I. Les conditions d’ouverture d’une procédure de sauvegarde.
La procédure est ouverte au locataire qui, sans être en cessation des paiements, rencontre et justifie de difficultés auxquelles il ne peut faire face.
Cette procédure de sauvegarde, toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, tout agriculteur, toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi que toute personne morale de droit privé, peut en bénéficier.
Bien entendu, et puisque la personne en sauvegarde n’est pas en état de cessation des paiements, elle n’est pas applicable à une personne déjà soumise à une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.
L’administration de l’entreprise est assurée par son dirigeant, ou, lorsque le tribunal, à un ou plusieurs administrateurs en cas de désignation [4]. Ce ou ces derniers sont chargés ensemble ou séparément de surveiller le locataire dans sa gestion ou de l’assister pour tous les actes de gestion ou pour certains d’entre eux.
Le débiteur continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d’administration, ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l’administrateur.
II. Les effets de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.
Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes.
Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d’ouverture, non mentionnée au I de l’article L. 622-17. Cela va lui permettre de restructurer sa dette plus sereinement et sous la protection du tribunal de commerce saisi.
III. Le sort du bail commercial en cas de procédure de sauvegarde.
A. La décision de poursuivre le bail commercial.
1. Le décisionnaire : l’administrateur ou le locataire.
Lors de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde du preneur à bail, la décision de poursuivre le bail relève de la compétence exclusive de l’administrateur judiciaire [5], quelle que soit l’étendue de la mission (surveillance, assistance, représentation) confiée par le tribunal saisi.
En l’absence de désignation d’un administrateur, le preneur peut sur sa propre initiative demander la poursuite du bail après en avoir obtenu un avis conforme du mandataire judiciaire. A défaut, il peut également le faire à la suite de l’autorisation du juge-commissaire [6].
2. Les raisons motivant la poursuite du contrat de bail commercial.
Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, il s’assure, au moment où il demande l’exécution du contrat, qu’il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant.
S’il s’agit d’un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l’administrateur y met fin s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.
3. La vente du matériel du fonds de commerce.
Quel que soit le sort du contrat, le locataire ou, le cas échéant, l’administrateur judiciaire a la possibilité de vendre, sur autorisation du juge-commissaire, des meubles garnissant les lieux loués qui pourraient se déprécier à plus ou moins long-terme, ou dont la conservation n’est pas justifiée.
4. Le paiement du loyer.
Dans le cas où le bail commercial est poursuivi, le loyer doit être réglé. Étant toutefois précisé que le paiement se fera conformément aux stipulations du bail.
B. La décision de résilier le bail commercial.
1. Résiliation à l’initiative de l’administrateur.
L’administrateur peut, sans motifs, décider de ne pas poursuivre le bail commercial pour l’activité de l’entreprise [7].
Il doit y procéder s’il ne dispose pas des fonds nécessaires pour remplir régler les termes à venir [8], sa responsabilité pouvant être engagée s’il a tardé à demander la résiliation du bail. Il faudra, pour ce faire, rechercher l’existence d’une faute.
La Cour de cassation a retenu que le bail peut être résilié même si le locataire peut régler les loyers ; le critère étant la sauvegarde de la société au sens large [9].
La résiliation du bail intervient au jour où le bailleur a connaissance de la décision de l’administrateur de ne pas poursuivre le bail. Cependant, la date de résiliation ne peut être différée.
Si l’administrateur décide de résilier le bail, l’inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts. Le bailleur devra les déclarer au passif [10].
2. Résiliation à l’initiative du bailleur.
a. Résiliation pour défaut de paiement.
Le bailleur dispose également de la faculté de résilier le bail commercial.
Cette faculté est encadrée. Ainsi, la loi limite les causes de résiliation à la demande du bailleur. En outre, elle paralyse partiellement l’activation de la clause résolutoire.
Dans le cas d’une résiliation acquise avant l’ouverture de la procédure de sauvegarde :
Le principe de la procédure de sauvegarde est de protéger le débiteur locataire contre les actions de créanciers, visant des causes antérieures à la procédure collective.
