L'action de groupe : un dispositif juridique tant attendu qui réduit le rôle des avocats.

L’action de groupe : un dispositif juridique tant attendu qui réduit le rôle des avocats.

Réginald Le Plénier
Rédaction du Village de la Justice

52677 lectures 1re Parution: Modifié: 14 commentaires 4.94  /5

Explorer : # action de groupe # consommation # associations de consommateurs # profession d'avocat

Après avoir été maintes fois promises, les actions de groupe, plus connues sous l’appellation américaine « Class Action » vont enfin pouvoir être lancées. Le décret d’application, concluant le processus législatif du dispositif, est paru le 26 septembre 2014 et est entré en vigueur le 1er octobre 2014. Le texte est toutefois loin de réjouir les acteurs concernés dans la mesure où seuls les associations de consommateurs semblent en retirer des avantages.

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L’action de groupe : de quoi s’agit-il ?

Le 2 mai 2013, l’action de groupe a fait ses premiers pas en droit français lors de la présentation du projet de loi de Benoit Hamon, Ministre de l’Economie sociale et solidaire et de la Consommation en conseil des ministres. Cette nouvelle procédure, mesure phare du texte, permettra à des consommateurs s’estimant victimes d’une même fraude de la part d’une entreprise de se regrouper pour obtenir réparation de leur éventuel préjudice. Un grand nombre de plaintes individuelles seraient ainsi fusionnées en une seule.

Pour cela, ils se tourneront vers des associations de consommateurs agréées nationales qui joueront un rôle de filtre, afin d’éviter des actions abusives et agiront en justice pour obtenir la réparation au nom des clients.

Cette mesure s’appliquera exclusivement aux « litiges du quotidien » c’est à dire ceux qui portent atteinte au droit de la consommation et au droit de la concurrence et engendrant un préjudice matériel. Il s’agit donc des litiges dont le montant est trop faible pour qu’une action individuelle soit entreprise devant la justice (domaine de la téléphonie mobile, de l’assurance, etc.). Les domaines de la santé et de l’environnement sont exclus du champ d’application du projet de loi. Les victimes de prothèses PIP ou du Mediator ne peuvent donc pas se regrouper pour faire une action de groupe tout comme il n’aurait pas été possible d’en faire une suite au naufrage de l’Erika. Benoit Hamon justifie ce choix en déclarant que cette procédure « est, par nature, moins adaptée à la réparation de préjudices corporels ou moraux, qui nécessitent des expertises individuelles ». Toutefois, l’idée d’étendre le champ d’application à ces préjudices n’est pas écartée définitivement puisque le ministre de l’Economie a précisé que « nous avons préféré procéder ainsi : d’abord une action en matière de consommation et concurrence, puis une évaluation du dispositif. Nous verrons alors s’il est possible de l’étendre à d’autres domaines ».

Outre le principe du dispositif, les députés de la Commission ont adopté un amendement en faveur d’une action de groupe dite « accélérée ». Les contentieux les plus simples sont visés c’est à dire ceux dont l’identité des consommateurs lésés peut être facilement connue. Ils se verront proposer une indemnisation sans qu’ils aient à entamer la moindre démarche.
Un autre amendement voté en Commission donne la capacité au juge d’ordonner l’exécution provisoire de la décision malgré les recours possibles du professionnel.

Pourquoi les avocats ne pourraient pas agir au nom des consommateurs ?

Ce texte octroie une place considérable aux associations des consommateurs au détriment de l’avocat. En effet, seules dix-sept associations de consommateurs ont la capacité exclusive d’organiser la procédure. Les avocats n’auront donc pas la faculté de coordonner une action de groupe mais uniquement celle de plaider pour ces associations. Les défenseurs du justiciable trouvent cela aberrant dans la mesure où le texte, en l’état, ne prévoit pas un nombre minimum de personnes nécessaire pour la constitution d’un groupe. Ainsi, une réunion de consommateurs pourrait être constituée que d’une seule personne ou encore une association aurait la compétence d’agir en justice sans réunir aucun plaignant.

