La liste des juridictions commerciales en charge des dossiers d’entreprises en difficulté les plus importants est publiée.

Par Alexandre Le Ninivin, Avocat.

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Explorer : # tribunaux de commerce # entreprises en difficulté # procédures collectives # réforme judiciaire

Le gouvernement français a constaté que certains tribunaux de commerce, de petites tailles, se trouvaient confrontés régulièrement à des dossiers d’une grande complexité, sans disposer des moyens humains et matériels adéquats, uniquement parce que le siège social de la société en difficulté se trouvait dans leur ressort. Pour répondre à cette problématique, il a décidé de réformer les règles de compétence pour plus d’efficacité et de créer des tribunaux de commerce spécialisés dits « TCS ».

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Ainsi, le 27 novembre 2015, l’ancienne garde des Sceaux, Christiane Taubira, a dévoilé une liste des 18 tribunaux de commerce « pressentis » pour traiter des procédures collectives les plus complexes en application de la loi dite « Macron » (loi n°2015-990 du 6 août 2015) dans le souci d’efficacité et de concentration des moyens et des juges spécialisés, au regard de la complexité de la matière et de la réactivité nécessaire et attendue pour sauvegarder les emplois.

La constitution de cette liste (qui impliquera transferts d’effectifs et moyens supplémentaires) avait donné lieu à d’intenses débats entre la Chancellerie et Bercy, les deux s’opposant sur le nombre définitif (entre 35 et 8 sur les 134 tribunaux existants).

Il s’agissait alors des tribunaux de : Besançon, Bordeaux, Évry, Grenoble, Lille Métropole, Lyon, Marseille, Montpellier, Nanterre, Nantes, Nice, Orléans, Paris, Poitiers, Rennes, Rouen, Strasbourg et Toulouse.

D’aucun se sont étonnés de l’absence de Bobigny, Créteil ou Versailles qui traitaient pourtant d’importants dossiers et partant de la sous-représentation de la région parisienne dans cette liste.

A ce titre, plusieurs personnalités du tribunal de commerce de Bobigny, deuxième tribunal en terme d’activité, avaient mis en avant les qualités de cette juridiction, pour inciter le gouvernement à revoir sa copie, dans l’intérêt des justiciables, soulignant le risque de devoir faire face à une véritable « fuite des compétences » au profit des autres « TCS » tous proches (Nanterre ou Evry) attirés par la perspective de pouvoir traiter des dossiers plus importants. Bobigny étant au cœur du projet de « Grand Paris » et au centre d’un bassin d’emploi dynamique, cela légitimait selon eux le choix de ce tribunal, en sus des 18 autres.

La démission du ministre de la justice et son remplacement par Jean-Jacques Urvoas ont retardé la parution du décret.

La liste finale, telle qu’elle ressort du décret n° 2016-217 du 26 février 2016, publiée au journal officiel du 29 février 2016, a subi quelques évolutions. Ainsi les juridictions de Besançon et Lille sont remplacées par celles de Bobigny, Dijon et Tourcoing.

La mobilisation de l’ensemble des acteurs du monde juridique et judiciaire de la juridiction de Bobigny a semble-t-il porté ses fruits.
Dès lors, les 18 TCS sont désormais les suivants :
Bobigny, Bordeaux, Dijon, Evry, Grenoble, Lyon, Marseille, Montpellier, Nanterre, Nantes, Nice, Orléans, Paris, Poitiers, Rennes, Rouen, Toulouse, Tourcoing, outre la chambre commerciale spécialisée du Tribunal de grande instance de Strasbourg pour les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
Le ressort propre à chaque juridiction spécialisée est précisé en annexe au décret.

A compter du 1er mars 2016, les professionnels devront se référer à l’article L 721-8 du Code de commerce (tel que crée par l’article 231 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015) qu’il convient de reprendre ci-après, pour déterminer la compétence de la juridiction :
« Des tribunaux de commerce spécialement désignés connaissent, lorsque le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale :

1° Des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire mentionnées au livre VI, lorsque le débiteur est :
a) Une entreprise dont le nombre de salariés est égal ou supérieur à 250 et dont le montant net du chiffre d’affaires est d’au moins 20 millions d’euros ;
b) Une entreprise dont le montant net du chiffre d’affaires est d’au moins 40 millions d’euros ;
c) Une société qui détient ou contrôle une autre société, au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3, dès lors que le nombre de salariés de l’ensemble des sociétés concernées est égal ou supérieur à 250 et que le montant net du chiffre d’affaires de l’ensemble de ces sociétés est d’au moins 20 millions d’euros ;
d) Une société qui détient ou contrôle une autre société, au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3, dès lors que le montant net du chiffre d’affaires de l’ensemble de ces sociétés est d’au moins 40 millions d’euros ;

2° Des procédures pour l’ouverture desquelles la compétence internationale du tribunal est déterminée en application des actes pris par l’Union européenne relatifs aux procédures d’insolvabilité ;

3° Des procédures pour l’ouverture desquelles la compétence internationale du tribunal résulte de la présence dans son ressort du centre principal des intérêts du débiteur ;

4° De la procédure de conciliation prévue au titre Ier du livre VI, sur saisine directe par le débiteur, à la demande du procureur de la République ou par décision du président du tribunal de commerce, lorsque le débiteur est une entreprise ou un ensemble de sociétés remplissant les conditions prévues aux a à d du 1°.

Le tribunal de commerce spécialisé compétent pour l’application des c et d du même 1° et du 4° du présent article est celui dans le ressort duquel se situe la société qui détient ou contrôle une autre société au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3.

Pour l’application du 2° du présent article, le tribunal de commerce spécialisé compétent est celui dans le ressort duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur. Pour les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège social. »

Au-delà des seuls critères de chiffre d’affaires et de nombre de salariés, on s’aperçoit que le nouveau texte va bien plus loin et qu’il sera nécessaire de se montrer très vigilant, notamment dans les groupes de société et dans le cadre des procédures collectives internationales (notamment européennes, qui connaitront une importante réforme en 2017 sur laquelle nous reviendrons ultérieurement).

Précisons enfin que le président du tribunal de commerce dans le ressort duquel l’entreprise a des intérêts, ou un juge délégué par lui, siègera de droit au sein du tribunal de commerce spécialisé compétent, ce qui devrait permettre de limiter une certaine « frustration » que l’on a pu sentir chez certain, se sentant quelque peu dépossédé par le biais de ce texte.

L’avenir nous dira si cette évolution va dans le bon sens et si une telle concentration de compétence ou de moyen permettra d’améliorer le sort des justiciables et la sauvegarde de l’emploi, actuelle priorité du gouvernement.

Alexandre Le Ninivin
Avocat à la Cour
alexandre.leninivin chez squirepb.com

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Discussion en cours :

  • par Dominique Ducourtioux , Le 8 mars 2016 à 15:58

    STRASBOURG n’a pas été remplacé et le décret fixe même la compétence de la chambre commerciale du TGI de STRASBOURG comme juridiction spécialisée.

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