En l’espèce, un prévenu a été poursuivi pour avoir réalisé des travaux soumis à déclaration au titre de la protection de l’eau ou du milieu aquatique sans avoir respecté une mise en demeure préalable, ce qui constitue une infraction prévue et réprimée par l’article L173-2 du Code de l’environnement.
Condamné en première instance, le prévenu a interjeté appel devant la chambre correctionnelle de la cour d’appel de Riom, qui a confirmé sa culpabilité et l’a condamné à une amende ainsi qu’à la remise en état des lieux, sous astreinte.
Insatisfait de la décision, le prévenu a formé un pourvoi en cassation. Il reprochait à la cour d’appel de s’être fondée sur la déposition d’un inspecteur de l’environnement qui n’avait pas prêté serment avant d’être entendu comme témoin.
La question posée à la Cour de cassation était de savoir si l’inspecteur de l’environnement, assermenté administrativement, devait prêter serment devant la juridiction de jugement avant d’être entendu comme témoin sur ses constatations effectuées dans le cadre d’une enquête préliminaire ordonnée par le procureur de la République.
La Cour de cassation a fait droit au pourvoi et a annulé l’arrêt de la cour d’appel. Elle a rappelé que l’assermentation administrative de l’inspecteur de l’environnement ne le dispense pas de prêter le serment judiciaire devant la juridiction de jugement, prévu à l’article 446 du Code de procédure pénale. En effet, seuls sont dispensés de cette formalité les agents qui exercent les poursuites conjointement avec le ministère public, et qui, de ce fait, ne peuvent être entendus comme témoins. Or, tel n’est pas le cas de l’inspecteur de l’environnement. Sa déposition devant la juridiction de jugement nécessitait donc la prestation préalable du serment judiciaire.
Par cet arrêt, les juges du Quai de l’Horloge distinguent l’assermentation administrative et le serment judiciaire, d’une part (I). D’autre part, cet arrêt rappelle l’exigence de régularité formelle dans la recevabilité des preuves, notamment des dépositions des agents publics, et protège les droits de la défense (II).
I- La distinction entre l’assermentation administrative et le serment judiciaire.
L’assermentation administrative permet à un agent, tel que l’inspecteur de l’environnement, de constater des infractions et de rédiger des procès-verbaux ayant force probante dans le cadre de ses missions administratives. Toutefois, cette assermentation ne lui confère pas le statut de témoin devant la juridiction répressive et ne le dispense pas de prêter serment devant la juridiction de jugement s’il est entendu comme témoin.
Le serment judiciaire, prévu à l’article 446 du Code de procédure pénale, impose à tout témoin de prêter serment de dire « toute la vérité, rien que la vérité » avant de déposer devant la juridiction de jugement. Cette formalité solennelle vise à garantir la véracité des déclarations et à protéger les droits de la défense. Certaines personnes sont dispensées de prêter serment : les mineurs de moins de seize ans [1] et les agents des administrations habilités à exercer, conjointement avec le ministère public les poursuites pénales (policiers, gendarmes, certains agents des douanes). Ceux-ci ne peuvent être entendus comme témoins dans les procédures où ils agissent comme partie poursuivante.
Dans l’arrêt du 4 mars 2025, la Cour de cassation précise que l’inspecteur de l’environnement, « fût-il assermenté, […] ne relève pas d’une administration ayant qualité pour exercer conjointement avec le ministère public les poursuites pénales consécutives aux infractions qu’elle est chargée de constater ». Il n’appartient donc à aucune des catégories d’agents dispensés de prêter serment devant la juridiction de jugement. Sa déposition nécessite donc la prestation préalable du serment judiciaire. Cette solution s’inscrit dans la lignée d’une jurisprudence constante, rappelée notamment par l’arrêt du 3 mai 1990 (89-83.163), selon laquelle tout témoin, y compris les agents des administrations, doit prêter serment devant la juridiction de jugement. La Cour de cassation a ainsi annulé la décision de la cour d’appel qui s’était fondée sur la déposition de l’inspecteur de l’environnement sans que celui-ci eût prêté serment, considérant que cette formalité était essentielle à la régularité de la preuve et à la protection des droits de la défense.
II- L’exigence de régularité formelle des preuves, garantie des droits de la défense.
L’arrêt du 4 mars 2025 rappelle l’exigence de régularité formelle dans la recevabilité des preuves, en particulier des dépositions des agents publics. L’irrégularité formelle, en l’espèce l’absence de prestation de serment, a pour conséquence directe la nullité de la déposition de l’inspecteur de l’environnement. Cette nullité justifie l’annulation de la décision de la cour d’appel, ce qui illustre l’importance attachée au respect des formalités procédurales pour garantir un procès équitable.
Au-delà de cette conséquence immédiate, la solution retenue par la Cour de cassation souligne l’importance du formalisme dans la procédure pénale. Le respect des règles de forme n’est pas une simple question de procédure : il constitue une garantie essentielle pour les droits de la défense. En imposant le serment judiciaire, la loi vise à assurer la sincérité des déclarations et à permettre à la défense de contester la crédibilité du témoin, dans le respect du principe du contradictoire.
Par ailleurs, cette exigence renforce la confiance dans l’administration de la justice, en évitant que des preuves irrégulières puissent fonder une condamnation. Elle s’inscrit dans une logique plus large de protection des libertés individuelles, où chaque formalité procédurale contribue à prévenir les erreurs judiciaires et à garantir l’équité du procès.
Ainsi, la jurisprudence rappelle que la régularité formelle n’est pas un simple formalisme, mais une condition indispensable à la validité du procès pénal et à la sauvegarde des droits fondamentaux des justiciables.