la principale ligne du métro londonien, ’TUBE Red Line’, vient de connaître au mois de février 2017 plusieurs jours de grèves uniquement parce que la direction a voulu muter 8 salariés d’un dépôt à un autre distant de quelques kilomètres. Ce chiffre est à mettre en perspective avec les 23.000 salariés employés par le métro londonien.

- un deuxième volet dit « dur » : l’entreprise met en place une procédure de licenciement collectif pour motif économique "collective redundancy". L’attention est juste attirée sur le fait que le licenciement collectif suppose en droit anglais le départ d’au moins 20 salariés dans une même période de 90 jours. Il suppose la consultation des syndicats de l’entreprise au moins 30 jours avant la mise en œuvre des licenciements quand le nombre de départs est inférieur à 100 salariés dans un établissement, 45 jours au delà. Cette procédure suppose également la consultation individuelle des salariés ainsi que la proposition de poste(s) de reclassement dans l’entreprise ou le groupe.

- un troisième volet dit « mixte » : l’entreprise revend purement et simplement ses activités en Royaume-Uni à un nouvel investisseur. Cette hypothèse visera très souvent "The Transfer of Undertakings TUPE" connu sous le terme de transfert d’entreprise en droit français. L’attention sera attirée sur le fait que le salarié visé par le transfert dans la nouvelle entreprise dispose d’une faculté légale d’opposition au transfert en démissionnant sans indemnité. Le cessionnaire doit reprendre bien entendu tous les salariés liés à l’activité transférée mais il dispose d’une faculté d’adaptation des conditions de travail de l’entité cédée, surtout s’il invoque une ’raison économique, technique ou organisationnelle rendant nécessaire un changement dans les effectifs’.

Quelque soit le volet décrit ci-dessus qu’une entreprise installée au Royaume-Uni emploiera, il conviendra d’associer à ce plan de restructuration les syndicats reconnus dans l’entreprise, voire d’élire spécialement des représentants du personnel. Par ailleurs, il convient de ne pas tarder car 24 mois pour se restructurer, cela peut être très court pour une entreprise internationale.

Alain-Christian Monkam
Employment Solicitor et Avocat - Londres/Paris
https://monkam.uk/

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