1. Des actes juridiques distincts.
1.1. La transaction.
« La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit » [1].
Ce texte du Code civil est applicable à la transaction conclue entre l’employeur et le salarié, dans la mesure où il s’agit d’un acte de droit privé.
Plus largement, tous les articles 2044 à 2058 du Code civil ont vocation à s’appliquer à la transaction prud’homale.
En particulier, l’article 2052 dispose que « la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet. »
1.2. Le procès-verbal de conciliation.
Le Conseil de prud’hommes règle, par voie de conciliation, les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du Code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient [2].
Le bureau de conciliation et d’orientation entend les explications des parties et s’efforce de les concilier [3].
En cas de litige, lors de la phase de conciliation, l’employeur et le salarié peuvent convenir - ou le bureau de conciliation et d’orientation proposer - d’y mettre un terme par accord [4].
Cet accord prévoit le versement par l’employeur au salarié d’une indemnité forfaitaire dont le montant est déterminé, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles, en référence à un barème fixé par décret en fonction de l’ancienneté du salarié.
L’article L. 1235-1 du Code du travail précise que le procès-verbal constatant l’accord vaut renonciation des parties à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail.
2. Des incidences différentes.
2.1. Intervention du juge prud’homal.
La transaction peut être négociée par les avocats des parties et signée par ces dernières, sans l’intervention d’un juge.
Son formalisme est donc relativement simple et souple.
À l’inverse, le procès-verbal de conciliation nécessite de saisir le Conseil de prud’hommes, afin que celui-ci convoque les parties à une audience de conciliation.
C’est lors de cette audience que le Conseil peut dresser un procès-verbal de conciliation, signé par le président, le greffe et les parties ou leur avocat.
NB. Le plus souvent, les montants et les termes du procès-verbal sont négociés en amont par les avocats respectifs.
Le processus menant au procès-verbal de conciliation est donc plus lourd.
Il demande également davantage de temps, entre la saisine du Conseil et la fixation de l’audience de conciliation.
Il faut compter, en général, entre 1 et 4 mois pour obtenir une audience de conciliation, en fonction des Conseils de prud’hommes.
2.2. Régime fiscal.
L’indemnité forfaitaire de conciliation est intégralement exonérée d’impôt sur le revenu dans la limite du barème règlementaire [5] :
« 1. Toute indemnité versée à l’occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes.
Ne constituent pas une rémunération imposable : « 1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-1 (…). »
Le Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts (BOFiP-Impôts) rappelle cette solution de manière particulièrement claire :
« L’indemnité forfaitaire versée lors de la conciliation prévue à l’article L. 1411-1 du code du travail (C. trav., L. 1235-1), dont le barème est fixé à l’article D. 1235-21 du code du travail en fonction de l’ancienneté du salarié, est ainsi intégralement exonérée d’impôt sur le revenu dans la limite de ce barème. » [6].
À l’inverse, l’indemnité transactionnelle est exonérée d’impôt sur le revenu dans certaines limites (la plus haute étant retenue) [7] :
Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail, dans la limite de 6 fois le plafond annuel de la Sécurité sociale « PASS » (278.208 € en 2024) ;
Soit 50 % du montant de l’indemnité si ce seuil est supérieur, toujours dans la limite de 6 PASS ;
Soit le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (sans limite).
2.3. CSG / CRDS.
L’indemnité forfaitaire de conciliation est intégralement exonérée de CSG-CRDS si les deux conditions suivantes sont réunies [8] :
Le montant de l’indemnité forfaitaire est celui prévu par le barème ;
La totalité des indemnités de rupture est exonérée de cotisations de Sécurité sociale.
La part de l’indemnité excédant le barème réglementaire est soumise à la CSG et à la CRDS, sans application de l’abattement pour frais [9].
Quant à l’indemnité transactionnelle versée après un licenciement, celle-ci est exonérée de CSG et de CRDS à hauteur de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou du montant exonéré de cotisations de sécurité sociale, s’il est inférieur [10].
