Les aménagements de peine avant la mise à l’exécution.

Par Juliette Daudé, Avocate.

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Explorer : # aménagement de peine # réinsertion # peines alternatives # juge d'application des peines

Le projet de réforme pénale de Madame Taubira a remis sous le feu des projecteurs le régime des aménagements de peine. C’est l’occasion de faire le point sur les dispositions actuellement en vigueur.

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Depuis une dizaine d’années, la conception de l’exécution de la peine a été bouleversée.

En effet, l’ère n’est plus au tout carcéral pour les peines courtes mais à l’individualisation de la peine à travers l’aménagement de la peine.

Institués par la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, les aménagements de peine ont pour but d’éviter la détention lorsqu’une peine privative de liberté a été prononcée à la suite d’un jugement pénal.

Ainsi, d’autres sanctions se substitueront à la peine privative de liberté chaque fois que cela sera possible.

Les aménagements des peines courtes peuvent s’effectuer ab initio, c’est-à-dire avant la mise à exécution de la peine, directement par la juridiction de jugement lors de l’audience ou devant le Juge d’Application des Peines.

Alors que l’aménagement de peines n’était qu’une possibilité offerte aux magistrats de la juridiction de jugement, depuis la loi pénitentiaire n°2009-1436 du 24 novembre 2009, le législateur a voulu « forcer » le juge à prononcer des peines aménagées dans le plus de cas possibles.

L’aménagement de peine est dès lors passé d’option à obligation.

L’objectif affiché est de ne prononcer l’emprisonnement qu’en dernier recours et si l’emprisonnement est malgré tout prononcé, l’aménagement de la peine devra être une priorité sauf impossibilité.

Posant parfois des difficultés de compréhension puisque la personne condamnée n’effectue pas sa peine en prison, différents types d’aménagements de peine existent.

Les aménagements de peine ont divers objectifs et sont soumis à certaines conditions.

- Les objectifs de l’aménagement de peine

L’aménagement de peine a pour but premier d’éviter la récidive.

En effet, la sanction a un double objectif : punir bien sûr, mais également promouvoir la réinsertion du condamné en l’accompagnant dans un projet personnel (soins) ou professionnel (formation).

La sanction pénale sera donc prononcée en ne prenant pas seulement en compte l’infraction mais en prenant aussi en compte la personnalité de l’auteur ainsi que sa situation personnelle.

Pour bénéficier d’un aménagement de peine, la personne condamnée devra présenter des garanties sérieuses de réinsertion et en justifier (contrat de travail, promesse d’embauche…).

- Les conditions de l’aménagement de peine

Toutes les peines ne sont pas aménageables.

L’aménagement de peine avant la mise à exécution ne se porte d’ailleurs que sur les courtes peines.

Les personnes pouvant bénéficier d’un aménagement de peine ne devront pas avoir été condamnées à une peine supérieure à deux ans d’emprisonnement pour un primo-délinquant et à un an pour un récidiviste.

De plus, une peine de prison ferme devra être prononcée chaque fois que la gravité de l’infraction ou que la personnalité de l’auteur le rendra nécessaire mais aussi lorsque toute autre sanction apparaitrait manifestement illégale.

Si la loi impose en théorie aux juridictions répressives d’aménager immédiatement toutes les peines qui peuvent l’être, en pratique ce n’est souvent pas le cas par manque de temps ou d’informations sur la personnalité du condamné.

Ainsi trois options se présentent à l’issue du jugement correctionnel :

1) L’individu s’est vu condamner à effectuer une peine de prison ferme et un mandat de dépôt est prononcé : à l’issue de l’audience le condamné sera conduit immédiatement en détention.

2) L’individu s’est vu condamner à effectuer une peine de prison ferme sans qu’un mandat de dépôt n’ait été prononcé (il repart libre) : le condamné sera alors convoqué devant le Juge d’Application des Peines afin que ce dernier se prononce sur un possible aménagement de peine dans les semaines suivant le jugement.

3) L’individu s’est vu condamner à effectuer une peine de prison ferme déjà aménagée : le principe de l’aménagement de peine est alors posé mais c’est le Juge d’Application des Peines qui prendra le soin d’en fixer les modalités.

Le Juge d’Application des Peines peut décider d’une absence d’aménagement de peine dans l’hypothèse où le condamné ne souhaite pas bénéficier d’un aménagement ou encore lorsque l’aménagement de peine semble impossible au vue de la personnalité de l’individu.

En effet, avant de prendre une décision, le Juge d’Application des Peines demande aux Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation une enquête psychologique et de personnalité de la personne condamnée.

Remarques :

_Un aménagement de peine est aussi possible pour les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité.

_Concernant les mineurs, c’est le Juge pour Enfants qui exerce les fonctions habituellement dévolues au Juge d’Application des Peines jusqu’aux 25 ans de l’individu.

- Les types d’aménagements de peine

Il existe différents types d’aménagements possibles : ceux à la disposition de la juridiction de jugement et de la juridiction d’application des peines conjointement et ceux dont dispose exclusivement le Juge d’Application des Peines.

Quatre modes d’aménagement sont partagés par le juge correctionnel et le Juge d’Application des Peines :

1) Le placement sous surveillance électronique

Plus connu sous le nom de « bracelet électronique », cet aménagement de peine est aujourd’hui le plus répandu en France.

Le condamné doit s’engager à rester à son domicile aux heures fixées par le juge.

Cette mesure permet entre autre au condamné de pouvoir exercer une activité professionnelle, rechercher un emploi, effectuer une formation professionnelle, effectuer des soins médicaux ou encore de pouvoir participer à sa vie de famille.

2) La semi-liberté

Cette mesure consiste en un régime particulier de détention.

