La clause de médiation.
En présence d’un conflit, d’une situation de mal être, ou tout autre difficulté rencontrée par le salarié à l’encontre de son employeur ou d’un collègue, la clause de médiation permet d’imposer un espace de dialogue et d’alerte. Elle permet également d’essayer de trouver une solution co-construite au conflit.
Et même si aucun accord n’est trouvé, cela permet d’ouvrir un espace de compréhension, d’écoute et de dialogue, principes largement obligatoires en entreprise.
Cette clause doit être rédigée avec précision car elle ne doit pas faire obstacle au pouvoir disciplinaire de l’employeur. Les conflits en entreprises sont nombreux et la loi prévoit que l’employeur puisse y faire face au besoin par son pouvoir de direction et disciplinaire. La médiation préalable se situe donc nécessairement en dehors de ce champ… [1].
Validité et effet relatif de la clause de médiation.
La Cour de Cassation reconnait la validité de ces clauses de médiation du contrat de travail, mais en y apportant quelques limites.
Par une décision du 14 juin 2022, avis nº 15006 P-B, la Cour de Cassation rappelle un principe qu’elle avait déjà pu poser précédemment : le juge prud’homal peut toujours être saisi directement, même en présence d’une clause de médiation préalable dans le contrat de travail.
Contrairement au droit commun des contrats, en droit du travail la clause de médiation n’est pas une fin de non-recevoir et n’empêche pas de saisir le juge. Elle va donc avoir un aspect incitatif vers la médiation, mais sans créer de contrainte juridique.
La « clause du contrat de travail qui institue une procédure de conciliation préalable en cas de litige survenant à l’occasion de ce contrat n’empêche pas les parties de saisir directement le juge prud’homal de leur différend » [2].
Selon l’argumentation de la Cour de Cassation, c’est l’existence en matière prud’homale d’une procédure de conciliation préalable et obligatoire, qui autoriserait les parties à saisir directement le juge prud’homal.
Confusion entre médiation et conciliation.
Dans cet arrêt, la Cour de Cassation retient une définition large, voire confuse, de la médiation. Par principe, la médiation est un processus structuré, avec un médiateur spécifiquement formé, ce qui n’est pas toujours le cas du conciliateur ou du juge. La conciliation est en réalité un objectif, alors que la médiation est un processus afin de l’atteindre. Les juges peuvent très légitimement privilégié l’objectif de conciliation, mais le processus afin d’atteindre cet objectif est largement négligé par manque de temps et de formation. L’objectif de la médiation est d’ailleurs plus large que la seule conciliation judiciaire. Le but n’est pas seulement de mettre fin au procès mais c’est de trouver une solution globale au conflit qui oppose les parties et qui prend racine bien souvent dans leur difficultés relationnelles, leurs histoires personnelles, leurs ressentis etc.
Considérer que la conciliation prud’homale peut faire office de médiation est possible, mais c’est loin d’être toujours le cas. La conciliation devant le juge est plus rigide et formelle et très rapide (1 heure grand maximum). Comment peut-on en si peu de temps s’exprimer, se sentir entendu et écouter, puis faire des propositions et des concessions, pour enfin formaliser un accord. La temporalité et la formation des juges ne permet pas encore une vraie confusion entre médiation et conciliation judiciaire. Aujourd’hui, seule la médiation permet une vraie préparation et une négociation, en amont ou en aval, efficace et confortable. Il n’est d’ailleurs pas rare que la médiation puisse avoir lieu en même temps que la procédure prud’homale.
Rappelons également que le Code de procédure civile, donne à tout juge, le rôle premier et à tout instant, de concilier les parties, même si une procédure préalable de conciliation n’est pas formalisée devant d’autres juridictions (art 21 CPC). Cette démarche de conciliation, qui est souvent oubliée, n’est pas une spécificité prud’homale. Les conciliateurs de justice interviennent à ce titre par délégation du rôle du juge lui-même (art 128 CPC et suivants).
Enfin, la motivation de la Cour pose également une interrogation car il y a certaines situations où la conciliation prud’homale n’existe plus en raison de spécificités de procédures et d’accès direct (prise d’acte, requalification de CDD, référés, avis d’inaptitude….)
Difficile arbitrage entre subsidiarité du procès et liberté d’accès au juge.
La liberté des parties de pouvoir saisir le juge est fondamentale, mais le principe de « subsidiarité » du procès et l’obligation générale de loyauté sont des principes tout aussi fondamentaux.
Il y a encore trop de contentieux où chacun découvre les demandes de la partie adverse lors de la saisine, lors de la conciliation et très souvent lors de la mise en état du dossier…
La phase de négociation et de rapprochement préalable avec la partie adverse, ne fait l’objet d’aucune procédure légale et d’aucun apprentissage. Elle n’a cependant rien de simple, ni de naturelle ! Le recours au juge est un réflexe rapide des parties et de leurs juristes et avocats, car ils ne sont pas toujours à l’aise dans une posture de négociation et de médiation. Ils sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à se former à cette posture très complémentaire et utile dans leur quotidien. Le rôle fondamental des juristes et des avocats doit alors être souligné et il ne faut pas hésiter à les solliciter également sur leurs talents de médiateurs.
La plupart des dossiers transmis aux juges ne pose pas de question juridique complexe. Le conflit humain est toujours présent mais la question juridique à laquelle le juge doit uniquement répondre est souvent l’habillage d’un désaccord personnel. Sans question juridique pas possible de saisir le juge, alors il est toujours facile d’en trouver une. La procédure judiciaire à au moins le mérité de se saisir du problème et de permettre aux partie d’avancer dans la résolution de leur conflit.
Pour conclure.
Par ces temps d’encombrement judiciaire, le message de la Cour ne doit pas être mal interprété. Un minimum de dialogue et d’écoute préalable sont toujours des prérequis bénéfiques et impératifs à toute saisine d’un juge.
Lors d’un conflit il faut reconnaitre qu’il n’y a pas encore de réflexe « médiateur » et la clause de médiation reste un outil précieux afin de mieux faire connaitre cette option.