Le Conseil constitutionnel occupe une place majeure dans la presse nationale tant ses décisions sont fondamentales pour la vie de la Nation. En effet, celles-ci ont des impacts politiques, sociaux, économiques et culturels. Ces décisions vont à l’encontre de dispositions élaborées par les représentants de la Nation dans les hémicycles, ce qui peut engendrer des remous. Depuis l’instauration de la QPC, ce sont, également, ces mêmes citoyens qui sont représentés par des députés ou sénateurs qui vont se tourner vers le Conseil constitutionnel pour contester indirectement ces dispositions juridiques.
Toutefois, la presse ne comprend pas exactement le Conseil constitutionnel (ni souvent le Conseil d’Etat) et commet des maladresses. Au-delà même de ces erreurs, la presse permet de comprendre la représentation qui est donnée au Conseil constitutionnel, mais la presse contribue, elle-aussi, à façonner l’image du Conseil constitutionnel.
Ce court article se concentre essentiellement sur les articles du journal Le Monde, mais pas seulement. Cette étude est tirée d’une réflexion à la suite de trop nombreuses lectures au sujet du Conseil constitutionnel. Celle-ci n’entend pas décrire le sujet avec exhaustivité mais souligner quelques points, sachant que plusieurs études ont pu être menées à ce sujet [1].
La presse et Cours de droit.
Les citoyens connaissent peu ou mal le Conseil constitutionnel. Ainsi, la presse joue un rôle particulier dans cet enseignement du droit constitutionnel aux citoyens [2] (elle est, ainsi, un vecteur démocratique).
Ce rôle accordé à la presse s’est exercé particulièrement lors du référendum concernant l’adoption du second projet de Constitution de la Vème République. A ce titre, le journal La Croix a publié le texte constitutionnel proposé au référendum, avec évidemment les dispositions concernant ladite juridiction constitutionnelle [3].
Ensuite, ce rôle d’information s’est exercé particulièrement lors de l’entrée en vigueur de la QPC, lors de « la troisième naissance du Conseil constitutionnel [4] ». Ainsi, de nombreux articles sont venus expliquer le rôle et le fonctionnement de la question prioritaire de constitutionnalité qui est, en réalité « une réforme démocratique et symbolique [5] ». Par exemple, a été publié, « qu’est-ce que la ‘’question prioritaire de constitutionnalité’’ » par Patrick Roger dans le journal le Monde le 1er mars 2010 [6].
Le journal Le Figaro s’intéresse particulièrement à cette question constitutionnelle et innove.
En effet, à l’occasion d’un article expliquant le fonctionnement d’une QPC, a été réalisée une infographie [7]. Cette évolution juridique, qu’est la QPC, est tantôt valorisée [8], tantôt décriée [9].
Au-delà de ce cours, des avocats sont intervenus pour expliquer les conséquences de l’entrée en vigueur de cette réforme, notamment Emmanuel Rosenfeld dans une tribune pour le journal Le Monde [10].
Ensuite, le travail d’explication de la QPC se poursuit. Ce travail s’est notamment amplifié en 2020 à l’occasion des 10 ans de la QPC [11] [12] sous l’impulsion du président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius.
Tous ces articles expliquent bien le fonctionnement du Conseil constitutionnel et sont très pédagogiques. Cette pédagogie est la bienvenue dans la complexité du contentieux constitutionnel (notamment les filtres de la QPC [13]).
L’action du Conseil constitutionnel omniprésente dans les journaux.
En effet, chaque décision du Conseil constitutionnel que ce soit une décision constitutionnelle ou une QPC, celle-ci engendre de nombreux articles dans les journaux.
Avant-même que celle-ci ne soit soumise étudiée par le Conseil constitutionnel, un article est déjà publié sur l’intention d’un groupe d’opposition (ou d’une des quatre personnalités privilégiées mais c’est plus rare) de soumettre le projet ou la proposition de loi au Conseil constitutionnel.
Dès les premières décisions QPC, les journaux en parlent. Ce fut le cas du régime des indemnités, les réformes de la garde à vue [14]. Mais également sont décrites les premières séances publiques [15] [16] [17] de cette juridiction secrète, obscure ou opaque selon l’imaginaire populaire.
Cette omniprésence dans les journaux tient au renforcement de la communication de la juridiction constitutionnelle.
La communication du Conseil constitutionnel.