L’exclusion de l’avocat dans la constitution de l’action de groupe est principalement due aux dérives que l’on peut constater aux États-Unis où les avocats récupèrent un gros pourcentage du montant alloué par les juges pour réparer le préjudice des consommateurs. Maître Kami Haeri, membre du conseil de l’ordre des avocats du Barreau de Paris, indique qu’ « une telle dérive a très peu de chances de se produire en France, tout simplement parce que le pacte de quota litis total, attribuant pour seule rémunération aux avocats un pourcentage du montant des indemnités, n’existe pas en France. ». De plus, aux États-Unis, les entreprises transigent énormément pour éviter une condamnation. Les avocats qui réunissent les victimes potentielles seraient plus intéressés par ce résultat qui leur permet d’accroitre leur gain en négociant entre eux une somme qui leur servira d’honoraires.

La procédure « Class Action » à la française présente de nombreuses failles selon les professionnels du droit. Au contraire du texte américain qui identifie, au jour du jugement, le nombre exact de consommateurs, la version française permet au consommateur de se manifester après que le juge ait rendu sa décision et ait fixé le montant de l’indemnisation. L’entreprise est donc dans l’incapacité de connaître en amont les coûts résultant d’une action et donc de faire face à cette conséquence financière.

Il est à noter que le décret d’application de la loi est venu préciser que l’avocat, mandaté par l’association, peut, avec l’autorisation du juge, procéder à la réception des demandes d’indemnisation des membres du groupe.

La mobilisation des professionnels du droit contre ce monopole.

La mise en place d’un monopole en faveur des associations de consommateurs a été très mal accueillie par les avocats.

En voulant exclure les avocats dans la mise en place de cette mesure, le gouvernement a ravivé la flamme brulant entre l’exécutive et les professionnels du droit. Ceux-ci y voient une nouvelle marque de « défiance » à leur égard. Christian Charrière-Bournazel, ancien président du Conseil national des barreaux, avait dénoncé en 2013 « la suspicion que cette loi manifeste, une fois de plus, à l’égard de la profession d’avocat. ». Il jugeait inacceptable « cette démarche, qui revient à faire juge de l’opportunité d’une action une association et non pas le professionnel qu’est l’avocat, heurte de front l’honneur même de la profession. ».

Christianne Féral-Schuhl, bâtonnier de Paris en 2013, regrette qu’ « à travers la négation de notre déontologie, c’est notre profession et notre serment qui sont dénigrés. », « négation » que les avocats ressentent depuis les conséquences des aveux de Jerôme Cahuzac.

Pierre-Yves Gautier, professeur de droit à l’Université Panthéon-Assas a estimé ce système «  contradictoire » avec le désir du gouvernement de supprimer l’interdiction aux avocats de pratiquer du démarchage.

NDLR : D’autres articles sur ce sujet sont à lire ici sur le Village de la justice.

Réginald Le Plénier
Rédaction du Village de la Justice

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 12 février 2018 à 17:42
    par NosActionsDeGroupe , Le 10 novembre 2014 à 10:47

    Bonjour,

    Dans le but de rendre vraiment efficace cette loi, je viens de créer un forum permettant aux Français de proposer des actions de groupe, les rejoindre ou consulter la liste des actions de groupe en cours. C’est un forum totalement ouvert et gratuit, je me permet de mettre le lien ici car ca peut servir :)

    http://www.nosactionsdegroupe.fr/

    • le 15 novembre 2015, Cortal Consors, filiale du groupe BNP PARIBAS cessait définitivement son activité. Cette cessation d’activité a été effectuée en dehors de tout respect des obligations légales et contractuelles de la banque.
      La forme n’a pas été respectée puisque comme client de Cortal Consors, je n’ai reçu auncune LR. AR m’informant de cette cessation d’activité et des modalités l’entourant.
      Les obligations contractuelles n’ont pas été respectées puisque six jours après la date de clôture, je ne sais toujours pas où sont hébergés mes comptes Cortal et que je suis donc dans l’impossibilité d’effectuer un quelconque arbitrage sur mon contrat d’assurance Vie qui était tenu par Cortal. J’estime qu’il y a ici préjudice puisque je devais pouvoir contractuellement effectuer un arbitrage à tout moment et selon mon bon vouloir.
      Ceci justifie une action contre le groupe BNP PARIBAS que je peux mener seul mais que je préfèrerais mener dans le cadre d’une action de groupe car je ne suis surement pas le seul ex client Cortal Consors à être dans ce cas là..
      Merci de m’informer si d’autres ex clients Cortal Consors se plaignent et s’il est possible de mener une action de groupe rapidement.
      cdlt

