"Equipement collectif" au sens du droit de l’urbanisme : les précisions du Conseil d’Etat.

Par Cyrille Tchatat, Avocat.

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Explorer : # droit de l'urbanisme # Équipements collectifs # intérêt général

Une résidence de quatre-vingt six chambres destinée au logement des personnes âgées, qui assure la prise en charge collective des besoins des intéressés par la fourniture de services mutualisés, notamment paramédicaux, doit être regardée comme un « équipement collectif » au sens du droit de l’urbanisme. (CE 13 février 2013 Commune de La Baule-Escoublac , req. n° 346554)

-

Par cette décision, la Haute Juridique retient que :

« 2. Considérant que la zone UL du plan d’occupation des sols de la commune de La Baule-Escoublac est définie par son règlement comme une zone « réservée à l’accueil des grands équipements collectifs publics ou privés, qui remplissent une fonction dans les domaines de l’éducation, du sport, de la santé, de la vie sociale ou culturelle, des loisirs ou dans d’autres domaines.(...). » ; qu’aux termes de l’article UL 1.2 de son règlement, y sont admises sans condition : « les constructions et utilisations à usage d’équipements collectifs, publiques ou privées, notamment dans les domaines de l’enseignement et de la formation, des loisirs, du sport, de la santé ou de la vie sociale ou culturelle » ; que l’article 7 du titre I du règlement dispose enfin : « Le terme équipements collectifs recouvre l’ensemble des constructions publiques ou privées affectées à une activité de service au public : cela concerne des équipements administratifs mais aussi les établissements scolaires, ainsi que les équipements publics ou privés qui assurent une fonction dans les domaines suivants : santé, culture, action sociale, sport, loisirs, tourisme, etc. (...) » ; qu’il en résulte que, pour l’application de ces dispositions, ont le caractère d’équipement collectif les constructions affectées à une activité de service au public, notamment dans le domaine de l’action sociale ;

3. Considérant qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la construction litigieuse est une résidence de quatre-vingt six chambres destinée au logement des personnes âgées, qui assure la prise en charge collective des besoins des intéressés par la fourniture de services mutualisés, notamment paramédicaux, et qui est au nombre des établissements sociaux ou médico-sociaux soumis à autorisation en vertu des articles L. 312-1 et L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles ; qu’en déduisant de ces éléments que, nonobstant sa construction et sa gestion par des personnes privées et alors même qu’il ne comportait pas de structure médicale intégrée, cet établissement devait être regardé non comme une construction à usage d’habitation collective mais comme un « équipement collectif » au sens des dispositions précitées du règlement de la zone UL du plan d’occupation des sols de La Baule-Escoublac, la cour administrative d’appel de Nantes n’a pas inexactement qualifié les faits soumis à son appréciation » (CE 13 février 2013 Commune de La Baule-Escoublac, req. n° 346554).

La Haute Juridiction vient confirmer l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Nantes selon lequel :

« Considérant que le projet de la SARL Batisol Promotion consiste en la construction d’une résidence pour personnes âgées dont les occupants bénéficieront d’un service de restauration et de blanchisserie ; que, nonobstant sa construction et sa gestion future par des personnes privées ainsi que l’absence de structure médicale intégrée, cet établissement médico-social destiné à l’accueil de personnes âgées, dont la création est soumise à autorisation, doit être regardé comme un équipement collectif et non comme étant à usage d’habitation collective ; qu’ainsi, c’est à tort que le maire de La Baule-Escoublac a estimé que les dispositions précitées du règlement du plan d’occupation des sols s’opposaient à la réalisation du projet en zone UL » (CAA Nantes 10 décembre 2010 Commune de La Baule-Escoublac, req. n° 09NT03093).

Le Conseil d’Etat vient ainsi apporter sa contribution à la définition de la notion d’équipement collectif.

Il convient en effet de souligner que, si la notion d’équipements collectifs est courante en droit de l’urbanisme, il est revenu à la jurisprudence d’en dégager les contours, au cas par cas.

Ont été qualifiés comme tel :

- une usine d’incinération d’ordures (CE 23 décembre 1988, Association de défense de la région de Miremont, req. n° 82.863) ;

- une bibliothèque : (CE 10 juin 1991, Commune de Sainte Marie c/ Mlle Cadjee, R. p. 1254, AJDA 1991) ;

- un centre culturel : (CE 15 février 1993, Commune d’Epinay s/ Seine, T. p. 584) ;

- une salle de sport et une cantine d’un établissement d’enseignement privé constituent un équipement collectif (CAA Paris, 1re ch., 17 févr. 1998, SCI Sainte Céline : BJDU 1998, p. 420, concl. E. Corouge).

La Cour Administrative d’Appel de Paris a également jugé, s’agissant d’une maison de retraite que :

«  Considérant, en troisième lieu, que si la zone UH est définie, dans le préambule au règlement de la zone, comme une zone d’habitations et d’activités hippiques, à l’exclusion des habitations collectives, l’article UH 1 II dudit règlement autorise les constructions à usage d’équipement collectif ; qu’il ressort des pièces du dossier que la construction projetée, qui consiste en une maison de retraite en partie médicalisée, destinée à recevoir des personnes âgées autonomes, semi-autonomes et dépendantes, a le caractère d’un équipement collectif autorisé en tant que tel au sein de la zone ; que la circonstance que cette maison de retraite soit un établissement privé n’est pas de nature à lui retirer le caractère d’équipement collectif ; que si les requérants font par ailleurs valoir, pour dénier ce caractère au projet, que la maison de retraite sera exploitée par une société à but commercial, ce moyen est inopérant dès lors que l’autorité administrative doit vérifier la conformité d’une construction aux dispositions du règlement du plan d’occupations des sols par rapport à l’utilisation qui en est prévue, et non en fonction de la qualité du pétitionnaire » (CAA Paris 17 février 1998 Boulart, req. n° 97 PA00693).

Toutefois, le mutisme de ces arrêts sur les éléments et critères permettant de ce retenir cette qualification, invite à se reporter à la définition faite par la doctrine administrative.

Dans son bulletin de juillet 1999, le Ministère précisait que le terme « équipements collectifs » désigne « l’ensemble des installations, des réseaux et des bâtiments qui permettent d’assurer à la population résidente et aux entreprises les services collectifs dont elles ont besoins » (Mémento « Plan d’occupation des sols-règlement », BO du ministère de l’équipement, juillet 1999) Et au nombre des équipements collectifs figurent : les équipements d’infrastructures, et les éléments de superstructures.

Et, la jurisprudence est venue, implicitement, ajouter un élément de définition tiré de la finalité de l’équipement collectif.

Dans une décision du 23 novembre 2005 « Commune de Nice », le Conseil d’État a jugé qu’un complexe cinématographique ne constitue pas un équipement collectif au regard de sa nature commerciale , « alors même qu’elle est destinée à recevoir un public important et qu’elle relèverait d’une activité culturelle  » (CE 23 novembre 2005 Commune de Nice, req. n° 262105).

Implicitement la Haute Juridiction considère qu’un tel équipement, complété en l’espèce par des boutiques et des restaurants n’est pas un équipement collectif au sens du droit de l’urbanisme, dès lors qu’il ne poursuit pas un but d’intérêt général.

Il en résulte par conséquent que :

- un équipement collectif doit assurer un service d’intérêt général destiné à répondre à un besoin collectif d’une population ;
- il peut être géré par une personne publique ou privée ;
- son mode de gestion peut être commercial, associatif civil ou administratif.

L’arrêt du Conseil d’Etat du 13 février 2013 se révèle essentiel dès lors qu’il a le mérite de rappeler expressément l’ensemble des éléments participant à la définition de la nation d’équipements collectifs.

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Discussions en cours :

  • par GEANT , Le 5 janvier 2021 à 15:49

    Bonjour,

    Une école privée peut-elle être considérée comme un équipement collectif au titre de l’article L.300-1 du CU et ce dans le cadre d’un motif invoqué pour la préemption d’un terrain par une commune ?

    cordialement

  • par hugot denis , Le 6 novembre 2020 à 18:26

    Bonjour,

    Avez-vous une liste plus ou moins exhaustive d’équipements collectifs...

    Exemple : est-ce qu’un site de coworking peut être considéré comme équipement collectif ?

    Cdt

    DH

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