Un récent article a été publié à ce sujet [18], il sera question de souligner les points les plus saillants de cet article très riche et pertinent. Comme le souligne Mathieu Disant, si celle-ci est d’abord réservée en 1993 à l’égard de la publication des décisions au Journal Officiel (ces dernières sont déjà publiées au JO en tant que telles). Sont publiés à partir de 1993 an annexe de la loi, le mémoire de saisine et ainsi qu’à partir de 1995 les observations du secrétariat général du gouvernement.
A l’occasion de la polémique sur la Loi Pasqua conduisant à Robert Badinter à s’exprimer publiquement sur le journal Le Monde, le Conseil constitutionnel fit évoluer sa méthode de communication par « la diffusion de plaquettes de présentation de l’institution ». L’objectif de la communication est de « prévenir les mauvaises interprétations de sa jurisprudence ».
Notamment le lancement en 1996 de la revue « les cahiers du Conseil constitutionnel » (revue Titre VII désormais) participe de cette communication avec, notamment, des commentaires sur les décisions du Conseil constitutionnel par la doctrine.
A la lecture de ces quelques exemples d’évolutions sur la communication, Mathieu Disant souligne manifestement la différence entre la communication institutionnelle (celle promouvant l’action du Conseil constitutionnel comme le fit Fabius lors des 10 ans de la QPC ou lors de concours) et la communication décisionnelle (visant à expliquer et communiquer sur une décision rendue par la juridiction constitutionnelle).
Finalement, la communication du Conseil constitutionnel repose sur :
Le site internet depuis 1997,
Le communiqué de presse depuis 1993,
Les conférences de presse et déclarations depuis 1993,
Les commentaires depuis 1995,
Les actions de promotion et opérations de valorisation (notamment avec des récompenses pour une thèse, l’organisation du salon du livre juridique, la nuit du droit).
Cette communication a pour objectif de diffuser une culture constitutionnelle absente en France, contrairement aux États-Unis ou en Allemagne.
Les décisions du Conseil constitutionnel sur le droit de la presse.
Le Conseil constitutionnel s’intéresse au droit de la presse, et plus précisément concernant la presse écrite ou audiovisuelle. A cet égard, il a rendu plusieurs décisions importantes, notamment, en 1982 à propos de la loi sur la communication audiovisuelle, en 1984 concernant la loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence et le pluralisme des entreprises de presse et en 1986 à propos de la loi portant réforme du juridique de la presse.
Le Conseil constitutionnel sous le feu des critiques.
La question de l’indépendance des Sages est trop souvent décrite dans les médias [19], [20]. Mais ce n’est pas la seule question qui revient, en effet sont contestés, le régime d’indemnité des membres du Conseil constitutionnel [21] ou encore les « portes étroites [22] ».
Les décisions du Conseil constitutionnel sont également critiquées, ce fut le cas dès ses premières décisions que ce soit sur le régime de la garde à vue [23] ou du recrutement des universitaires. Cette dernière question du recrutement des universitaires qui est apparue au moment de l’apparition de la QPC [24] refait surface dix années après. Les critiques concernant le Conseil constitutionnel si elles portent sur les décisions dès l’origine (y compris aujourd’hui), elles ont porté également sur l’organisation et le fonctionnement de la juridiction.
En effet, moins d’un an après, Alfred Grosser estime dans le journal La Croix que le Conseil constitutionnel est affaibli, en comparaison avec la Cour constitutionnelle allemande. Cette juridiction est ainsi « une déception [25] ».
Quelques critiques portent sur « la concurrence du Conseil constitutionnel » dans la confection de la loi. En effet, cela n’est pas récent, par la technique des réserves d’interprétation, le Conseil constitutionnel indique comment il interprète la loi (c’est-à-dire sous quelles conditions). Par conséquent, l’interprète de la disposition normative est le réel auteur de la norme. C’est-ce que critique Patrick Devedjian comme le rapporte Le Monde [26].
Certaines contestations demeurent pertinentes, notamment le manque de nominations masculines au sein des Sages [27].
D’autres sont plus dangereuses et s’apparentent à un « lit de justice constitutionnel » quand il s’agit de contourner la censure du Conseil constitutionnel en constitutionnalisant ce qui a été censuré par ladite juridiction constitutionnelle [28] ou qui conteste la future décision du Conseil constitutionnel avant même qu’il se soit prononcé [29].
Finalement, il est regrettable toutefois que certains envisagent sa suppression [30].
Heureusement que des universitaires viennent défendre ce dernier contre-pouvoir qu’est la justice [31].