Un sujet proposé par la Rédaction du Village de la Justice

Chutes de neige : 10 points de droit à connaître.

Par Julien Damay, Avocat.

740 lectures 1re Parution: 4.97  /5

Explorer : # responsabilité civile # neige et sécurité # obligations légales # accidents de la route

En cette période de vacances d’hiver, les flocons se font plutôt rares.
Mais lorsqu’elle tombe en quantité et que l’on ne distingue plus les trottoirs des chaussées, la neige n’est pas sans poser des questions de droit. Voici sous forme d’exemples concrets, une présentation de certaines problématiques juridiques posées par la neige.

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1. Qui est responsable des accidents sur un trottoir enneigé ?

Selon l’article L2212-2 du Code général des collectivités territoriales, la commune est responsable de la salubrité et de la sécurité des voies publiques.

Elle peut être tenue responsable d’une chute sur un trottoir mal entretenu, sauf si elle prouve qu’elle a pris des mesures raisonnables.

La victime devra démontrer :

  • L’existence d’un défaut d’entretien : absence de déneigement ou de salage et absence de mise en place d’une signalisation du danger pour les usagers.
  • Le lien de causalité entre ce défaut et la chute : il faut démontrer que l’accident est directement lié à la négligence de la commune.
  • Son comportement normal : si la victime a adopté un comportement imprudent (courir sur une plaque de verglas visible, porter des chaussures inadaptées…), la commune pourra invoquer un partage voire une absence de responsabilité.
  • Enfin, la commune pourrait s’exonérer si les conditions climatiques sont exceptionnelles et imprévisibles et rendent impossibles l’intervention des équipes municipales ou si elle démontre qu’elle a pris des mesures suffisantes pour limiter les risques (plan de déneigement, salage préventif, affichage d’avertissements aux usagers).

Par ailleurs, dans de nombreuses communes, des arrêtés municipaux imposent aux riverains, c’est-à-dire aux personnes présentes dans le bâtiment, qu’il s’agisse des propriétaires ou des locataires, de déneiger le trottoir devant leur habitation, pour assurer la sécurité des piétons, comme à Strasbourg par exemple. Pour un immeuble en copropriété à plusieurs étages, l’obligation de déneigement et de déverglaçage incombe au syndic de la copropriété.

Elle crée ainsi une obligation de sécurité qui pèse sur le propriétaire/locataire. Dans ce cas, la victime qui s’est blessée juste devant une habitation pourrait tout à fait engager la responsabilité pour faute de l’article 1240 du Code civil.

2. Quelle responsabilité si la neige tombe du toit d’un immeuble privé sur un passant ou une voiture ?

L’article 1242 du Code civil prévoit qu’un propriétaire est responsable des choses qu’il a sous sa garde. Il est donc tenu d’entretenir son bien et d’éviter tout danger pour autrui. Si un bloc de neige dure ou glacée chute et blesse quelqu’un, le propriétaire et son assureur devront l’indemniser.

Pour limiter les risques, dans les communes de montagne, des arrêtés municipaux imposent la pose de crochets anti-neige ou "crochons" sur les toits. Heureusement ces accidents en France sont rares (quelques blessés par an).

3. Un employeur doit-il déneiger le parking de son entreprise ?

Oui, sur le fondement de son obligation de sécurité et de prévention des risques au temps et au lieu de travail : l’employeur doit assurer la sécurité de ses salariés, y compris sur le parking [1].
En cas d’accident, celui-ci sera assurément qualifié d’accident du travail et en cas d’absence de déneigement manifeste, son salarié pourrait demander la reconnaissance d’une faute inexcusable pour l’avoir exposé à un danger dont il aurait dû avoir conscience, sans prendre des mesures adaptées.

4. Une collectivité peut-elle être tenue responsable d’un accident dû à un mauvais déneigement ?

Il faut distinguer selon la voie concernée :

  • Pour les autoroutes, ce sont les concessionnaires - sociétés privées comme Vinci Autoroutes, ASF ou Sanef, qui perçoivent les péages pour financer l’entretien du réseau, y compris la mise en place d’opérations de prévention, de salage et de déneigement proactives.
  • Les routes nationales sont gérées par l’État, plus précisément par les Directions Interdépartementales des Routes (DIR) sous l’autorité du Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. L’Etat doit donc assurer la sécurité des usagers en maintenant les routes dégagées et praticables, déployer des moyens humains et matériels (chasse-neige, salage, panneaux d’information, etc.) et informer les usagers des restrictions de circulation en cas de neige exceptionnelle.
  • Pour les départementales, ce sont les conseils départementaux qui doivent déneiger les axes les plus empruntés en priorisant les routes en fonction de leur importance stratégique (accès aux hôpitaux, écoles, zones industrielles, etc.).

La responsabilité du gestionnaire de l’ouvrage ne pourra être engagée qu’en cas de négligence manifeste dans le déneigement en lien direct avec l’accident.

5. Quels recours en cas de dégâts causés par un chasse-neige ?

Des projections de neige ou glace peuvent endommager un bien, causer un accident de la route ou même blesser un passant.
Un chasse-neige est un véhicule terrestre à moteur soumis à une obligation d’assurance responsabilité civile.
Il suffit donc de démontrer que le chasse-neige est intervenu de quelque manière que ce soit dans l’accident car ce véhicule est impliqué dès lors qu’il a joué un rôle quelconque dans la réalisation de cet accident, peu importe l’absence de contact. Mais cette preuve repose sur la victime.
En complément, les propriétaires des engins sont couverts par une assurance responsabilité civile exploitation (RCE) qui couvre les dommages causés par l’activité de déneigement elle-même, sans implication directe du véhicule comme les projections de neige, de glace ou d’équipements. C’est cette assurance qui prendrait en charge les réparations d’un impact d’une plaque de glace sur un commerce par exemple.

