Divorce et nationalité : Quel est le tribunal comptétent ? Quelle loi s’appliquera à votre divorce ?

Par Ali Chellat, Avocat.

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Explorer : # divorce international # compétence territoriale # loi applicable # droit international privé

La réponse à ces questions varie en fonction de votre situation personnelle.
Vous êtes marié avec un conjoint de nationalité différente de la vôtre ou vous résidez dans un pays dont vous n’avez pas la nationalité et vous souhaitez divorcer : entre le droit national, le droit communautaire, les conventions bilatérales ou internationales, il faut s’attendre à de longues démarches administratives.
La situation devient complexe si vous-même n’avez pas la nationalité française ou si votre époux est de nationalité étrangère ou encore, bien que français, vous résidez à l’étranger.

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Dans tous les cas, la prudence s’impose pour préserver au mieux vos intérêts et savoir que faire. Comment s’y prendre ? Est-il intéressant pour vous de divorcer en France plutôt qu’à l’étranger ?

En droit international, en matière de divorce, le choix du tribunal compétent est une chose (I) et la loi compétente en est une autre (II).

I. Quel est le tribunal compétent en cas de divorce ?

L’article 1070 du Code de procédure civile reste seul applicable pour déterminer la compétence territoriale interne en matière de divorce. Cette disposition prévoit trois catégories de compétence classifiées :

• La résidence de la famille,
• A défaut, la résidence de l’époux qui a la charge des enfants mineurs,
• A défaut, la résidence de l’époux qui n’a pas pris l’initiative du divorce.

En cas de demande conjointe, le juge compétent est, selon le choix des époux, celui du lieu où réside l’une ou l’autre. Toutefois, lorsque le litige porte seulement sur la pension alimentaire, la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant, la contribution aux charges du mariage ou la prestation compensatoire, le juge compétent peut être celui du lieu où réside l’époux créancier ou le parent qui assume à titre principal la charge des enfants, même majeurs.

La compétence territoriale est déterminée par la résidence au jour de la demande ou, en matière de divorce, au jour où la requête initiale est présentée.

La compétence des tribunaux français peut être fondée sur la nationalité française du demandeur, même s’il n’est pas domicilié en France (article 14 du Code civil français).

Si vous résidez en France, vous êtes de nationalité française et votre époux est étranger : la demande de divorce peut être déposée par vous ou par votre conjoint au greffe du tribunal de votre résidence. Le tribunal français se déclarera compétent au motif que l’un de vous deux est français et le divorce sera régi par la loi française.

Même si vous vivez en France et vous êtes tous les deux de nationalité étrangère : il est possible de demander le divorce au tribunal français. Le juge français est compétent et a pour obligation d’appliquer d’office sa règle de conflit de lois car il sera en présence d’un élément d’extranéité : la nationalité étrangère des époux.

Les conditions de l’introduction de l’action du divorce sont celles du droit commun français pour le conjoint usant du privilège de la juridiction française. Le tribunal compétent en matière de divorce est le Tribunal de Grande Instance du lieu de résidence de la famille. Les époux doivent obligatoirement se faire représenter par un avocat.
Si le demandeur n’est pas domicilié en France, il s’adresse au Tribunal de Grande Instance de Paris, 4, boulevard du Palais, 75004 Paris.
Si le tribunal français accepte votre demande, il instruit votre dossier et décidera, en fonction de votre situation, de la loi applicable à votre divorce.
Si la juridiction saisie n’est pas la juridiction compétente pour trancher le litige, le défendeur ou le juge peut soulever l’incompétence de la juridiction civile.

La primauté du droit communautaire s’exprime à plusieurs niveaux, qu’il convient d’envisager avant de pouvoir, le cas échéant, recourir au droit national pour fonder la compétence des juridictions françaises.
Le règlement de Bruxelles II bis n°2201/2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale retient des critères de compétence entre lesquels le demandeur peut opter, notamment la résidence habituelle et la nationalité.

Ce règlement est applicable depuis le 1er mars 2005 à tous les États membres de l’Union européenne.
La primauté de ce règlement est rappelée par son article 6 qui énonce le caractère exclusif de ses règles de compétence en matière de divorce.
Il suffit qu’un des chefs de compétence énoncé à l’article 3 du Règlement Bruxelles II bis soit réalisé en France pour que la compétence des juridictions françaises soit établie.
Dans le cas d’un divorce à l’étranger, la décision produira ses effets en France sous certaines réserves.

Toutefois, des règles particulières existent pour les jugements prononcés par des juridictions de l’Union Européenne. Ces décisions produisent de plein droit l’intégralité de leurs effets en France sans procédure d’exequatur.
Récemment, la Cour de cassation a déclaré inopposable la décision marocaine prononçant le divorce des époux, au motif que l’époux qui avait saisi le Juge marocain avait frauduleusement déclaré que le domicile conjugal était situé au Maroc (Cass. Civ.1, 15 déc 2012, pourvoi n° 11-26964).

Une fois déterminée la juridiction compétente pour examiner le litige, il reste à choisir la loi qui le régira.

II. Quelle loi le tribunal compétent appliquera-t-il à votre divorce ?

Pour déterminer si la loi française est applicable, il faut vérifier que les conditions sont réunies au jour de l’introduction de la demande en divorce.

En France, la loi applicable au divorce est déterminée par l’article 309 du Code civil qui dispose que :
«  Le divorce et la séparation de corps sont régis par la loi française :
• Lorsque l’un et l’autre des époux sont de nationalité française ;
• Lorsque les époux ont, l’un et l’autre, leur domicile sur le territoire français,
• Lorsque aucune loi étrangère ne se reconnaît compétence alors que les tribunaux sont compétents pour connaître de la procédure de divorce ou de séparation de corps.
 »

Cet article a pour vocation à déterminer la compétence de la loi française dans le cadre d’un divorce international et a une compétence de la loi du for.
Le juge français saisi d’une demande en divorce doit appliquer la loi française lorsque les époux, soit sont tous deux français au jour de l’introduction de l’instance, soit sont tous deux domiciliés en France au jour de l’introduction de l’instance, soit lorsque aucune loi étrangère potentiellement applicable ne se reconnaît compétente.

La nationalité et le domicile des époux sont les critères de rattachement de l’article 309 du Code civil.
En outre, cet article concerne non seulement les français, quel que soit leur domicile, mais aussi les étrangers vivant en France.
Lorsque l’un des époux possède une double nationalité, le juge ne tient compte que de la nationalité française.

L’entrée en vigueur du règlement Rome III du 20 décembre 2010, en date du 21 juin 2012 permet une rupture avec la règle de conflit de loi en matière de divorce international en apposant une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce. Avant le règlement Rome III, la règle de conflit de loi applicable en matière de divorce est l’article 309 du Code civil.
Ce règlement est porteur d’une révolution dans le droit français du divorce en permettant aux époux de choisir la loi applicable à leur divorce. Il consacre ainsi un caractère libéral au divorce dans les limites définies par l’article 5 du règlement.
A défaut de choix, le règlement prévoit différents critères de rattachement fondés sur la résidence habituelle des époux, la nationalité commune des époux et œuvrant pour un renforcement de la loi du for prévus à son article 8.
Cette consécration de l’autonomie de la volonté constitue un nouveau pas vers la contractualisation du mariage, le libre choix de la loi applicable étant l’un des principes phares du droit international privé des contrats.
Par ailleurs, la ratification par la France de conventions internationales contenant des règles de conflit de lois en matière d’obligations alimentaires, en particulier la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires, a provoqué l’apparition de règles de conflit spécifiques à ces questions dans le cadre de la procédure de divorce.
Enfin, pour la détermination de la loi applicable, il existe également d’autres règles de conflits de lois issues de conventions bilatérales par exemple la Convention franco-marocaine, la Convention franco-polonaise.

MEMENTO
Vous êtes français et votre conjoint étranger (ou l’inverse) : Le tribunal français est compétent, la loi française s’applique.

Vous êtes tous les deux français et résidez à l’étranger : La loi française s’applique. Demande à adresser au Tribunal de Grande Instance de Paris par le biais de votre avocat.

Vous êtes tous les deux français et résidez en France : La loi française s’applique. Demande à adresser au tribunal par le biais de votre avocat.

Vous possédez une double nationalité (franco-…) : Le tribunal tient compte de votre nationalité française.

Vous êtes tous les deux étrangers et résidez en France : Vous pouvez demander le divorce auprès d’un tribunal français. La loi française ne s’appliquera pas obligatoirement.

Dans le cas de nationalité différente entre les époux, vérifiez si une convention existe avec la France.

Maître Ali CHELLAT
Avocat au Barreau de RENNES
Docteur en Droit
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Discussions en cours :

  • par Jean-Pierre Caillot , Le 12 mars 2016 à 10:55

    J’ai deux questions concernant les divorces "internationaux", auxquelles vous pourrez peut-être répondre.

