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  • Modifié le :  18 mai 2011

    1re Parution: février 2010

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Dernières actualités : ebay à nouveau condamnée pour avoir utilisé des marques comme mots-clés de recherche sur internet, par Vincent Pollard, Avocat

Une dépêche AFP du 11 février 2010 fait savoir que le célèbre site aux enchères a été condamné, le même jour, par le tribunal de grande instance de Paris à payer 200.000 euros de dommages et intérêts à la société Louis Vuitton pour contrefaçon de marques et parasitisme commercial.

Si la parution de la décision pourra nous renseigner davantage sur les faits, la dépêche précise qu’il est reproché à EBAY d’avoir réservé auprès de moteurs de recherches, des mots-clés proches de deux marques appartenant à la société Louis Vuitton pour faire apparaitre des annonces EBAY dans ces moteurs de recherche et ainsi tenter de capter les internautes vers la plate-forme EBAY.

La dépêche précise par ailleurs que le Tribunal a aussi interdit à EBAY de "poursuivre de tels agissements" sous astreinte de 1.000 euros par infraction.

Cette décision n’est pas sans rappeler celle du tribunal de grande instance de Paris du 18 septembre 2009 (TGI Paris, 3è Chambre, 2è section, Kenzo et autres / eBay) qui avait déjà condamné la société eBay International AG à payer 60.000 euros de dommages et intérêts aux sociétés Parfums Givenchy, Guerlain et Kenzo en réparation de l’atteinte portée à certaines de leurs marques pour des faites similaires.

Il est à noter par ailleurs que cette décision prend le contre-pied des conclusions de l’Avocat Général Luis Miguel Poiares Pessoa Maduro présentées le 22 septembre 2009 à la Cour de justice des Communautés européennes dans le cadre des affaires jointes « Louis Vuitton » (C-236/08), « Bourses des vols » (C-237/08) et « Eurochallenges » (C-238/08) (voir par ailleurs https://www.village-justice.com/articles/Derniere-actualite-moteur,6733.html) qui a proposé une solution toute autre :

«  III – Conclusion

155. Au vu de ce qui précède, je suggère que la Cour réponde ainsi aux questions déférées par la Cour de cassation :

« 1) La sélection par un opérateur économique, par voie de contrat de référencement payant sur Internet, d’un mot clef déclenchant, en cas de requête utilisant ce mot, l’affichage d’un lien proposant de se connecter à un site exploité par cet opérateur afin d’offrir à la vente des produits ou services, d’un signe reproduisant ou imitant une marque enregistrée par un tiers afin de désigner des produits identiques ou similaires, sans l’autorisation du titulaire de cette marque, ne constitue pas en soi une atteinte au droit exclusif garanti à ce dernier en vertu de l’article 5 de la première directive 89/104 du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques. »

Il faut rappeler que dans les affaires pendantes devant la Cour de justice des Communautés européennes, les titulaires des marques ont limité leur action aux usages faits par Google dans AdWords.

Néanmoins, l’Avocat Général a voulu étendre son analyse et se poser la question du droit de contrôle des titulaires de marques sur tous les usages de mots clefs correspondant à leurs marques et apprécier si l’utilisation de ces mots clefs par les annonceurs, lorsqu’ils les sélectionnent dans AdWords, constitue une atteinte à la marque.

Rappelons que selon l’Avocat Général :

- « un droit absolu de contrôle ne tiendrait pas compte de la nature particulière d’Internet et du rôle des mots clefs dans celui-ci »,
« les mots clefs sont (donc), en eux-mêmes, neutres quant au contenu : ils permettent aux internautes d’atteindre des sites associés à de tels mots. Plusieurs de ces sites seront parfaitement légitimes et licites, même s’ils ne sont pas ceux des titulaires des marques. (…) Cela concernerait, par exemple, les sites consacrés aux critiques de produits, comparaisons de prix, ou ventes de produits d’occasion. »
- « Il faut se souvenir que ces activités sont légitimes précisément parce que les titulaires des marques n’ont pas un droit absolu de contrôle sur l’usage de leur marque. »
- « La Cour a joué un rôle déterminant dans l’adoption de cette solution, en jugeant que les intérêts des titulaires de marques n’étaient pas suffisants pour empêcher les consommateurs de tirer avantage d’un marché intérieur compétitif. »
- « Il serait paradoxal que la Cour restreigne à présent la possibilité pour les consommateurs d’accéder à ces avantages, en tant qu’utilisateurs d’Internet, à travers l’utilisation de mots clefs. »
- « lorsque Google permet aux annonceurs de sélectionner des mots clefs correspondant à des marques, il le fait dans le cadre de son service AdWords. Il vend ce service aux annonceurs ; ainsi, les annonceurs ne font-ils rien d’autre qu’agir en tant que consommateurs. »

Et surtout, rappelons que selon l’Avocat Général, l’affichage d’annonces (et l’usage de la marque que cela peut impliquer ou non) diffère de la sélection de mots clefs (« non seulement parce qu’il intervient plus tard, mais aussi parce que lui seul est destiné à un public de consommateurs, les utilisateurs d’Internet ») de sorte que « la sélection de mots clefs n’est pas pour eux une activité commerciale, mais un usage privé » synonyme d’absence de contrefaçon.

Et l’Avocat Général de conclure : « Il serait contradictoire d’exclure l’atteinte à la marque dans un cas et de l’admettre dans l’autre. Cela reviendrait à dire que Google est libre d’autoriser la sélection de mots clefs que personne ne pourra sélectionner. Une fois encore, il convient de rappeler que la sélection par les annonceurs, dans AdWords, de mots clefs correspondant à des marques peut répondre à des objectifs légitimes (usages purement descriptifs, publicité comparative, critiques de produits, etc.). Considérer qu’une telle sélection constitue en soi une atteinte à la marque aurait pour conséquence d’exclure tous ces usages légitimes. Comme je l’ai souvent, peut-être trop, souligné dans ces conclusions, il est important de ne pas permettre que l’objectif légitime d’empêcher certaines atteintes aux marques n’aboutisse à interdire tout usage de marque fait dans le contexte du cyberespace. »

Il reste toujours à savoir si la Cour de justice des Communautés européennes suivra ou non, les conclusions de son Avocat Général.

Dans l’affirmative, la décision à venir pourra être bien utile à la société EBAY dans le cadre d’un appel des jugements du tribunal de grande instance de Paris.

A suivre, donc.

Vincent Pollard
Avocat au Barreau de Marseille

Taj - Société d’avocats
Member of Deloitte Touche Tohmatsu
Département Propriété Intellectuelle, Nouvelles technologies, Contrats et Distribution
vpollard chez taj.fr

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