I. La simplification radicale des procédures de notification.
Le DSA opère une rupture fondamentale avec le régime précédent en ce qui concerne les modalités de notification des contenus illicites.
Sous l’empire de la LCEN (Loi sur la Confiance dans l’Economie Numérique du 21 juin 2004), la procédure de notification imposait une démarche préalable auprès de l’auteur du contenu litigieux avant tout signalement à l’hébergeur.
Cette exigence, qui visait théoriquement à privilégier la résolution amiable des litiges, s’était révélée en pratique comme un obstacle majeur à l’effectivité de la lutte contre les contenus illicites.
Le nouveau cadre européen supprime cette obligation de notification préalable à l’auteur.
Cette évolution marque une volonté claire du législateur européen de privilégier l’efficacité et la rapidité dans le traitement des contenus problématiques.
Désormais, les victimes ou témoins de contenus illicites peuvent directement s’adresser à l’hébergeur, réduisant ainsi considérablement les délais de traitement et augmentant l’efficacité des signalements.
II. Un nouveau paradigme de responsabilisation des hébergeurs.
Cette simplification procédurale s’accompagne d’une refonte du régime de responsabilité des hébergeurs.
L’abandon de la notion de contenus « manifestement illicites » [1] au profit d’une conception plus large de l’illicéité [2].
Cette différence, sur le papier importante, serait néanmoins plus ténue en pratique, au regard notamment du considérant 63 du DSA conservant la notion de « manifestement illicites ».
La notification envoyée par l’utilisateur estimant un contenu comme illicite (violation de propriété intellectuelle, infractions pénales etc.) doit respecter certaines caractéristiques [3] :
a) une explication suffisamment étayée des raisons pour lesquelles le particulier ou l’entité allègue que les informations en question sont du contenu illicite ;
b) une indication claire de l’emplacement électronique exact de ces informations, comme l’URL ou les URL exact(s), et, le cas échéant, des informations complémentaires permettant d’identifier le contenu illicite en fonction du type de contenu et du type spécifique de service d’hébergement ;
c) le nom et l’adresse de courrier électronique du particulier ou de l’entité soumettant la notification, sauf dans le cas d’informations considérées comme impliquant une des infractions visées aux articles 3 à 7 de la directive 2011/93/UE ;
d) une déclaration confirmant que le particulier ou l’entité soumettant la notification pense, de bonne foi, que les informations et les allégations qu’elle contient sont exactes et complètes.
III. L’encadrement rigoureux des obligations de transparence.
L’article 17 du DSA vient contrebalancer cette simplification procédurale par un renforcement significatif des obligations de transparence des hébergeurs.
Si la notification des contenus illicites est simplifiée en amont, les hébergeurs doivent en revanche justifier de manière détaillée leurs décisions de modération en aval.
L’exposé des motifs exigé par l’article 17 du DSA doit ainsi inclure des informations précises sur la nature de la mesure prise, son fondement juridique ou contractuel, les circonstances factuelles ayant conduit à la décision, et les voies de recours disponibles.
Cette exigence de transparence constitue une garantie fondamentale pour les utilisateurs, compensant la suppression des formalités préalables par un contrôle renforcé a posteriori.
Les hébergeurs doivent désormais :
- Traiter directement les signalements reçus sans attendre une démarche préalable auprès de l’auteur
- Mettre en place des processus d’analyse rapide des contenus signalés
- Documenter précisément chaque décision de modération
- Assurer une communication transparente et détaillée avec les utilisateurs concernés.
Conclusion.
La suppression de l’obligation de notification préalable à l’auteur constitue l’une des innovations majeures du DSA.
Cette évolution, combinée au renforcement des obligations de transparence, marque une transformation profonde de la régulation des contenus en ligne. Le succès de cette réforme dépendra largement de la capacité des hébergeurs à mettre en place des processus de modération à la fois efficaces et transparents.
Les prochains mois seront cruciaux pour évaluer l’impact pratique de ces changements sur la lutte contre les contenus illicites et sur la protection des droits des utilisateurs.
L’observation de la mise en œuvre concrète de ces nouvelles obligations permettra de mesurer si le DSA a effectivement trouvé le juste équilibre entre célérité du traitement des contenus problématiques et garantie des droits des utilisateurs.