Réponse. Les inégalités qui tiennent à la fortune familiale, sans lien avec le mariage, n’ont pas à être prises en compte.
Il ne faudrait pas perdre de vue que la prestation compensatoire est destinée à corriger les disparités créées dans les conditions de vie des époux par la rupture du mariage. L’équilibre que le divorce vient rompre, c’est uniquement celui d’une situation patrimoniale qui s’origine dans le mariage. C’est l’activité du couple qui compte, la façon dont les époux se sont répartis les rôles pendant la vie commune (dont il y aura d’ailleurs lieu de préciser la durée exacte, indépendamment du mariage, avant lui et pendant sa durée). Un équilibre s’était créé que la rupture du lien détruit en révélant que les choix faits portent préjudice à l’un, parce qu’il a sacrifié, pour le ménage, ses ambitions professionnelles.
Mais la prestation compensatoire n’est pas destinée à égaliser, d’une manière générale, une disparité de fortune qui préexistait au mariage, s’est prolongée avec lui et doit naturellement se perpétuer après lui. Le but du mariage, faut-il le rappeler, n’est pas non plus d’unifier et de niveler les fortunes, ou de transférer les biens d’une famille à l’autre (famille pris ici au sens du lignage), mais d’affronter ensemble les difficultés de l’existence, « s’aider, selon la formule de PORTALIS, à porter le poids de la vie » (LOCRE, Leg. civ., t. IV, p. 479-481).
Autorités
Ce distinguo est opéré par des auteurs qui font autorité en la matière :
Jean CARBONNIER : la prestation doit opérer « comme un recomblement, un rééquilibrage objectif non pas entre deux patrimoines, mais entre deux programmes patrimoniaux d’existence » (note sous Civ. 20 mars 1950, D. 1950, jurisprudence, p. 592 [référence en cours de vérification], nous soulignons).
Jean HAUSER : « Il est plus difficile d’apprécier l’effet de la disparité préexistante au mariage et dont l’effet s’est maintenu par la suite malgré l’union. On peut en effet alors soutenir qu’elle ne résulte pas de sa dissolution mais qu’elle est inhérente à l’épouse elle-même (en ce sens, CA Besançon, 17 juin 1997 : Juris-Data n°1997-057193) » (Juriscl. civ., art. 266 à 285-1, fasc. 60).
Enfin il est défendu par le jeune auteur d’un thèse sur le sujet :
Stéphane DAVID : « Autant le juge doit se montrer attentif à une disparité en capital lorsque le patrimoine de l’époux débiteur potentiel a été constitué durant le mariage au détriment de l’autre, notamment lorsque ce dernier ne travaillait pas, autant il doit être réservé lorsqu’une telle disparité est liée à la fortune personnelle, d’origine familiale, de cet époux et qu’elle n’a finalement aucun lien avec le mariage et par-delà avec le divorce » (AJ Famille 2007. 108 ; cf. La prestation compensatoire, thèse Paris XII 2001).