Comment caracteriser un abus de faiblesse ?

Par Juliette Daudé, Avocat.

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Explorer : # abus de faiblesse # vulnérabilité # préjudice # intention

Depuis l’affaire Bettencourt, un problème de société ne cesse d’être médiatisé : l’abus de faiblesse.
Si c’est en premier lieu aux personnes âgées auxquelles on pense en tant que victimes d’abus de faiblesse, il peut s’agir également de personnes très jeunes souffrant d’une déficience psychique qui les rend particulièrement vulnérables.

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L’abus de faiblesse se définit légalement comme le fait de profiter de la particulière vulnérabilité d’une personne afin de la conduire à faire des actes ou s’abstenir de faire des actes, ayant des conséquences particulièrement préjudiciables pour cette même personne.

L’abus de faiblesse est un délit réprimé par l’article 223-15-2 du Code pénal et puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.

Les dispositions du Code pénal visent trois catégories de personnes pouvant être touchées :
- les mineurs,
- les personnes d’une particulière vulnérabilité (due à l’âge, la maladie, une infirmité,…)
- les personnes en état de sujétion psychologique et physique.

Il est aussi important de noter qu’en matière civile, l’abus de faiblesse est considéré comme un vice du consentement permettant de faire annuler un contrat.

Même s’il semble facile de reconnaître une personne qui a subi un abus de faiblesse, que faut-il démontrer au Juge pour pouvoir obtenir une indemnisation en tant que victime d’un abus de faiblesse ?

Les caractéristiques légales d’un abus de faiblesse

1. un élément matériel, apprécié de manière très concrète par les juges.
Ainsi, la victime de l’abus de faiblesse doit démontrer sa vulnérabilité dont une autre personne aurait profité (à l’aide de témoignages, d’un jugement attestant que la personne a été placée sous tutelle ou curatelle, ou d’un rapport d’expertise médicale).
ATTENTION : Le seul âge avancé n’est pas une preuve de la vulnérabilité de la personne. Il vaut mieux qu’il y ait d’autres éléments plus probants, qui prouvent l’état de faiblesse mentale ou physique.

La Cour de cassation a censuré un arrêt de relaxe d’une prévenue à qui il était reproché d’avoir abusé frauduleusement de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse d’une personne atteinte de troubles neurologiques. Elle avait obtenu lors de ses visites à l’hôpital, plusieurs chèques d’un montant total de 120.000 euros ainsi que le consentement à un mariage. La Cour d’appel avait estimé que les libéralités consenties correspondaient à une volonté préalablement affirmée de la victime qui avait également manifesté, avant sa maladie, le souhait d’épouser la prévenue, alors qu’ils auraient dû apprécier l’abus de faiblesse au regard de l’état de particulière vulnérabilité de la victime au moment où étaient accomplis les actes qui lui étaient gravement préjudiciables (Cass. Crim., 26 mai 2009, n° 08-85.601).

2. un élément intentionnel : démontrer que la personne qui a abusé de la victime connaissait son état.
Cet élément semble très facile à prouver lorsqu’il s’agit d’un ami ou d’un proche mais il peut s’avérer très délicat dans d’autres circonstances.
L’élément intentionnel peut toutefois découler du fait qu’il était impossible d’ignorer l’état de faiblesse de la victime.

3. démontrer un préjudice grave (perte d’argent, libéralités, procuration bancaires…).
Si l’acte doit être de nature à causer un grave préjudice, il n’exige pas que le dommage se soit réalisé.
Il est important de souligner que le préjudice ne doit pas forcément nuire directement à la victime de l’abus. En effet la Cour de cassation a jugé que le fait pour la victime d’avoir fait un testament, sous la pression de l’auteur de l’abus, qui ne prendra effet qu’à la mort de la victime et qui donc ne causera véritablement de préjudice qu’aux héritiers de la victime, est consécutif d’un abus de faiblesse (Cass.crim., 15 novembre 2005, n°04/86051).

La victime est la première personne bien évidemment qui peut agir en justice. Cependant, parce que la victime est généralement troublée ou malade, les proches de la victime qui ont personnellement souffert peuvent agir en justice également et ce, même si la victime ne s’estime pas lésée comme par exemple dans l’affaire Liliane Bettencourt (Cass. Crim, 31 janvier 2012, n°11-85-464).
L’abus de faiblesse de Madame Bettencourt avait été dénoncé par sa fille, contre sa volonté, à l’encontre du photographe Monsieur Bannier à qui elle avait versé des sommes sous forme de dons d’un montant particulièrement élevé.

Enfin, les héritiers de la victime d’un abus de faiblesse peuvent se constituer partie civile devant le Juge correctionnel en réparation du préjudice relatif à la succession.

À cet égard, il convient de veiller sur ses proches et de ne pas hésiter à les protéger, en les faisant placer sous tutelle ou curatelle, lorsqu’ils deviennent trop faibles pour se défendre.

Un avocat peut vous être utile pour vous aider à réunir et surtout à constituer les différents éléments caractérisant l’abus de faiblesse.
En effet, les tribunaux correctionnels vont examiner de façon précise l’existence d’éléments plaçant la victime en situation de faiblesse.

