Ethylomètres : les marges d’erreur ça existe, mais rien n’oblige le juge à les appliquer.

Par Alain Dahan, Avocat.

4885 lectures 1re Parution: 3 commentaires 5  /5

Explorer : # marges d'erreur # Éthylomètres # alcoolémie # pouvoir discrétionnaire du juge

Les éthylomètres ne sont jamais infaillibles et pourtant...

-

On le sait depuis longtemps, les appareils électronique destinés à prendre des mesures, à contrôler des données, tels que, en particulier, les éthylomètres, ne sont pas des systèmes parfaits, infaillibles, et ils ne peuvent jamais exclure une certaine marge d’erreur.

C’est la raison pour laquelle l’Exécutif a pris notamment un arrêté en date du 8 juillet 2003 relatif au contrôle des éthylomètres.

Cet arrêté s’applique à la construction, à la vérification et à l’utilisation des instruments qui mesurent la concentration d’alcool par analyse de l’air expiré, dénommés éthylomètres (et autres appareils du même type).

L’article 15 dudit arrêté prévoit que :

« Les erreurs maximales tolérées, en plus ou en moins, applicables lors de la vérification périodique ou de tout contrôle en service sont :

- 0,032 mg/l pour les concentrations en alcool dans l’air inférieures à 0,400 mg/l ;
- 8 % de la valeur mesurée pour les concentrations égales ou supérieures à 0,400 mg/l et inférieures ou égales à 2,000 mg/l ;
- 30 % de la valeur mesurée pour les concentrations supérieures à 2,000 mg/l.(…)
 ».

Voilà qui peut présenter une aubaine pour la défense de l’automobiliste contrôlé en état d’alcoolémie et dont le taux révélé par l’appareil se trouve pratiquement à la frontière entre ce qui est toléré par la loi et ce qui ne l’est pas.

La tentation est grande alors de s’attirer la clémence du tribunal en cherchant à faire « basculer » ce taux du côté de la légalité en raison de l’existence non contestée d’une marge d’erreur sur les éthylomètres électroniques.

En effet, on rappellera que la conduite après consommation d’alcool devient pénalement répréhensible à partir d’une concentration d’alcool dans l’air expiré égale ou supérieure à 0,25 milligrammes par litre.

Lorsque le taux d’alcool dans l’air expiré est compris entre 0,25 mg et 0,39 mg, l’infraction constitue une contravention de 4ème classe relevant de la compétence du juge de Proximité.
Lorsque le taux d’alcool dans l’air expiré est égal ou supérieur à 0,40 mg, il s’agit alors d’un délit qui sera jugé par le Tribunal correctionnel.

Une illustration de ces considérations peut être trouvée dans un arrêt récent de la Cour de cassation, en chambre criminelle, rendu le 3 septembre 2014.

Un automobiliste avait été condamné par une juridiction de proximité pour conduite en état d’ivresse.

Il se pourvoit en cassation.

La Chambre criminelle rejette son pourvoi aux motifs suivants :

« Attendu qu’il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure que M. X... a été poursuivi pour avoir conduit un véhicule sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par la présence dans l’air expiré d’un taux d’alcool supérieur à 0,25 mg par litre, en l’espèce 0,26 mg/l ; qu’il a sollicité sa relaxe, en soutenant que la marge d’erreur définie par l’article 15 de l’arrêté du 8 juillet 2003, soit 0,032 milligramme par litre pour les concentrations en alcool dans l’air expiré inférieures à 0, 40 mg/l, devait lui être appliquée, ce dont il résultait que le taux relevé ne constituait plus la contravention de la quatrième classe ;

Attendu que, pour condamner le prévenu, le jugement retient que l’article 15 de l’arrêté du 8 juillet 2003 relatif au contrôle des éthylomètres ne vise pas les contrôles effectués dans le cadre de la constatation des infractions pénales et qu’aucun texte législatif ou réglementaire ne prévoit l’application de marges d’erreur ;

Attendu que, si c’est à tort que le jugement énonce que les marges d’erreur prévues par les dispositions réglementaires visées au moyen ne peuvent s’appliquer à une mesure effectuée lors d’un contrôle d’alcoolémie, l’arrêt n’encourt pas pour autant la censure, dès lors que l’interprétation des mesures du taux d’alcoolémie effectuées au moyen d’un éthylomètre constitue pour le juge une faculté et non une obligation ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ».

La réponse de la Cour suprême me parait quelque peu déroutante (adjectif approprié en la matière).

En fait elle admet bien, contrairement à ce qu’avait déclaré le juge de proximité, que les marges d’erreurs prévues par les textes règlementaires peuvent être invoquées dans le cadre contrôle d’alcoolémie et pas uniquement par les personnes qui construisent, vérifient et utilisent les éthylomètres.

En revanche, pour la Cour de cassation, même si ces marges d’erreur sont dument reconnues, admises et même consacrées par des textes, le juge n’est absolument pas obligé d’en tenir compte.

Aller d’ailleurs jusqu’à dire que «  l’interprétation des mesures du taux d’alcoolémie effectuées au moyen d’un éthylomètre constitue pour le juge une faculté et non une obligation », me paraît, dans les faits, exagéré car je n’ai personnellement jamais rencontré un Juge ou un Procureur qui ne se considéraient pas lié par les taux d’alcoolémie relevés par des appareils de mesure officiels.

Au final, pour se défendre devant le tribunal, l’automobiliste qui se trouve en situation d’invoquer l’existence d’une marge d’erreur, se trouvera en quelque sorte soumis au bon vouloir du juge qui décidera librement s’il applique ou non une marge d’erreur qui pourtant pourrait être retenue en l’espèce.

Commenter cet article

Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 12 novembre 2015 à 10:39
    par bongio , Le 12 novembre 2015 à 10:13

    bonjour ,
    suite a un contrôle routier , je me suis fait arrêté un lendemain de fête a 11h35 au mois de mais et je viens de recevoir une ordonnance pénale ;
    0.27 au premier souffle
    0.27au deuxièmes souffles ( mais juste 15 min après maximum)
    l’officier m’a donc rédigé mon PV et une fois fini environ 45 min après j’ai resoufflé :
    j’avais plus que 0.20 donc il m’a laissé reprendre le volant pour renter chez moi .
    Le 9/11/2015 j’ai reçu mon ordonnance pénale avec une suspension de 8j et 181 euros d’amande.
    mes antécédents sont un un contrôle alcoolémie il y a 4 an positif , j’avais 0.37 donc la oui je conteste pas j’avais pris 6 points et 90 euros d’amande .
    mais cette fois ci je suis dégouté , j’avais dormi sur place , j’avais bien déjeuné et tout allé bien .
    j’aimerai faire opposition .
    que me conseillez vous ??

    • par Alain DAHAN , Le 12 novembre 2015 à 10:39

      En faisant opposition on a accès à l’entier dossier.
      Après étude du dossier on peut décider soit de se défendre devant le tribunal si une issue positive paraît envisageable, soit de se désister de son opposition dans le cas contraire.

  • par maury , Le 14 novembre 2017 à 18:22

    Bonjour
    Avec une mesure de 0,41 à l’éthylomètre, comment faire pour évoquer une éventuelle marge d’erreur lors de ma comparution devant le juge de proximité pour requalifier la sanction, tout en reconnaissant ma faute SVP ?
    Merci

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27877 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs