La prestation compensatoire a-t-elle encore un sens ?

Par Jennifer Smadja, Avocat.

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Explorer : # prestation compensatoire # divorce # sacrifice professionnel # Équité

L’article 270 du Code civil dispose : « Le divorce met fin au devoir de secours entre époux. L’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge.
Toutefois, le juge peut refuser d’accorder une telle prestation si l’équité le commande, soit en considération des critères prévus à l’article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture. »

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Bien que cet article définisse la prestation compensatoire comme une possibilité, elle devient dans la plupart des cas un enjeu majeur du divorce.
Le législateur a laissé au juge un pouvoir d’appréciation refuser d’accorder ladite prestation en fonction de critères non exhaustifs listés par l’article 271 du Code civil ou encore de l’équité.
Il n’en demeure pas moins que celui qui la réclame (l’épouse le plus souvent) voit dans l’article 270 du Code civil un droit absolu à obtenir cette prestation dont il brandit la menace dès les pourparlers.

A l’heure où le mariage se célèbre à près de 31 ans pour les femmes et 32 ans pour les hommes, et où les 3/4 des femmes travaillent, la prestation compensatoire a-t-elle encore raison d’être ?
Que s’agit-il de compenser véritablement ?

L’article 270 du Code civil précise bien que c’est la disparité engendrée par la rupture du mariage qui doit être compensée. Il faudrait donc « un lien de causalité » entre la disparité et le divorce.
Les tribunaux rappellent d’ailleurs que certains déséquilibres économiques, parce qu’ils sont dus à la fortune personnelle, au travail, au encore au jeu normal du régime matrimonial, n’ont pas à être compensés ou alors de manière très exceptionnelle lorsque la durée du mariage, l’état de santé ou la situation financière paraît l’exiger.
Ce qui doit être uniquement compensé, c’est le sacrifice professionnel d’un époux au profit de l’autre.
Le débat judiciaire devrait donc se concentrer autour de cette notion de sacrifice durant la vie commune.

Qu’entend-on par sacrifice ? Doit-on considérer qu’une femme qui prend un congé parental ou qui s’arrête de travailler pour s’occuper de ses enfants, se sacrifie professionnellement ? Ce sacrifice est-il fait au profit de l’autre époux ou dans un but d’épanouissement personnel ?

Chaque situation est différente et mérite un examen attentif du juge sur cette notion de sacrifice professionnel lequel pourrait seul donner lieu à l’octroi d’une prestation compensatoire.

Pourtant, les prestations compensatoires sont encore très souvent calculées sous la forme d’une différence arithmétique des revenus, du patrimoine et des droits à la retraite de chacun des époux, le plus fortuné devant dédommager l’autre sans qu’il soit tenu compte des griefs ou encore des conséquences postérieures de la liquidation du régime matrimonial.

Ainsi, il n’est pas rare que l’époux débiteur perçoive cette prestation compensatoire comme un devoir de secours déguisé en capital !

Maître Jennifer Smadja
KBS AVOCATS
http://www.jsmadja-avocat.com/

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Discussions en cours :

  • Malheureusement que plusieurs hommes souffrent actuellement de l’abus de d’exécution de cette loi suite au détournement des fait après l’annonce du divorce par le mari (loi de protection et/ ou loi de vengeance des femmes) malheureusement les juges aux affaires familiales français ne sont pas compétents en matière de faire l’appart d’une vrai violence ou d’allégations mensongères en s’appuyant sur des faux témoignages des intervenants associatives malheureusement !

    • par Serge , Le 19 février 2020 à 18:55

      Bonsoir

      J’ai un montant compensatoire a payer de 15000 € et je ne peux pas me mettre en difficulté financiere.

      En contre partie, j’ai au travers proposé de verser deux 15000 € à Madame soit 30000 € par le notaire sur la liquidation des biens

      Madame refuse les 30000 €
      et me met un huissier et une saisie attribution sur mes comptes ou je n’ai peu d’argent .

      Que faire ?

  • par Pierre_N , Le 17 juin 2016 à 01:32

    "Ce qui doit être uniquement compensé, c’est le sacrifice professionnel d’un époux au profit de l’autre.
    Le débat judiciaire devrait donc se concentrer autour de cette notion de sacrifice durant la vie commune."

    Ce que vous écrivez est intéressant car ce n’est pas comme cela que la PC est calculée.

    Tant la méthode pilotePC de JC Bardout que la méthode Axel Depondt fondent l’essentiel du calcul de la PC sur les différences de salaires sans se poser la question de leur origine.

    En l’absence de tout sacrifice professionnel, ces deux méthodes arrivent une valeur non nulle de PC, même si les différences de salaires proviennent de différences de qualifications professionnelles qui préexistaient au mariage, et la valeur de PC croît avec la différence de salaires. Dans ces conditions on peu légitimement se poser la question de savoir si la PC ne fait pas double emploi avec la communauté réduite aux acquêts.

    Effectivement l’article 270 du code civil pose la question de la causalité : la disparité doit être crée par le divorce. Or lorsque la disparité résulte de différences de qualifications professionnelles qui préexistaient au mariage, ce n’est pas le divorce qui crée, stricto sensu, la disparité puisqu’elle existait déjà mais était masquée (ou partiellement masquée) par le mariage.
    Aussi en l’espèce, l’application stricte de l’article 270 devrait conduire à une absence de PC.
    Une PC obtenue dans ces conditions constituerait une rente de situation et la négation du divorce.

    Plus généralement c’est la question même du mariage qu’il faut poser en prenant soin de ne pas empiéter le domaine religieux. Les gens se marient de plus en plus tard, les ménages sont quasiment tous bi-actifs, le modèle hiérarchique tend à disparaître au profit du modèle individualiste, l’un peut imposer le divorce à l’autre sans avoir à fournir de motif.
    Le PACS se généralise et prend peu à peu l’ascendant sur le mariage.
    Un enfant sur deux naît aujourd’hui hors mariage.
    Le divorce sans juge fera du divorce une affaire privée, donc pourquoi le mariage ne serait-il pas uniquement une affaire privée ?
    Dans ces conditions que signifie encore le mariage ?
    Un moyen de se constituer un patrimoine grâce aux qualifications professionnelles de l’autre ?
    Est-il vraiment nécessaire de maintenir cette institution dont les articles du code civil qui en régissent les effets sont en réalité très mal connus des Français ?

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