Actualités du droit routier : vers une sévérité renforcée des sanctions ?

Par Jordan Gibert, Avocat.

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Explorer : # homicide routier # sanctions routières # usage de stupéfiants # excès de vitesse

L’actualité médiatique de ces derniers mois a été ponctuée de faits divers particulièrement marquants (affaire Pierre Palmade, morts de trois policiers à Roubaix, décès d’une fillette de huit ans à Toulouse) qui mettent tous l’accent sur les conséquences funestes des accidents de la route.

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Face à l’émoi suscité par de telles tragédies, la réaction des pouvoirs publics ne s’est pas fait attendre.

« Homicide routier », conduite après avoir fait usage de HHC, excès de vitesse inférieurs à 5 km/h : que doit-on attendre des changements législatifs et règlementaires à venir ?

Que recouvre la notion d’« homicide routier » ?

Le ministre de l’Intérieur a confié à la représentation nationale en mai dernier qu’il entendait mener une réforme du droit routier par la création d’un nouveau délit intitulé « homicide routier ».

Cette infraction à venir n’ayant pour l’heure pas été définie par les pouvoirs publics, nul ne sait avec certitude quels seront les comportements constitutifs de ce délit et qui exposeront leurs auteurs à des sanctions a priori exemplaires (le ministre de l’Intérieur allant jusqu’à proposer la perte de la totalité des points du permis de conduire en une seule fois !).

Deux hypothèses peuvent toutefois être émises :

1) Première hypothèse.

L’ « homicide routier » serait la nouvelle appellation du délit d’homicide involontaire commis par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, consacré et réprimé par les articles L232-1 du Code de la route et 221-6-1 du Code pénal, ci-après reproduits :

« Lorsque la maladresse, l’imprudence, l’inattention, la négligence ou le manquement à une obligation législative ou réglementaire de prudence ou de sécurité prévu par l’article 221-6 est commis par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, l’homicide involontaire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Le fait pour un conducteur de commettre, à l’occasion de sa conduite, une faute non intentionnelle (telle qu’une négligence, maladresse, inattention, violation d’une règle de sécurité ou de prudence) ayant pour résultat la mort d’autrui est ainsi puni des peines maximums de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ».

Il est à noter que le législateur réprime plus sévèrement l’homicide involontaire commis par un conducteur de véhicule que celui commis par un individu non-conducteur (trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende : article 221-6 du Code pénal).

Les peines encourues sont aggravées selon la faute pénale commise par l’auteur-conducteur, et s’élèvent à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende en cas de :

  • conduire sous l’empire d’un état alcoolique ou en état d’ivresse manifeste,
  • conduite après avoir fait usage de stupéfiants,
  • refus de se soumettre aux vérifications de l’état alcoolique ou destinées à établir un usage de stupéfiants,
  • conduite sans permis, malgré suspension, invalidation ou annulation du permis de conduire
  • excès de vitesse égal ou supérieur à 50 km/h,
  • délit de fuite,
  • violation manifestement délibéré d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement (il s’agit là d’une négligence ou d’un ensemble de négligences particulièrement graves, tel que le franchissement de deux feux rouges à grande vitesse en agglomération).

Les peines sont portés à 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende si l’infraction a été commise avec deux ou plusieurs des circonstances aggravantes ci-dessus listées.

Il est important de relever que le conducteur d’un véhicule qui se rend coupable d’un homicide involontaire est susceptible de se voir infliger une suspension judiciaire de son permis de conduire pour une durée de dix ans au plus.

Par ailleurs, la confiscation du véhicule est obligatoire - à condition que le conducteur en soit le propriétaire - s’il conduisait sans permis, malgré suspension, invalidation ou annulation du permis de conduire ou encore si l’homicide involontaire a été ponctué de deux ou plusieurs circonstances aggravantes.

Il est toutefois possible, dans un tel cas de figure, de convaincre le tribunal de ne pas prononcer cette peine de confiscation, en faisant état du préjudice financier particulièrement grave que cela occasionnerait pour l’auteur des faits.

Enfin, la condamnation judiciaire d’un conducteur pour homicide involontaire aggravé entraîne l’annulation de plein droit (automatique) du permis de conduire avec interdiction de solliciter un nouveau permis pendant une durée maximale de 10 ans.

Dans une telle situation, il est indispensable de plaider la personnalité de l’auteur devant le tribunal afin de réduire au maximum le délai d’interdiction de repasser les épreuves du permis de conduire et d’obtenir rapidement un nouveau permis de conduire.

2) Deuxième hypothèse.

L’ « homicide routier » aurait vocation à punir le conducteur ayant provoqué la mort d’autrui par maladresse, l’imprudence, l’inattention, la négligence ou le manquement à une obligation législative ou réglementaire de prudence ou de sécurité comme s’il était auteur d’un homicide volontaire, autrement dit comme s’il était un meurtrier au sens de l’article 221-1 du Code pénal, susceptible d’être poursuivi devant la Cour d’Assises.

Si une telle législation devait voir le jour, elle ne manquerait pas de faire réagir et de se heurter au bloc de constitutionnalité français, car elle contreviendrait sans nul doute au principe de proportionnalité des peines, consacré par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel.

Comment, en effet, justifier qu’un accident de la route, certes tragique, soit mis sur le même plan qu’un crime commis avec intention de tuer ?

Le fait d’avoir eu l’intention de commettre une faute antérieurement à l’accident (consommer de l’alcool ou des produits stupéfiants avant de prendre le volant, par exemple) est-il assimilable à une volonté de produire le résultat final, à savoir la mort d’autrui ?

