Dans les entreprises, l’intelligence artificielle (IA) s’impose aujourd’hui comme un outil de plus en plus incontournable, quels que soient les départements, la taille des entreprises ou leur secteur d’activité. Cependant, son utilisation soulève des questions éthiques, juridiques et organisationnelles qu’il est essentiel d’anticiper en perspective de l’entrée en vigueur de l’AI Act en 2026.
Une charte d’utilisation de l’IA est un document que les entreprises peuvent mettre en place afin de guider leurs employés sur les bonnes pratiques d’utilisation des outils d’IA dans le cadre professionnel. Il s’agit également d’une étape clé pour garantir une utilisation responsable et conforme aux réglementations en vigueur.
Ce document, qui se veut pratique et opérationnel pour les employés, recense les usages autorisés et/ou interdits, les bonnes pratiques, les sanctions en cas de dérives, etc.
Il s’agit d’un document propre à chaque entreprise, non obligatoire, destiné à définir les conditions générales d’utilisation des outils IA en interne. Il doit être rédigé en termes clairs et compréhensibles par tous. Il est important de rappeler qu’en 2023, 70% des utilisateurs de ChatGPT sur leur lieu de travail n’en parlent pas à leur supérieur. Encourager l’échange et la sensibilisation autour de ces outils dans l’entreprise est dès lors nécessaire.
Cet article a vocation à donner des pistes de réflexion pour vous aider à rédiger et à intégrer au mieux dans votre entreprise une charte d’utilisation pour les pratiques d’intelligence artificielle. Il n’a toutefois pas vocation à être exhaustif.
Par où commencer ?
La première étape pour construire de manière efficace votre document est de mener une réflexion en interne sur les différentes manières dont vous souhaitez utiliser l’IA dans votre entreprise et d’intégrer l’ensemble des parties prenantes à cet échange.
Voici quelques exemples de questions à se poser, qui permettront à votre entreprise de mener sa réflexion à bien sur ces outils d’IA :
- Quels outils IA sont actuellement utilisés par mes employés ? (ChatGPT, Dall-E, Copilote, etc.)
- Quelles sont les situations dans lesquelles l’entreprise ne souhaite pas que ses employés utilisent l’IA ? (informations à ne pas divulguer, données clients, secret d’affaires, etc.)
- L’utilisation de ces outils est-elle alignée avec les valeurs que porte l’entreprise ?
- Quelles sont les pratiques de mes employés vis-à-vis de l’IA actuellement ? (utilisations de prompts, rédaction spécialisée etc)
- Quelles sont les bonnes pratiques déjà en place dans l’entreprise et qui pourraient être partagées (bibliothèque de prompts partagés etc)
- Quels sont les outils existants sur le marché qui paraissent les plus pertinents pour mon entreprise ?
- Quels sont les outils que je souhaite autoriser à mes employés et que comportent leurs conditions générales d’utilisation ?
- Quels sont les besoins de mon entreprise auxquels ces outils pourraient apporter une solution ?
- Quelles sont les tâches/services qui bénéficieraient d’une adoption de ces outils ?
- Comment est-ce que je peux encourager et accompagner mes employés dans leur adoption de l’IA ? (conduite du changement)
- Comment sensibiliser mes employés à l’utilisation de ces outils ? (formations, ateliers, etc.)
En fonction de votre secteur d’activité ou des échanges avec les différents interlocuteurs désignés, d’autres questions plus spécifiques pourront également être ajoutées à cette liste.
La réponse à l’ensemble de ces questions permettra de rédiger une charte d’utilisation claire et précise pour les employés.
Quelle forme peut prendre ce document ?
Une fois que ce travail de réflexion a été mené, il est maintenant possible de se pencher sur la rédaction du document.
En effet, ce document prend, de manière générale, une forme écrite sans pour autant avoir de formalisme particulier. Il peut donc s’agir d’un document sous forme de questions/réponses ou d’un document plus formel détaillant de manière opérationnelle l’ensemble des utilisations autorisées par l’entreprise, comme une charte informatique par exemple.
Cette charte de l’utilisation de l’IA pourra être annexée au contrat de travail et/ou au règlement intérieur pour avoir une valeur d’acte réglementaire et être portée à la connaissance de tous les salariés. Elle peut également être uniquement diffusée en interne pour information, ce qui aura déjà un impact positif sur la feuille de route IA de l’entreprise, mais n’aura pas de valeur contraignante dans cette situation.
Que mettre dans le document en termes de rédaction ?
Le contenu du document est libre et peut varier d’une entreprise à l’autre. Toutefois, le document se compose généralement des éléments suivants a minima :
- Un préambule expliquant l’objectif de la charte.
- Les éventuelles définitions des différents termes importants afin que tous les employés en saisissent la teneur : IA générative, données sensibles, secret d’affaires, etc.
- L’objet et la portée du document.
- Les différents usages pour lesquels l’utilisation de l’IA est autorisée (ex : ChatGPT pour aide à la rédaction d’emails). Cette partie peut notamment être rédigée avec des exemples concrets pour permettre aux salariés d’appréhender précisément les missions qu’ils peuvent réaliser avec ces outils.
- Les usages pour lesquels l’utilisation de l’IA est interdite. L’objectif est ici, à contrario de la clause précédente, d’être transparent avec les employés en leur indiquant spécifiquement les situations et les raisons pour lesquelles ces usages sont interdits. (aucune donnée personnelle des clients ne doit figurer dans les prompts, certains contrats signés par l’entreprise impliquent des clauses de confidentialité étendues à l’utilisation d’information par des outils IA que les employés doivent également respecter, etc.)
- Les mesures de contrôle qui ont été mises en place par l’entreprise pour protéger son activité. Il peut notamment s’agir du blocage des sites non autorisés, d’un accès limité aux données sensibles aux seuls employés ayant besoin d’y accéder, etc.
- Les sanctions que peuvent encourir les employés si la charte à une valeur contraignante (sanctions disciplinaires, avertissements, etc.).
- Les formations offertes aux salariés pour appréhender ses différents outils. Le salarié peut bénéficier d’une formation sur l’utilisation des IA pour leur bonne utilisation dans l’entreprise par exemple.
- L’opposabilité de la charte : annexée au contrat de travail et/ou règlement intérieur sous condition du respect des exigences du Code du travail (CSE, Inspection du travail), la charte peut avoir une valeur contraignante au sein de l’entreprise.
En conclusion.
Pour résumer, voici les étapes à suivre pour créer votre document :
- Évaluer les usages de ses employés en s’assurant que chaque fonction est bien représentée (RH, communication, IT etc)
- Lister les bonnes et mauvaises pratiques
- Lister les outils potentiels et prendre connaissance de leurs conditions générales d’utilisation
- Faire un état des lieux des données sensibles au sein de l’entreprise
- Rédiger le document
- Le porter à la connaissance des employés
- Envisager des sessions de sensibilisation et/ou formation autour de ces outils
- Mettre en place une mise à jour périodique du document afin d’intégrer les nouveaux outils susceptibles d’arriver sur le marché et l’évolution de la réglementation à ce titre.
Vous l’aurez sans doute perçu à la lecture de cet article, adopter une charte d’utilisation de l’IA, c’est bien plus qu’une formalité : c’est une démarche stratégique qui traduit votre engagement pour une innovation responsable. Si vous souhaitez être accompagné dans cette démarche, vous pouvez également faire appel, soit techniquement et stratégiquement à des entreprises spécialisées en IA, soit juridiquement à des avocats spécialisés dans ces domaines.