Juliette Daudé

Avocate à la Cour

Site : http://cabinet-avocat-daude.fr/

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Discussions en cours :

  • par MELAYE CORINNE , Le 27 mars 2019 à 18:01

    c’est tout à fait la réponse juridique que je cherche pour mon compagnon, abusé dans la constitution d’une sci familiale et j’en ai souffert également, sa mère m’a fait interné et ce n’est pas passé au pénal, je dois aller au civil

    merci !

  • Mon épouse est atteinte de la SLA (maladie de Charco) et se trouve suivie à l’hôpital La Salpétrière. . Afin de lui offrir un domicile confortable adapté à sa grande faiblesse et à son handicap reconnu par les autorités compétentes, j’ai demandé à une entreprise de rénovation des travaux de mise aux normes "handicap" une chambres spéciale dans notre maison.Les travaux devaient être achevés vers le 24 Décembre 2017. Une tolérance jusqu’à fin décembre restait tolérable bien que mon épouse devait impérativement réintégrer son domicile faute de place des un centre de répit. L’artisan avait été parfaitement prévenu de l’urgence des fins de travaux. Il s’est pourtant absenté 2 semaine en décembre 2017 pour entreprendre d’autres chantiers. Au mois de janvier il n’est venu qu’épisodiquement à ma demande pressante et ne restait pas plus d’un heure, devant, par ailleurs s’occuper d’autres chantiers. Il m’a demandé toutefois de lui régler le montant intégral du devis en s’engageant à faire diligence pour achever les travaux loin d’être satisfaisants..

    J’ai fat constaté par huissier les innombrables malfaçons.

    Je considère que cette entreprise a abusé de ma faiblesse pendant toute cette période de novembre à janvier 2018, ; Agé de 78 ans, mes soucis quant à l’état dramatique de la santé de mon épouse et tout mon temps pris à l’accompagner à l’hôpital et auprès des différents spécialistes ne me pemettaient par à le contrôler efficacement.

    J’ai tenté en vain de faire jouer l’article 1217 du code civile pour lui proposer une solution amiable consistant à me rembourser une partie du prix payé. En l’absence de réponse de sa part j’ai décidé de porter plaine pour abus de faiblesse et de demander des dommages intérêts pour préjudice financier et moral.

    Pouvez vos m’indiquer la démarche suivre ?

    Je dispose un dossier complet d’échange de courriels, + LR/AR + témoignages de professionnels..

    Merci d’avance

    François Azuelos/0613241281

    _

  • par Leriche , Le 31 octobre 2018 à 12:05

    MERCI, MADAME .
    Très sincèrement.

  • par Aubuchou Laurent , Le 13 avril 2018 à 00:32

    Présentation claire,concise,complète pour une première approche,m’a permis de qualifier un problème personnel avant de saisir un avocat et porter plainte au Procureur de la République.

  • par Céline Hébert , Le 27 mars 2018 à 11:03

    Bonjour Maître
    Voilà je suis une maman de 3 enfants dont mes 2 fils de 16 et 11 ans placés
    Mon ainé il est en apprentissage depuis 1 an et demi
    Je suis titulaire des 3 comptes bancaires de mes 3 enfants
    Depuis quelques mois j’ai eu hélas besoin pour remplir mes découverts faires mes achats sur le net ( grande partis pour mes enfants noël anniversaire ) ainsi aider mon compagnon pour une facture portable covoiturage pour qu’il ailles voir son fils de 7 ans placé également et ses cadeaux noël pour ma fille de 5 ans et son fils .
    Je paie toute mes factures environ 600€ par mois je perçois que le RSA et la caf de ma fille car la caf de mes fils sont versées au départementale du conseil de la Charente de pôle enfance suite au placement.
    En étant en déficulter financière toujours à découvert je sais et j’en suis consciente d’être en erreur de m’être servie l’argent du compte à mon ainé reconnaissance de mon erreur une fois j’ai fais une mise en place avec mon banquier d’un échéancier de remboursement en Novembre 2017 que je dois a mon fils que j’ai remise en place aujourd’hui le 27 Mars 2018 car j’ai hélas recommencer mon erreur en Décembre pour les achats noël et covoiturage comme je vous l’expliques plus haut qui fait en tout 2900€ remboursement jusqu’en Novembre 2022 .
    En sachant que mon fils placé n’a pas porter plainte les services sociaux m’ont avertis qu’ils vont écrirent au juge ( entièrement normal j’assume mes erreurs ) et que il y est un risque avec leurs avocats du services de pôle enfance que cela peut aller au procureur ?? Et cela peut être condiderer comme un délit ???
    Maître j’aimerai savoir si c’est un abus que j’ai eu sur mon fils ??? Si cela est un délit ??? Et qu’est ce que je risque ???
    Pouviez vous s’il vous plaît me répondre à mes questions car je reconnais mon erreur et je fais mon maximum pour rembourser mon fils par un virement mensuel mais je pensais pas que cela pouvais être sansdoute un délit je suis très perdu cela me contrarie pouviez vous m’aidez à répondre à mesquestions s’il vous plaît cordialement Mme Hébert Céline .

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