Nous l’avons vu précédemment, le bon moment pour protéger une invention [1] peut se définir comme le moment où ses éléments techniques principaux sont à peu près figés, c’est-à-dire où seuls des détails pourraient varier.
Hélas, la situation de l’inventeur ou du créateur d’entreprise n’est pas toujours aussi simple et il est parfois nécessaire de divulguer à des tiers ses idées ou ses inventions en cours de développement, afin de recueillir des informations cruciales : faisabilité technique, coûts, appétence du marché, ou simplement pour remettre en cause les choix réalisés et avancer en maturité technique.
Une telle divulgation ne peut pas toujours être réalisée sous la protection d’un contrat de confidentialité et pourrait alors empêcher la délivrance d’un brevet.
Une solution à ce problème peut être apportée par le droit de priorité
Les avantages du droit de priorité.
Un bref rappel tout d’abord : le droit de priorité a été institué par la Convention de Paris de 1883 comme le droit, pour toute personne ayant protégé une invention par une demande de brevet dans un pays membre, de protéger cette même invention par une autre demande de brevet dans un autre pays membre, en conservant la date de dépôt de la première demande.
Aujourd’hui, la quasi-totalité des pays du monde sont signataires de cette convention.
En d’autres termes, si une invention est protégée par une demande de brevet française le 1er juin 2022, elle peut encore être protégée par des demandes de brevets dans d’autres pays comme aux États-Unis, en Suisse ou en Chine, jusqu’au 1er juin 2023, tout en bénéficiant d’une date fictive de dépôt du 1er juin 2022 pour l’examen de la brevetabilité de l’invention.
Lors de la procédure de délivrance de ces demandes de brevet, les examinateurs des offices de brevet conduisent des recherches d’antériorité visant à identifier tout document ou divulgation s’opposant à la délivrance d’un brevet.
Grâce au droit de priorité, ces recherches ne peuvent pas prendre en compte les documents et divulgations postérieurs à cette date fictive de dépôt, dite « date de priorité », c’est-à-dire postérieurs au 1er juin 2022, dans l’exemple ci-dessus.
Le droit de priorité offre donc un délai de 12 mois immunisant une demande de brevet contre les documents publiés dans ce délai, mais aussi contre les divulgations réalisées par l’inventeur ou le créateur d’entreprise postérieurement au dépôt de la demande initiale.
Dans l’exemple ci-dessus, tout ce qui aura été divulgué, par l’inventeur ou par un tiers après le 1er juin 2022 ne sera pas opposable à la brevetabilité des demandes de brevets, par exemple déposées aux États-Unis, en Suisse et en Chine, si ces demandes de brevets sont déposées moins d’un an après la demande initiale.
Un tel droit est donc bien utile aux inventeurs et aux créateurs d’entreprise pour développer l’invention, le business model et rechercher des financements dans un délai de 12 mois à compter du dépôt d’une première demande de brevet, sans crainte d’une divulgation préjudiciable à la protection par brevet dans les autres pays.
Les conditions du droit de priorité.
Une première condition du droit de priorité est bien sûr la limite temporelle de 12 mois.
De plus, le droit de priorité appartient au premier déposant, bien qu’une cession du droit de priorité soit possible.
Enfin, le droit de priorité s’applique uniquement pour la même invention que celle divulguée dans la demande de brevet initiale : une invention ayant fait l’objet de changements substantiels pourrait ne pas bénéficier du droit de priorité. Dans ce cas, une divulgation ayant eu lieu dans le délai de priorité pourrait conduire au rejet des demandes de brevet postérieures, malgré la revendication du droit de priorité.
Ce dernier point peut donc être critique en cas de divulgation par l’inventeur ou le créateur d’entreprise dans les mois qui suivent le dépôt de la demande initiale, dans le cas de plusieurs inventeurs concurrents travaillant dans le même domaine, ou encore dans le cas d’une mise en concurrence de plusieurs projets au sein d’une même entreprise.
Fort heureusement, le droit de priorité permet aussi de revendiquer des priorités multiples [2]. Ainsi, une demande de brevet pourra être déposée à chaque étape importante du développement de l’invention ou bien pour couvrir différentes solutions alternatives, avant de connaitre la solution finale retenue.
Avant la fin du délai de 12 mois à compter de la première de ces demandes de brevet, une ou plusieurs demandes de brevet postérieures revendiquant la priorité de ces demandes multiples antérieures pourront être déposées, de manière à revendiquer la ou les inventions les plus pertinentes pour l’inventeur ou le créateur d’entreprise.
Dans le cas de priorités multiples, chaque objet revendiqué dans une demande postérieure aura pour date de priorité la date de dépôt de la première demande antérieure le divulguant.
Conclusion.
Le droit des brevets permet donc un large éventail de stratégies pouvant s’adapter à de nombreuses situations et peut être utilisé pour accompagner efficacement les inventeurs et les créateurs d’entreprises dans leurs projets.
D’autre part, sachez qu’il existe trois subventions possibles à destination des TPE, PME, ETI françaises et/ou européennes pour financer partiellement votre projet d’innovation :
- SME fund : Remboursement partiel des taxes officielles pour les dépôts de brevets, marques ou dessins et modèles.
- Bpifrance : Bénéficiez d’une prestation d’analyse et de conseil, réalisée par un de nos experts en protection, structuration et valorisation de la PI, financée par Bpifrance à hauteur de 80%.
- PASS PI : Financement partie des dépôts de brevet, recherches d’antériorités, études de brevetabilité, dépôts de brevet à l’étranger.