Le bailleur ne pourra donc se prévaloir d’une action visant à constater l’acquisition de la clause résolutoire, pour des causes antérieures, qu’à la condition que l’acquisition ait déjà été constatée par une décision de justice passée en force de chose jugée avant l’ouverture de la procédure collective.
En l’absence de résiliation acquise mais en présence d’une action en résiliation intentée avant l’ouverture de la procédure de sauvegarde :
Dans ce cas, celle-ci est interrompue mais peut être reprise à l’initiative du bailleur sous les conditions cumulatives suivantes.
Le bailleur doit avoir déclaré sa créance dans le cadre de la procédure de sauvegarde et il a remis au greffe du tribunal de commerce saisi de l’action en résiliation une copie de cette déclaration.
Le bailleur doit avoir mis en cause le mandataire judiciaire ainsi que, le cas échéant, l’administrateur lorsqu’il a pour mission d’assister le débiteur ou le commissaire à l’exécution du plan.
En l’absence de résiliation acquise mais en présence d’une action en résiliation intentée après l’ouverture de la procédure de sauvegarde :
Loyers exigibles antérieurement à la procédure de sauvegarde :
Comme cela a été dit ci-avant, le jugement ouvrant une procédure de sauvegarde interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers dont la créance est née avant ce jugement et tendant à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent [11].
Le bailleur ne peut donc intenter une action après l’ouverture de la procédure de sauvegarde, pour des loyers non-payés et exigibles antérieurement à la procédure.
Loyers exigibles postérieurement à la procédure de sauvegarde :
Si les loyers objets de l’action correspondent à une période de jouissance postérieure au jugement ouvrant la procédure collective, le bailleur peut intenter une action. Il ne pourra le faire qu’après l’expiration d’un délai de trois mois suivant le jugement [12].
L’administrateur dispose ainsi d’un délai de paiement pour les premiers loyers dus après l’ouverture de la procédure collective, sans faculté d’opposition de la part du bailleur. De la même façon, l’administrateur peut demander l’octroi de délai de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire tant que la résiliation du bail commercial n’a pas été constatée ou prononcée par un tribunal, de façon ferme et définitive.
b. Résiliation pour tout manquement autre qu’un défaut de paiement.
Manquement antérieur à l’ouverture de la procédure de sauvegarde :
Par une lecture a contrario, l’article L. 622-21 du code de commerce ne dispose pas que le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers fondée sur une cause antérieure à la procédure collective autre que le non-paiement d’une somme d’argent.
Manquement postérieur à l’ouverture de la procédure de sauvegarde :
En outre, il n’est pas interdit au propriétaire d’invoquer des inexécutions (autres qu’un défaut de règlement de loyer ou de charges) postérieures au jugement d’ouverture pour obtenir la résiliation du bail commercial. Il est à noter que si cette demande se fait sur la seule base d’un manquement autre qu’un défaut de règlement, elle n’est pas assujettie au délai de trois mois de l’article L. 622-14, 2°, du code de commerce.
Manquement afférent au défaut d’exploitation du fonds de commerce :
Pendant la période d’observation, le défaut d’exploitation du fonds ne peut entraîner la résiliation du bail [13]. Cette disposition ne trouve pas à s’appliquer au défaut d’exploitation se prolongeant postérieurement à l’adoption d’un plan de sauvegarde.
C. La décision de céder le bail commercial.
Toutes les cessions intervenant dans le cadre d’un plan de cession sont soumises à un régime similaire.
Ce régime prévoit que les droits de préemption ruraux et urbains ne s’appliquent pas sur le bail compris dans le plan de cession totale ou partielle de l’entreprise [14].
En outre, et pour faciliter la cession, le non-paiement des loyers et autres sommes dues au titre du bail par le cessionnaire, ne permet pas au bailleur de faire jouer la clause de garantie solidaire. Une telle clause est réputée non-écrite.
Enfin, le tribunal compétent, autorisant la cession du bail peut, après consultation du bailleur, autoriser le cessionnaire à adjoindre à l’activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires [15].