La réponse est évidemment négative, sauf à considérer que la moindre inattention de conduite, tel que le fait de ne pas correctement abaisser son pare-soleil, devrait nécessairement entraîner l’incarcération du conducteur en cas d’accident de la route et de décès de la victime.

Une loi qui criminaliserait l’homicide involontaire par conducteur de véhicule terrestre à moteur ne manquerait donc pas de se faire censurer par le juge constitutionnel, garant des droits et libertés prévus par la Constitution.

La conduite après avoir fait usage de HHC est-elle légale ?

Le HHC, ou Hexahydrocannabinol, est une substance chimique présente dans le Chanvre, aux effets psychoactifs assimilables à ceux du THC, selon les testeurs.

Ce produit est à l’heure actuelle en vente libre sur le territoire français, mais est-il permis de prendre le volant après avoir fait usage de HHC ?

La réponse est affirmative, mais il convient d’être vigilant.

Pour être poursuivi, jugé et condamné pour le délit de « conduite après avoir fait usage de stupéfiants », encore faut-il que le conducteur soit contrôlé positif (après analyses médicales) à une substance classée comme « stupéfiants » au sens de l’arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants.

Ce texte, régulièrement mis à jour par le pouvoir règlementaire, fixe une liste de l’ensemble des produits classés comme « stupéfiants » et tombant sous le coup de la loi pénale.

A ce jour, le HHC ne figure pas sur cette liste. Il est donc autorisé de prendre le volant après en avoir consommé.

La prudence est toutefois de mise, le Ministre de la Santé ayant fait part de sa volonté d’inscrire très prochainement cette substance sur la liste des stupéfiants.

Conduire après avoir fait usage de stupéfiants, et ce même si le conducteur n’est plus sous les effets du produit au moment des faits, expose son auteur à la suspension voire à l’annulation de son permis de conduire ainsi qu’à la confiscation de son véhicule, s’il en est le propriétaire.

Il est recommandé en pareil cas de faire appel à un avocat pratiquant le droit routier, qui saura détecter les irrégularités affectant la procédure et portant notamment sur le droit à la contre-expertise.

Quel sort pour les excès de vitesse inférieurs à 5 km/h ?

Au milieu de cette surenchère répressive, voici la seule réforme annoncée qui va dans le sens d’un assouplissement des sanctions en matière routière.

Les excès de vitesse inférieurs à 5km/h n’entraîneront plus de retrait de point, mais seront toujours punis d’une peine d’amende.

Il est intéressant de préciser que les marges d’erreur des radars sont prises en compte.

L’arrêté du 4 juin 2009 relatif aux cinémomètres de contrôle routier et la jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation imposent ainsi au juge pénal de soustraire à la mesure de vitesse relevée une marge de :

  • 5 km/h pour les vitesses inférieures à 100 km/h ;
  • 5% de la vitesse relevée, pour les vitesses égales ou supérieures à 100 km/h.

Ainsi, un conducteur circulant à 59 km/h en agglomération (vitesse maximale autorisée : 50 km/h) bénéficiera d’une marge d’erreur de 5 km/h.

La vitesse relevée par le radar sera donc de 59 km/h.

La vitesse retenue après application de la marge d’erreur sera de 54 km/h.

L’excès de vitesse étant inférieur à 5 km/h, il ne donnera lieu à aucun retrait de point.

A toutes fins utiles, toute verbalisation pour excès de vitesse constaté par radar est susceptible d’être affectée d’irrégularités pouvant entraîner une relaxe devant le Tribunal de police (cinémomètre non homologué, absence de vérification annuelle, prescription,…).

Une fois encore, il est fortement conseillé de faire appel aux services d’un avocat pratiquant le droit du permis de conduire afin de se défendre efficacement et de préserver son droit de conduire.

Jordan Gibert,
Avocat au Barreau du Val d’Oise.
https://www.avocat-95.fr/component/...

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Discussions en cours :

  • par OUMAYMA HOMRANI , Le 12 janvier 2024 à 16:30

    Maitre Bonjour
    Merci beaucoup pour ces idéés comment je peux te contacter pour qlqs questions vue que je suis entrain de rédiger un travai académique lié a ce sujet donc j’ai besoin de votre aide si ca ne te derange pas

  • Comme maître Gibert je trouve cette idée, intention, abherrante… sans compter qu’au vu des délais plus longs de jugement que çà impliquerait la « proximité » de la condamnation reconnue comme étant à privilégier ne serait plus possible !

    • par Maître Jordan GIBERT , Le 12 juin 2023 à 19:08

      Bonjour Monsieur,

      Cette hypothèse est effectivement la plus dangereuse pour le justiciable. Si un projet de loi aussi démesuré devait être inscrit à l’ordre du jour des assemblées, j’ose espérer que le Législateur saurait l’amender pour le vider de sa substance. En dernier recours, le juge constitutionnel apprécierait !

      Bien à vous.

  • Dernière réponse : 12 juin 2023 à 19:10
    par Massin , Le 12 juin 2023 à 14:32

    Merci Maître pour nous avoir donné des précisions sur ce sujet d’actualité qui interroge les conducteurs automobiles.
    Bonne continuation.

    CM

    • par Maître Jordan GIBERT , Le 12 juin 2023 à 19:10

      Madame, Monsieur,

      Je vous en prie.

      N’hésitez pas à me contacter en cas de besoin.

      Bien à vous.

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