En l’espèce, une inspectrice d’académie avait été nommée et détachée par décret du Président de la République dans l’emploi de directrice académique des services de l’éducation nationale du département du Loir-et-Cher.
Au vu du rapport d’une mission d’inspection, confiée conjointement à l’inspection générale de l’éducation nationale et à l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, le Ministre de l’éducation nationale l’a informée de sa décision d’engager, dans l’intérêt du service et compte tenu des difficultés relevées dans le rapport d’inspection, la procédure de retrait d’emploi.
Le courrier du Ministre l’informait également qu’elle pouvait consulter son dossier administratif.
L’intéressée a produit un certificat médical d’arrêt de travail à la suite de cette correspondance.
Par un décret en date du 10 mai 2013, le Président de la République a mis fin dans l’intérêt du service aux fonctions et au détachement de l’agent, qui a été réintégré dans son corps d’origine.
L’intéressée a formé un recours à l’encontre de ce décret, qui au regard de la nature de l’acte attaqué relève de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d’Etat, en application des dispositions de l’article R. 311-1 du Code de justice administrative.
Dans cette affaire la Haute Assemblée a fait application du principe qu’elle a dégagé dans sa jurisprudence Danthony de 2011 (CE, ass., 23 décembre 2011, Danthony, n°335033).
Aux termes de cette dernière « (…) si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie (.. .) ».
Les juges du Palais Royal ont relevé qu’en l’espèce l’intéressée avait dès réception du courrier du Ministre, sollicitée la communication de son dossier administratif et que cette demande était restée sans réponse.
Dès lors, l’intéressée n’ayant pas pu prendre connaissance de son dossier administratif avant l’adoption de la décision litigieuse, cette dernière a été privée d’une garantie, prévue par l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 applicable au litige.
Tirant les conséquences de ces constatations, et faisant usage de la pratique de l’économie de moyen, le Conseil d’État a annulé le décret attaqué mettant fin aux fonctions et détachement de l’intéressée comme étant intervenu à l’occasion d’une procédure irrégulière.
Rappelons que la Haute Assemblée a érigé en principe général du droit et du droit de la défense des fonctionnaires, l’obligation de mettre l’agent en possibilité de consulter ou de se voir remettre son dossier administratif avant toute prise d’une décision disciplinaire (CE, 5 juillet 2000, Mermet, n° 200622).
De même, le Conseil d’État avait également pu indiquer par le passé que les dispositions de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 impose à l’administration d’informer l’agent de la possibilité de consulter ou de se voir communiquer son dossier administratif lorsqu’une mesure disciplinaire est envisagée à son encontre pour des motifs tirés de la personne de cet agent (voir notamment en ce sens CE, 12 octobre 2006, n°278599).
La jurisprudence a pu encore récemment indiquer que la communication du dossier administratif d’un fonctionnaire à l’encontre duquel est engagée une procédure disciplinaire est possible et obligatoire dès lors que la demande de communication a été formée avant que l’autorité disposant du pouvoir de sanction se prononce (CE, 25 juillet 2013, n°360899).
Ainsi, cette dernière peut donc intervenir après la tenue du conseil de discipline
Cette espèce constitue donc un nouveau cas d’extension de la jurisprudence Danthony, après son application à l’adoption d’un plan local d’urbanisme (CE, 17 juillet 2013, SFR, n°350380) ou de désaffectation d’un chemin rural (CE, 20 novembre 2013, n°361986).
Il convient également de relever que la juridiction administrative avait déjà fait application de ce principe en matière de fonction publique et plus spécifiquement dans le cadre d’une procédure disciplinaire.
En effet, le Tribunal administratif de Cergy Pontoise a considéré en 2012 que (TA Cergy Pontoise, 25 juin 2012, Ville de Puteaux c/ Mme S., n°1110455).
Il conviendra donc d’être attentif aux prochaines décisions du Conseil d’État afin de voir si ce dernier étant l’application de la jurisprudence Danthony à d’autres domaines de la fonction publique voir à d’autres domaines du droit.
Références : CE, 31 janvier 2014, n°369718, CE, ass., 23 décembre 2011, Danthony, n°335033, CE, 5 juillet 2000, Mermet, n° 200622, CE, 12 octobre 2006, n°278599, CE, 25 juillet 2013, n°360899, CE, 17 juillet 2013, SFR, n°350380, CE, 20 novembre 2013, n°361986, TA Cergy Pontoise, 25 juin 2012, Ville de Puteaux c/ Mme S., n°1110455