6. Où déposer la neige déblayée ?

Pour les particuliers, il n’y a pas en France d’endroit déterminé… Il faut surtout s’abstenir de bloquer la voie publique.
L’article R644-2 du Code pénal sanctionne le fait d’embarrasser la voie publique en y déposant ou y laissant sans nécessité des matériaux ou objets quelconques qui entravent ou diminuent la liberté ou la sûreté de passage y compris les ordures ou les déchets. C’est une contravention et une amende de la 4ᵉ classe.
Il est également prohibé de jeter la neige sur la propriété de voisin ou de la déverser dans les cours d’eau, car elle a souvent accumulé du sel et des produits chimiques nuisibles.
Dans certaines régions, les collectivités disposent parfois de sites de dépôt de neige. Il s’agit de zones dégagées où la neige peut être stockée en attendant la fonte naturelle, souvent situés en périphérie urbaine ou près de zones industrielles pour limiter les nuisances comme à Chamonix, où des terrains spécifiques sont dédiés à l’accumulation de neige.
Enfin, certaines villes très concernées les chutes de neige, comme Montréal ont mis en place des dispositifs plus innovants comme les stations de fonte de neige : l’eau chaude issue des réseaux de chauffage urbain ou des eaux usées permet de faire fondre la neige régulièrement et d’éviter des accumulations. L’eau récupérée peut ensuite être utilisée pour l’arrosage des espaces verts.

7. Les véhicules empêchant le déneigement peuvent-ils être sanctionnés ?

Naturellement, les conducteurs risquent des amendes pour stationnement gênant ou stationnement dangereux et une mise en fourrière en cas d’entrave au déneigement.

8. Un employé peut-il refuser de venir travailler en cas de neige ?

Non, mais il a la possibilité de demander à télétravailler si son emploi est compatible. Les retards dus aux perturbations des transports sont généralement tolérés.
Pour certains métiers d’extérieur la question de la sécurité de salariés se pose. Dans le bâtiment par exemple, le régime de chômage intempéries permet aux entreprises de partager les risques et d’assurer une indemnisation aux salariés du BTP temporairement privés d’emploi en raison des conditions atmosphériques.
Il n’existe pas de températures précises pour le déclenchement ce dispositif qui est déclaratif mais il faut prendre en compte la température ressentie en fonction du vent et de l’humidité, les dangers spécifiques du chantier et l’impossibilité de fournir des équipements et protection (abri, vêtements, chauffage) suffisantes pour garantir la sécurité des travailleurs.

9. Quelles sont les obligations des communes de montagne en matière d’avalanches ?

Ces obligations trouvent leur fondement dans le Code de l’environnement, le Code général des collectivités territoriales (CGCT) et la jurisprudence administrative.
Les communes doivent anticiper et prévenir les risques naturels, notamment les avalanches, conformément au Plan de Prévention des Risques Naturels (PPRN) qui permet à l’État d’imposer aux communes la création de zones réglementées en fonction du niveau de risque (zones rouges, bleues, blanches).
La commune doit interdire la construction dans les zones à risque élevé, sauf avec des aménagements spécifiques de protection.
Parallèlement, les Plans Communaux de Sauvegarde (PCS) prévoit les procédures d’alerte, d’évacuation et de secours en cas de catastrophe.
Pour les stations de sports d’hiver les obligations de signalisation du danger sont très exigeantes : Déclenchement préventif d’avalanches par des tirs d’artillerie ou des explosifs, surveillance des conditions météo et fermeture des pistes à risque, information claire des skieurs sur les dangers (bulletins d’avalanches, balisages, annonces sonores).
Ainsi, en 2016, la commune des Deux Alpes (Isère) a été poursuivie après qu’une avalanche a causé la mort de plusieurs personnes dans une zone pourtant interdite d’accès. Les débats ont porté sur la signalisation insuffisante et mal positionnée et le contrôle laxiste des zones à risque par les autorités locales.

10. Les passagers bloqués dans des aéroports enneigés peuvent-ils prétendre à être indemnisés ?

La neige et surtout le givre sont les ennemis des avions dont ils diminuent fortement la portance et augmentent la résistance à l’air.
Cela peut justifier l’interruption des vols et chaque hiver, des passagers se retrouvent contraints d’attendre beaucoup de temps avant de décoller.
Le règlement européen 261/2004 prévoit des droits à indemnisation pour les passagers en cas de retard de vol de plus de 3 heures ou d’annulation sans préavis de 14 jours.
Mais la jurisprudence appliquant ce règlement reconnait aux compagnies aériennes la possibilité de s’exonérer si le retard ou l’annulation est dû à des circonstances extraordinaires. La neige et le verglas important entrent généralement dans cette catégorie.
Dans tous les cas, les passagers bloqués ont droit à l’assistance de l’aéroport et des compagnies incluant repas, hébergement, communication gratuite, même en cas de circonstances exceptionnelles.

Julien Damay, avocat au barreau de Dijon
Droit du travail
https://www.damay-avocats.fr/

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Notes de l'article:

[1Article L4121-1 du Code du travail.

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