Statuant sur déféré, la cour d’appel de Lyon confirme l’ordonnance du conseiller de la mise en état en retenant que la déclaration d’appel d’une société était entachée d’une nullité de fond au regard de l’article 117 du Code de procédure civile dès lors que l’appelante n’avait pas le pouvoir de représenter la société civile professionnelle (SCI) pour former appel en son nom.
La cour d’appel ajoute que l’article 121 du Code de procédure civile, qui permet une régularisation tant que le juge n’a pas statué, ne peut trouver application qu’à condition que la nullité soit susceptible d’être couverte avant l’expiration du délai d’appel. Pour la cour d’appel, la régularisation étant intervenue postérieurement au 18 janvier 2015, date à laquelle expirait le délai pour relever appel, cet appel était irrecevable.
En l’espèce, une confusion entre le défaut de capacité et le défaut de pouvoir de l’appelante semblait commise devant la cour d’appel, mais le résultat, s’agissant des deux vices de fond limitativement prévus par l’article 117 du Code de procédure civile, était finalement le même : la nullité de la déclaration d’appel était encourue. La cour d’appel constatait bien une régularisation de l’irrégularité affectant la déclaration d’appel par la désignation d’un mandataire ad hoc du fait de la dissolution de la société appelante, mais relevait qu’elle était cependant intervenue au-delà du délai de signification du jugement du tribunal de grande instance.
Au visa des articles 2241 du Code civil et 121 du Code de procédure civile, la deuxième chambre civile, selon arrêt destiné à la plus large publication, casse en toutes ses dispositions selon l’attendu suivant : « Qu’en statuant ainsi, alors que demeurait possible la régularisation de la déclaration d’appel qui, même entachée d’un vice de procédure, avait interrompu le délai d’appel, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Voilà un nouvel apport de la Cour de cassation sur la régularisation d’une procédure entachée de nullité et le calcul du délai d’interruption de la forclusion en cas de nullité de la déclaration d’appel, laquelle ne peut être confondue avec une irrecevabilité de la déclaration d’appel comme l’a jugé le même jour la Cour (Civ. 2e, 1er juin 2017, n° 16-15.568, Dalloz actualité, 28 juin 2017, obs. R. Laffly ).
Depuis un arrêt du 16 octobre 2014, on sait qu’une cour d’appel ne peut dénier l’effet interruptif à la nullité qu’elle a pu prononcer à l’encontre d’une première déclaration d’appel (Civ. 2e, 16 oct. 2014, n° 13-22.088, Dalloz actualité, 28 oct. 2014, obs. N. Kilgus ; D. 2014. 2118 ; ibid. 2015. 287, obs. N. Fricero ; ibid. 517, chron. T. Vasseur, E. de Leiris, H. Adida-Canac, D. Chauchis, N. Palle, L. Lazerges-Cousquer et N. Touati ). La Cour de cassation visait déjà l’article 2241 qui dispose que « la demande en justice, même en référé, interrompt de délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ».
Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure ».
En résumé, la déclaration d’appel jugée nulle pour vice de forme (C. pr. civ., art. 114) ou pour vice de fond (C. pr. civ., art. 117) interrompt le délai de forclusion de l’appel. Mais l’arrêt avait laissé ses commentateurs circonspects sur la date à laquelle le nouveau délai devait courir. D’aucuns prétendaient que le nouveau délai de forclusion recommençait à courir dès le lendemain de la déclaration d’appel nulle, d’autres que ce délai ne pouvait commencer à courir qu’à compter de la décision constatant la nullité. En effet, la Cour de cassation, dans son arrêt du 16 octobre 2014, avait reproché à la cour d’appel d’avoir jugé nulle la première déclaration d’appel et « dénié à sa décision tout effet interruptif du nouveau délai d’appel qui avait commencé à courir ».
On pouvait dès lors raisonner par analogie au regard des articles 2231 et 2242 du Code civil, c’est-à-dire au regard de dispositions relatives à la prescription et à l’extinction de l’instance. Par application de l’article 2231 du Code civil, l’interruption efface le nouveau délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien, l’effet interruptif produisant ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance selon l’article 2242 du Code civil. Face à un tel attendu et à considérer que l’instance puisse se terminer par la décision jugeant de la nullité, il était permis de penser que le nouveau délai débuterait non pas le lendemain du jour de la déclaration d’appel mais à compter de l’ordonnance du conseiller de la mise en état constatant la nullité affectant la déclaration d’appel ou de l’arrêt rendu sur déféré, voire de l’arrêt au fond en l’absence de mise en état (jour fixe, fixation à bref délai, procédure sans représentation obligatoire, etc.).
Dans le cas présent et sans considération pour la possibilité d’interjeter un nouvel appel, la Cour de cassation juge que la régularisation d’un appel reste possible – ici par la désignation d’un mandataire ad hoc – après l’expiration du délai de forclusion de l’appel, précisément parce que la déclaration d’appel était affectée d’un vice de procédure de nature à entraîner sa nullité, le délai d’appel étant nécessairement interrompu. À y regarder de plus près, la portée de cet arrêt sur l’interruption du délai de forclusion peut cependant dérouter car cela revient à juger que la régularisation reste toujours possible au cours d’une même instance au regard d’une nullité virtuelle, c’est-à-dire sans même qu’une décision antérieure de nullité soit prononcée à la différence de la situation ayant donné lieu à l’arrêt du 16 octobre 2014. Mais il n’est pas neutre d’observer que la Cour de cassation vise aussi l’article 121 du Code de procédure civile qui précise que, « dans tous les cas où elle est susceptible d’être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ». Or, en l’occurrence, la cour d’appel avait à tort fait revivre une jurisprudence de la Cour de cassation déjà ancienne mais bien révolue, qui voulait que la régularisation intervienne, en cas de nullité de l’acte d’appel, avant l’expiration du délai d’appel. Voilà de quoi rassurer, un peu, les plaideurs.
Discussion en cours :
Il conviendrait de donner au moins les références précises de l’arrêt commenté...