Pour les mêmes raisons que le placement sous surveillance électronique (emploi, formation, soins…), le condamné est autorisé à quitter l’établissement pénitentiaire durant une plage horaire déterminée par le juge.

3) Le placement extérieur

A la différence de la semi-liberté qui ne fait pas l’objet d’une surveillance lorsque le condamné est à l’extérieur, le placement extérieur peut être prononcé soit sous surveillance soit sans surveillance.

Dans la plupart des cas, il a pour objet un chantier de construction, de rénovation ou de restauration.

Lorsque le placement extérieur est sans surveillance, il se rapproche du régime de la semi-liberté.

Lorsque le placement extérieur est sous surveillance, le condamné est employé en dehors de la prison à des travaux contrôlés par l’administration pénitentiaire, sous la surveillance continue du personnel pénitentiaire.

4) Le fractionnement ou la suspension de peine

Le fractionnement et la suspension de peine sont des mesures qui permettent au condamné qui doit faire face à des problèmes familiaux, médicaux ou professionnels importants, d’exécuter sa peine par fractions ou bien de suspendre pendant un temps l’exécution de sa peine.

Deux modes d’aménagement ne peuvent être prononcés que par le Juge d’Application des Peines :

1) La conversion en jours-amende

Le bénéfice de la conversion de la peine en jours-amende ne peut être accordé que lorsque la peine d’emprisonnement est inférieure ou égale à 6 mois.

Le principe consiste en une amende échelonnée dont l’inexécution peut conduire à un emprisonnement.

Exemple : si la personne a été condamnée à 40 jours amende à 10 euros et qu’elle ne paie pas ces 400 euros, elle sera condamnée à 40 jours de prison.

Le montant des jours-amende est déterminé en fonction des ressources du condamné et ne peut excéder 360 jours.

2) La conversion en travaux d’intérêt général

Le bénéfice de la conversion de la peine en travaux d’intérêt général ne peut être accordé que lorsque la peine d’emprisonnement est inférieure ou égale à 6 mois et avec l’accord obligatoire du condamné.

Ce dernier devra exécuter un travail non rémunéré dans une collectivité publique ou un association dans un délai de 18 mois.

Il convient de préciser qu’en cas de non-respect des règles et obligations fixées dans le cadre de l’aménagement de la peine, le condamné exécutera sa peine en détention.

En plus de fixer les conditions d’aménagement d’une peine, le Juge d’Application des Peines veille au respect des obligations en partenariat avec le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation.

Juliette Daudé
Avocate à la Cour
Site : http://cabinet-avocat-daude.fr/

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Discussions en cours :

  • par Pinto , Le 25 mars 2018 à 13:42

    Bonjour
    depuis nouvembre dernière après avoir passé à la cour d apel pour un apel à l. Aménagement de ma peine de 5mois refusé
    j attend encore l exécution de ma peine
    ma question est :combien de temps il me faut attendre encore ?
    commme c’est une petite peine de 5 mois est-ce que ça va se prescrire ??ou alors avec la nouvelle loi je dois aller toujours en prison ??je suis perdu je ne sais pas quoi faire pourriez-vous m aider s’il vous plaît

  • pas toujours facile de trouver un employeur que veut bien embaucher une personne pour une peine aménager déjà trouver du travail à l’heure actuelle très difficile alors dans ce cas plutot dur cela reste mon avis

    • par ROUX Pascal , Le 27 décembre 2016 à 08:39

      Je suis un papa qui vie avec son enfant.
      j’ai du mal à lui donner à manger après le 15 de chaque mois.
      Quand je cherche du travail , je suis honnête avec l’employeur.
      et comme je vais devoir porter un bracelet électronique , personnes ne veux m’employer.
      Je suis conducteur d’engins de chantier , ce qui veut dire partir souvent en déplacement.
      du coup je suis obligé d’accepter de petite mission interim , et le r.s.a .
      je dois régulariser une peine dû à une erreur de ma part en 2012 , et aujourd’hui , presque 2017 , cette peine nuis à moi et mon fils ,afin d’avancer sereinement.
      j’ai toujours payé mes fautes , et j’aimerais que moi et mon fils , soyons tranquille très vite.

    • par Laura , Le 17 mars 2019 à 21:33

      Bonsoir voila mon frere et partie pour 2 mois prison car il n avais pas etait au rendez vous au tribunal le juge la condaner a 2mois ferme hier il ses fait arreter il devais passer devan le juge avec un avocat commis d office mes la juge la fait partir directe sans avoir attendu mon frere et lui donner un avocat si je paye un avocat il pourrai le libere ou pas car il et en cdi merci

  • par Sanmich , Le 15 mars 2017 à 14:06

    Dommage que cet article n’aborde pas les voies de recours et l’hypothèse selon laquelle lorsque le condamné effectue une peine qui n’a pas été aménagée comparait devant le JAP pour un aménagement d’une condamnation précédente. Exemple : suite au non respect de ses obligations ( SME), un mineur est incarcéré pour subir une peine de 15. Jours. Le JAP rend un refus d’aménagement de peine sur une condamnation antérieure d’un mois. La décision peut être frappée d’un appel. Hors, 2 jours après la notification au requérant, le parquet met à exécution la condamnation d’un mois. La décision peut toujours être frappée d’un appel qui ne profitera nullement au condamné. Cette pratique que l’on rencontre sur les personnes condamnées à de petite peine est contraire à l’article 6 de la CEDH, cet appel perdant toute efficacité. En somme, le parquet profite de l’exécution d’une peine postérieure pour mettre à exécution une peine antérieure pour laquelle un refus d’aménagement a été prononcé par le JAP, neutralisant de facto l’exercice de voies de recours efficaces.

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