2.4. Différé France Travail.
Au regard de l’assurance-chômage, le versement d’une indemnité transactionnelle est moins favorable que la perception d’une indemnité forfaitaire de conciliation.
En effet, France Travail retarde la prise en charge du demandeur d’emploi par l’application d’un « différé d’indemnisation spécifique », tenant compte des indemnités de rupture versées au-delà de l’indemnité légale de licenciement.
Ce différé est plafonné à 150 jours calendaires en cas de rupture conventionnelle ou de licenciement personnel et 75 jours en cas de licenciement économique.
Il ne s’applique cependant pas aux bénéficiaires du Contrat de sécurisation professionnelle (CSP) percevant l’allocation de sécurisation professionnelle (ASP).
Pour l’année 2024, le différé spécifique se calcule de la manière suivante :
Indemnités supra légales ÷ 107,9.
NB. Le diviseur évolue chaque année en fonction du plafond annuel du régime d’assurance vieillesse de la sécurité sociale.
Le différé spécifique d’indemnisation est déclenché par le versement de toute indemnité supra-légale (ex. l’indemnité conventionnelle de licenciement, si elle est plus favorable que l’indemnité légale, l’indemnité transactionnelle, l’indemnité de non-concurrence, etc.).
Or, l’indemnité forfaitaire de conciliation est exclue de l’assiette de calcul du différé spécifique d’indemnisation.
Comme l’UNEDIC le rappelle dans sa circulaire n° 2023-08 du 26 juillet 2023 :
« Lorsque l’indemnité forfaitaire de conciliation correspond à un montant inférieur ou égal aux montants prévus par ce barème en fonction de l’ancienneté du salarié, elle est exclue de l’assiette de calcul du différé spécifique. »
2.5. Effet extinctif.
- 2.5.1. Transaction
Comme évoqué ci-dessus (§ 1.1), la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet [11].
La question se pose donc de savoir comment libeller la transaction afin qu’elle règle définitivement tout litige entre l’employeur et le salarié.
Autrement dit, convient-il de lister précisément l’ensemble des éléments auxquels le salarié renonce ou est-il préférable de privilégier une formulation générale ou globale ?
L’employeur acceptant de verser une indemnité transactionnelle au salarié souhaite naturellement apurer tout différend entre eux.
Le salarié, de son côté, peut légitimement craindre qu’une rédaction trop large ne le prive de réclamations auxquelles il n’aurait pas pensé.
Après avoir retenu une conception restrictive de la portée de la transaction, la chambre sociale de la Cour de cassation, depuis quelques années, opte pour une interprétation extensive.
Dans un arrêt du 17 février 2021 [12], la Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence récente selon laquelle la transaction, rédigée dans des termes généraux, fait obstacle à toute réclamation relative tant à l’exécution qu’à la rupture du contrat de travail.
- 2.5.2. Procès-verbal de conciliation.
L’article L. 1235-1 du Code du travail précise que le procès-verbal constatant l’accord vaut renonciation des parties à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail « prévues au présent chapitre. »
Or, le chapitre en question est le suivant : « Chapitre V : Contestations et sanctions des irrégularités du licenciement (Articles L. 1235-1 à L. 1235-17) ».
Dès lors, les parties peuvent-elles étendre la conciliation à des sujets distincts du licenciement ?
La question est importante car l’employeur acceptant cette solution amiable souhaite légitimement sécuriser, non seulement la rupture du contrat du travail, mais aussi son exécution.
Or, si le procès-verbal de conciliation ne réglait que les conséquences liées à la rupture du contrat, le salarié pourrait maintenir des demandes diverses telles que : heures supplémentaires, dommages-intérêts pour souffrance au travail ou harcèlement moral, etc.
Dans un arrêt du 24 avril 2024 [13], la Cour de cassation considère que le bureau de conciliation et d’orientation conserve une compétence d’ordre général pour régler tout différend né à l’occasion du contrat de travail.
Elle semble ainsi conférer une large portée au procès-verbal de conciliation.