    Mon épouse (de nationalité ukrainienne) et moi-même (de nationalité française) voulons divorcer. Nous nous sommes mariés en février 2011 en Suisse, où nous résidons encore, mais je compte déménager en France sous peu et y demander le divorce, mon épouse désirant rester en Suisse. Quelle juridiction sera habilitée à prononcer le divorce si j’en fais la demande en France : française ou suisse ?

    Concernant la liquidation matrimoniale, nous n’avons pas d’enfants en commun : j’ai une fille de 24 ans d’un mariage précédent, mon épouse a un fils de 25 ans, également d’un mariage précédent. Nous sommes mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, mais nos acquêts communs pendant notre mariage sont nuls. Mes revenus mensuels bruts sont d’environs CHF 4200, ceux de mon épouse d’environ CHF 1000. Quel serait le montant de ma pension alimentaire si la liquidation se faisait en France ?

    Par avance merci.

  • par Riahi imène , Le 19 février 2016 à 16:58

    Bonjour , voilà je suis française et vivant en France . Mon époux réside en Tunisie , je souhaite divorcer après mettre aperçu que celui ci c’etait marié pour les papiers . Il n’a pas les papiers français . Est ce que je peux demander le divorce ici sachant qu’il n’est jamais venu sur le territoire français et que nous n’avaons jamais vécu ensemble en Tunisie juste pendant des vacances de 2 semaines chez sa mère ? Et si oui que dois je faire et comment ? merci

    Cordialement .

  • par ano1711 , Le 19 janvier 2016 à 13:17

    Je voudrais savoir si quelqu’un pourrais me renseigné sur un sujet très délicat : alors il s’agit de mon cousin de nationalité Française qui lui s’est marié avec sa femme qui elle vivait au Pakistan, ils ont donc deux enfants. Sa femme et ses enfants viennent d’arrivés en France au mois de mars, mais rien ne va avec la femme. Elle se dispute tout le temps, nous l’avons attraper plusieurs fois à parler avec ses cousins alors que son mari lui a interdit, elle tape les enfants, elle ne s’occupe pas de la maison et elle lui a dit qu’elle voulait rester ici sans lui. Au début, elle ne voulait pas gardé les enfants, mais après elle a décider de faire sa maline et a donc demander a ce que les allocations soit versées sur son compte, et qu’elle veut gardé les enfants et Nous avons ensuite compris qu’au final c’est que les papiers qu’il lui intéresse ! nous voudrions savoir si il est possible quel rentre au pays ?
    sachant qu’elle a que son visa regroupement familiale qui expire au mois de mars , a t -elle le droit d’avoir les papiers même si son mari ne se déplace pas à la préfecture pour la demande de sa première cartede séjour , sachant que les enfants vont à l’école et on la nationalité Française. Nous voulons qu’elle soit interdite de revenir en France et que le papa ai la garde des enfants ?
     :

  • par trabelssi , Le 18 janvier 2016 à 13:41

    Bonjour,
    Je viens vers vous afin de savoir quels sont les étapes dans mon cas en cas de demande de divorce, je vous explique : je suis de nationalité française et tunisienne mon conjoint tunisien de nationalité nous nous sommes mariés en france le 8/11/2014 lui était en situation irrégulière il est rentré en tunisie le 6/01/2015 pour régularisé sa situation il c’est vu refusé son visa 2 fois avec un référé de suspension et tous ceci a ma charge pour menace a l’ordre public et j’ai connu les faits réels quand le juge a prononcé les causes cela fait 1 an passé que je subie cette problématique je me vois aujourd’hui de prendre la décision de divorcés nous avons vécu dans mon appartement après le mariage même pas 2 mois de vie commune et nous n’avons aucun bien en commun ni attache j’ai perdu mon fils à la naissance par suite de prématurité.
    Le divorce peut il se prononcé rapidement dans mon cas et comment lui pourra signé vue qu’il est bloqué en Tunisie ???merci de votre aide

  • par Julie Boulicaut , Le 18 novembre 2015 à 11:38

    Merci pour toutes ces informations qui nous sont utiles ! Fils marié avec musulmane d’Indonésie avec un fils de 4 ans qui ne veut pas divorcer,c’est elle qui le veut !Quels sont les droits de notre fils et les notres comme grands-parents ? Merci de votre réponse car nous sommes tristes de savoir que notre petit-fils va peut-etre repartir loin et que l’on ne le verra plus ? ??

    Cordialement.

    Julie et Clémént

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