1. La notation des militaires et des gendarmes, qu’est-ce que c’est ?
La notation est un acte de commandement qui se définit comme suit (article R4135-1 du Code de la défense) :
« La notation est une évaluation par l’autorité hiérarchique des qualités morales, intellectuelles et professionnelles du militaire, de son aptitude physique, de sa manière de servir pendant une période déterminée et de son aptitude à tenir dans l’immédiat et ultérieurement des emplois de niveau plus élevé ».
Concrètement, la notation des militaires et des gendarmes se présente sous la forme d’appréciations générales, qui doivent se traduire par des appréciations littérales et des notes chiffrées respectivement déterminés selon une échelle ou une cotation (article R4135-2 du Code de la défense).
La notation annuelle doit permettre de rassembler tous les éléments concourant à la connaissance individuelle du militaire afin :
- de l’informer sur la façon dont il est évalué ; cette appréciation doit l’inciter à conforter ses acquis et, le cas échéant, à travailler sur les axes de progrès qui lui sont indiqués ;
- de contribuer à son orientation de carrière et à la définition d’un parcours professionnel adapté à ses qualités, ses aptitudes et son potentiel
2. Procédure de notation.
Aux termes de l’article R4135-6 du Code de la défense :
« Les notes et appréciations sont communiquées au militaire lors d’un entretien avec le premier notateur ou le notateur unique, sauf si des circonstances particulières font obstacle à sa tenue. L’entretien a lieu même si le militaire fait l’objet d’une mutation. Le militaire peut porter ses observations sur le formulaire de notation dans un délai de huit jours francs à compter de cet entretien (…) ».
En effet, les militaires notés par un seul notateur reçoivent communication de leurs notes et appréciations lors d’un entretien unique avec leur notateur unique (article R4135-6 du Code de la défense).
Pour les autres militaires, les notes et appréciations leur sont communiquées en deux étapes lors d’un premier entretien avec le notateur de premier degré ou « premier notateur », puis lors d’un second entretien avec l’autorité notant en dernier ressort ou « deuxième notateur ».
S’agissant de l’entretien de notation, la jurisprudence considère que l’absence d’organisation d’un entretien de notation constitue un vice de procédure de nature à entacher le bulletin de notation d’illégalité :
« Considérant qu’il est constant que les appréciations portées par le premier notateur sur la manière de servir de M. A ne lui ont pas été communiquées lors d’un entretien avec ce notateur ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier, et qu’il n’est d’ailleurs pas soutenu par le ministre de la défense, que des circonstances particulières aient fait obstacle à la tenue de cet entretien ; que dès lors la notation de M. A au titre de l’année 2003 est intervenue à l’issue d’une procédure irrégulière » (CE, 24 novembre 2006, req. n°275645).
En effet, l’entretien de notation est une garantie accordée aux militaires qui doit leur permettre notamment de comprendre précisément les motifs qui justifient leur notation et de formuler leurs observations orales.
A défaut d’entretien, la notation concernée doit être regardée comme étant entaché d’un vice de procédure :
« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté par le ministre de la défense, que M. X... (…) a reçu communication de sa notation de premier degré le 8 novembre 1999, sans qu’une telle communication soit accompagnée d’un entretien avec le notateur ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier, et qu’il n’est d’ailleurs pas même allégué par le ministre que cet entretien obligatoire n’aurait pu avoir lieu en raison de circonstances particulières faisant obstacle à sa tenue ; qu’ainsi l’autorité militaire a privé l’officier noté d’une des garanties prévues par les dispositions précitées du décret du 31 décembre 1983 et a, par cette carence, vicié la procédure d’établissement de sa notation ; que, dès lors, M. X... est fondé à soutenir que la notation attaquée, intervenue sur une procédure irrégulière, est entachée d’illégalité et à en demander l’annulation » (CE, 28 septembre 2001, req. n°219036).
Dans ce cas, il appartient au ministre des Armées de retirer la notation viciée et de reprendre la notation en donnant instructions à ses services de respecter la procédure de notation : « Considérant que, pour remédier au vice de procédure entachant la légalité de la décision de notation au titre de l’année 2003, que M. A avait critiquée devant la commission des recours des militaires, il incombait au ministre de la défense de rapporter cette décision et de donner instruction à ses services de reprendre la procédure de notation prévue par les dispositions, alors applicables, du décret du 31 décembre 1983 ; qu’ainsi la décision par laquelle le ministre de la défense a rejeté, sans avoir donné à ses services une telle instruction, le recours formé par M. A contre sa notation au titre de l’année 2003 est entachée d’illégalité ; que par suite M. A est fondé à en demander l’annulation » (CE, 24 novembre 2006, req. n°275645).
Surtout, rappelons que la décision prise par le ministre des Armées sur le recours CRM se substitue intégralement à la décision initiale.
Il en résulte que le militaire requérant qui conteste la décision du ministre prise sur son recours CRM peut invoquer tout moyen nouveau jusqu’à la clôture d’instruction, quand bien même ils n’auraient pas été soulevé dans le cadre du recours CRM :
« Considérant que l’institution d’un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l’autorité compétente pour en connaître le soin d’arrêter définitivement la position de l’administration ; qu’il s’ensuit que la décision prise à la suite du recours se substitue nécessairement à la décision initiale ; qu’elle est seule susceptible d’être déférée au juge de la légalité ; que si l’exercice d’un tel recours a pour but de permettre à l’autorité administrative, dans la limite de ses compétences, de remédier aux illégalités dont pourrait être entachée la décision initiale, sans attendre l’intervention du juge, la décision prise sur le recours n’en demeure pas moins soumise elle-même au principe de légalité ; que le requérant qui entend contester cette dernière décision peut invoquer devant le juge, jusqu’à la clôture de l’instruction, tout moyen de droit nouveau, alors même qu’il n’aurait pas été invoqué à l’appui du recours administratif contre la décision initiale, dès lors que ces moyens sont relatifs au même litige que celui dont avait été saisie l’autorité administrative » (CE, 21 mars 2007, req. n°284586).