    • par Andy LE SAUCE , Le 26 avril 2016 à 17:11

      Bonjour , les class actions concernent-elles un ( grand) groupe de personnes arnaquées depuis près de 8 ans par une société dont l’activité est celle des agences de publicité ?( publi-reportages ds des revues pratiquement introuvables en kiosque , après avoir déboursé de 1000 à 14000 euros , le record pour être ds 3 revues !!) !!
      Merci à qui voudra bien s’y intéresser . Cela fait 3 ans que je bataille . 2 procès gagnés à titre individuel , 120 pièces de dossier , 2 avocats à Paris ...C’est en cours mais la lenteur de la justice fait que je cherche toutes les voies navigables ...en eaux troubles .

    • par André , Le 22 mai 2017 à 08:38

      Impossible Andy le sauce vous perdez votre temps et votre argent si sur les non de commande il n’est pas indiqué les tirages
      donc Ç mort

    • par LE SAUCE ANDY , Le 12 février 2018 à 17:42

      André ( qui s’appelle en réalité Didier ) : Pas besoin d’écrit sur le bon de commande . Nous avons autre chose . Vivement un grand procès ...à l’heure où on parle d’envoyer un ancien ministre en prison pour bien moins que ça !!Notre action n’est pas une class action mais une plainte collective auprès du TGI de Créteil . Patience , patience

  • L’ Institut National de la Consommation (INC) fait le bilan des actions de groupe menées depuis 2014 dans le domaine de la consommation.
    Au 20 décembre 2016, neuf actions ont été introduites dont trois dans le domaine de l’immobilier locatif (UFC-Que Choisir contre Foncia, SLC-CSF contre Paris Habitat-OPH, CNL contre Immobilière 3F), trois dans le domaine financier (CLCV contre Axa-Agipi, UFC-Que Choisir contre BNP Paribas, CLCV contre BNP Paribas Personal Finance (BNP PPF), une dans le domaine des communications électroniques (Familles Rurales contre SFR), une dans le domaine de l’exploitation de camping (Familles Rurales contre Manoir de Ker an Poul) et une dans le domaine économique (CLCV contre BMW Motorrad France).

    Lire l’intégralité du bilan au lien suivant : http://www.conso.net/content/laction-de-groupe-consommation-9-actions-introduites-en-deux-ans

    Rédaction du Village de la Justice.

  • par Marie , Le 16 novembre 2015 à 11:24

    Le site du ministère de l’Economie et des Finances expose de façon claire et simple le fonctionnement de l’action de groupe par le biais d’un article et d’un schéma.
    Voir lien suivant : http://www.economie.gouv.fr/action-groupe-procedure-indemnisation-dossiers

  • par Michel MIDAN , Le 23 février 2015 à 08:44

    "après que" doit être suivi non pas d’un subjonctif mais d’un indicatif.

  • par thierry ponsot , Le 28 octobre 2014 à 11:09

    je trouve très juste que seules les associations de consommateurs aient finalement le pouvoir de conduire ce type d’actions,parce que l’association n’est pas à but lucratif, et agis suivant le but qui est fixé à son statut et dans ce seul intérêt.
    ce ne sont pas des intérêts d’argent qui doivent guider ces actions,mais les intérêts des consommateurs face, notamment, aux pouvoirs considérables des quasi monopole qui sont partout (fournisseurs de téléphonie, fournisseurs Electricité ,d’eau etc
    d’autre part seuls les avocats vraiment compétents en matière de droit à la consommation seront sélectionnés par les associations, cela éliminera d’emblée tous les avocats incompétents qui ne cherchent qu’à soutirer de l’argent à leurs clients

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