Le contrôle fiscal qui ne veut pas dire son nom, par Françoise Cavallé, Avocat Fiscaliste

Le contrôle fiscal qui ne veut pas dire son nom, par Françoise Cavallé, Avocat Fiscaliste

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Explorer : # contrôle fiscal # procédures de vérification # redressements fiscaux # administration fiscale

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L’Administration Fiscale dispose d’une palette tout particulièrement large, de moyens d’investigation plus ou moins contraignants, pour remplir sa mission de contrôle auprès des particuliers ou des entreprises.

Parmi les divers types de procédures de vérification dont disposent les Agents des Impôts, le "contrôle sur pièces" s’avère le plus fréquemment utilisé.

Sous cette appellation sophistiquée, employée exclusivement en interne par le fisc, l’opération diligentée à l’encontre du contribuable consiste simplement à vérifier la sincérité de sa déclaration.

Et cette procédure se caractérise par le fait qu’elle ne constitue pas une vérification de comptabilité ou un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ou E.S.F.P.

Le "contrôle sur pièces", par opposition aux vérifications précitées, est exclusivement effectué par les agents d’assiette, contrôleurs et inspecteurs implantés dans les Hôtels des Impôts. Ces fonctionnaires de la Direction générale des Finances publiques qui ont la responsabilité, selon leur grade et leur niveau de compétence, des dossiers des particuliers et des entreprises, n’ont pas le "statut" de vérificateurs spécialisés en contrôle fiscal,même s’ils gèrent souvent beaucoup de dossiers, et sont tenus de répondre aux questions posées par les contribuables, notamment lors de la campagne de dépôt des diverses déclarations tant au regard de l’Impôt sur le revenu, que de l’Impôt sur les sociétés et de la TVA.

On oublie parfois de souligner qu’un rôle de prévention est dévolu aussi à l’Administration fiscale, corrélativement à sa mission de "surveillance".

Les Agents des Impôts gestionnaires ont donc la possibilité à l’occasion du "contrôle sur pièces", de notifier des redressements comme les inspecteurs-vérificateurs.

Cette procédure, non précédée de l’envoi d’un avis de vérification assorti de la "charte des droits et obligations du contribuable vérifié", entraîne finalement les mêmes conséquences que celles résultant d’un véritable contrôle fiscal.

Dans le cadre de sa mission de contrôle, contrepartie naturelle de notre système déclaratif, le fisc procède à l’examen critique d’une part, des déclarations de résultats souscrites par les professionnels (entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu, commerçants, artisans, professions libérales et assimilées, agriculteurs …), d’autre part, des déclarations de revenus traditionnelles avec leurs annexes éventuelles (exemple : déclaration relative aux revenus fonciers), déposées par l’ensemble des contribuables, personnes physiques.

A la suite de l’analyse de ces divers documents, les contrôleurs et inspecteurs des Impôts sont amenés à adresser des propositions de rectification, ou plutôt des notifications de redressement à l’aide de l’imprimé n°2120, dans le cadre de deux procédures distinctes :

A. Selon la procédure contradictoire

Cette procédure est la plus couramment utilisée puisqu’elle s’applique à l’égard des contribuables qui ont souscrit normalement leurs déclarations, et au plus tard dans le délai de 30 jours d’une mise en demeure.

1. A partir simplement des informations détenues par les Services des Impôts :

Les recoupements effectués le plus fréquemment par l’Administration fiscale consistent à comparer les revenus déclarés avec les informations émanant des "parties versantes" (l’Etat, les collectivités locales, les autres employeurs publics et privés pour les salaires, honoraires, commissions, droits d’auteur … ; les Caisses de retraite pour les pensions ; les banques et les établissements financiers assimilés pour les divers revenus de valeurs mobilières et les plus-values boursières éventuelles ; les Organismes sociaux pour les prestations à caractère imposable ; les CPAM pour les indemnités journalières de maladie ; etc …).

Et parmi une manne de renseignements que le fisc possède aussi, les extraits d’actes relatifs aux acquisitions et aux cessions de biens immobiliers ou de droits sociaux constituent des "petits trésors" susceptibles de conduire parfois à bien des tracas, par exemple quand les revenus déclarés apparaissent modestes par rapport au montant de tel ou tel investissement, ou si une plus-value taxable n’a pas été déclarée.