Dans le cas contraire, il pourra former un recours auprès de la commission des recours des militaires (CRM) puis, le cas échéant, une requête auprès du tribunal administratif.
Dans tous les cas, il pourra soulever des moyens nouveaux contre la décision qui aura été prise par le ministre des Armées sur son recours préalable.
3.- Procédure de contestation des notations des militaires.
Comme la plupart des actes relatifs à la situation personnelle des militaires, la notation ne peut être contestée en justice qu’après avoir fait l’objet d’un recours préalable obligatoire devant la Commission des recours des militaires (CRM) (article R4125-1 du Code de la défense).
Ce recours préalable obligatoire doit être adressé à la commission des recours des militaires par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au secrétariat permanent de la commission, dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la notation finale (article R4125-2 du Code de la défense).
Dès réception du recours, le président de la commission en informe l’autorité qui a pris la notation contestée ainsi que celle dont relève l’intéressé (article R4125-3 du Code de la défense).
Ensuite, la commission des recours des militaires (CRM) transmet au militaire concerné les éventuelles observations de l’autorité militaire sur son recours et l’invite à présenter ses observations écrites (article R4125-8 du Code de la défense + Conseil d’Etat, 18 décembre 2009, req. n°327633).
Dans un délai de 4 mois à compter de l’enregistrement du recours, la commission des recours des militaires (CRM) notifie au militaire concerné la décision du ministre sur son recours.
A défaut, le ministre doit être regardé comme ayant implicitement rejeté le recours du militaire concerné (article R4125-10 du Code de la défense).
En cas de rejet du recours CRM du militaire, la décision du ministre doit être motivée en droit et en fait (article R4125-10 du Code de la défense).
La décision prise par le ministre sur le recours du militaire concerné se substitue à la notation initiale.
Le militaire dispose ensuite d’un délai de 2 mois francs à compter de la notification de la décision du ministre pour saisir le tribunal administratif compétent d’un recours juridictionnel (article R421-1 du Code de justice administrative).
4.- Contrôle du juge administratif sur les notations de militaires.
- S’agissant des périodes de notation, en principe, le militaire qui entend contester une décision de notation ne peut pas se prévaloir d’une précédente notation (Conseil d’Etat, 9 décembre 2009, req. n°317073) ni des appréciations plus favorables des années précédentes (Conseil d’Etat, 23 juillet 2010, req. n°333412) pour en contester le bien fondé : « Considérant que, les notations obtenues d’une année sur l’autre étant sans lien entre elles, la circonstance que des notes attribuées au requérant antérieurement à sa notation pour la période du 6 janvier 2006 au 30 mars 2007 auraient comporté des appréciations plus favorables ou une note chiffrée supérieure est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ».
En effet, le Conseil d’Etat juge que « chaque notation est une évaluation des qualités du militaire au cours d’une période déterminée » (Conseil d’Etat, 14 octobre 2009, req. n°303439).
En revanche, une feuille de notation peut être annulée comme étant fondée sur des faits postérieurs à la période de notation : « Considérant qu’aux termes de l’article 1er du décret du 1er août 2005 relatif à la notation des militaires, alors en vigueur : La notation est une évaluation par l’autorité hiérarchique des qualités morales, intellectuelles et professionnelles du militaire, de son aptitude physique, de sa manière de servir pendant une période déterminée et de son aptitude à tenir dans l’immédiat et ultérieurement des emplois de niveau plus élevé ; qu’il résulte de ces dispositions que la notation d’un officier constitue une appréciation, par l’autorité hiérarchique, des qualités et aptitudes dont il a fait preuve durant la période de notation ; qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment de l’appréciation générale portée sur le bulletin de notation par le colonel commandant la base aérienne 128 de Metz, que ce dernier, agissant en qualité d’autorité hiérarchique, s’est expressément fondé sur des faits survenus lors d’une réunion à l’aéroclub de Basse-Moselle le 30 mars 2008 ; que dès lors, la décision du ministre de la défense, qui est fondée sur sa manière de servir postérieurement à la période de notation considérée, est entachée d’une erreur de droit ; qu’il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l’annulation de la décision attaquée » (Conseil d’Etat, 28 juin 2010, req. n°327819).
S’agissant de la manière de servir des militaires et des gendarmes, le Conseil d’Etat estime qu’un militaire ne peut pas se prévaloir des notes obtenus par ses camarades se trouvant dans une situation comparable (Conseil d’Etat, 14 octobre 2009, n°326324).
En résumé, le contrôle du juge administratif sur les notations des militaires porte essentiellement sur le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation (incohérence entre la note donnée et la manière de servir réelle de l’intéressé), des éventuels vices de procédure (défaut d’organisation d’un entretien de notation), les erreurs de faits (notation fondée sur des faits matériellement inexacts), et les erreurs de droit (prise en considération de faits postérieurs à la période de notation).