Ces rapprochements élémentaires permettent aux Agents des Impôts de déceler les omissions de revenus déclarés, même si celles-ci s’avèrent à présent moins nombreuses pour "Madame ou Monsieur tout le monde", depuis que les déclarations sont pré remplies d’un maximum de renseignements communiqués en amont par les "parties versantes".

Si les risques de redressements ont sur ce point précis, diminué sensiblement, l’Administration fiscale conserve encore la possibilité de notifier bien des rectifications.

2. Suite à des demandes de renseignements, d’éclaircissements ou de justifications

En application des dispositions de l’article L. 10 du Livre des procédures fiscales (et plus spécialement, de l’article L. 16 dudit Livre au regard de l’Impôt sur le revenu), les contrôleurs et inspecteurs des impôts sont amenés à demander tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites.

2.0. Suite à des demandes de renseignements

Ces lettres adressées en envoi simple, en général à l’aide des imprimés n°751 ou n°754, ne revêtent pas dans le principe et au plan juridique un caractère contraignant. Cela sous-entend que les contribuables destinataires de ces demandes ont la faculté de ne pas y répondre.

L’absence de réponse n’empêche évidemment pas l’Administration Fiscale de redresser les revenus déclarés, de réintégrer des charges déduites à tort ou de refuser le bénéfice de réductions d’impôts non fondées.

2.1. suite à des demandes d’éclaircissements ou de justifications n°2172

Ces courriers portent sur des points très ciblés et ponctuels. Les Agents des Impôts utilisent cette procédure avec prudence puisqu’une demande d’éclaircissements ou de justifications trop exhaustive, reposant sur plusieurs points différents, est assimilable à un début de contrôle fiscal.

Or, comme dans cette situation précise, l’entreprise ou le particulier n’ont pas été informés au préalable par un avis de vérification, ce manquement entraîne au détriment de l’Administration fiscale la nullité de la procédure.

Les demandes d’éclaircissements ou de justifications n°2172 sont adressées en recommandé avec accusé de réception.

En cas de silence du contribuable ou si sa réponse s’avère trop évasive, le fisc n’hésite pas à en tirer les conséquences en termes de redressements.

Par conséquent, il y a tout intérêt à donner suite à ces courriers (a fortiori, s’ils se rapportent à des points pour lesquels les justifications probantes peuvent être produites sans difficulté) afin d’éviter la "fameuse" proposition de rectification, avec au moins les intérêts de retard en sus.

B. Selon les procédures d’évaluation et de taxation d’office

Ces procédures stipulées respectivement aux articles L. 66, L. 67, L. 68 et L. 73 du Livre des procédures fiscales qui s’appliquent indifféremment au regard de l’Impôt sur le revenu (sur le plan catégoriel au titre des Bénéfices industriels et commerciaux, des Bénéfices non commerciaux, des Bénéfices agricoles, et au niveau du revenu global), de la T.V.A. et de l’Impôt sur les sociétés, sont les plus redoutables.

Elles sont mises en œuvre quand les obligations déclaratives n’ont pas été respectées, ou si les déclarations ont été souscrites postérieurement au délai de 30 jours imparti par les mises en demeure adressées par les contrôleurs ou inspecteurs, gestionnaires des dossiers concernés.

Et dans ces hypothèses, les rappels d’impôts notifiés sont assortis selon les cas, des majorations de 10% et 40% prévues à l’article 1728. 1. du Code général des Impôts.

Les redressements envisagés résultent alors de deux moyens essentiels :

1. A partir simplement des informations détenues par les Services des Impôts

Si la déclaration a finalement été souscrite consécutivement à la mise en demeure, les redressements éventuels correspondent en général seulement aux différences constatées entre les revenus déclarés tardivement, et ceux inhérents aux renseignements chiffrés émanant des "parties versantes".

Si la déclaration n’a toujours pas été déposée malgré la mise en demeure, les redressements "minimum" se rapportent naturellement au montant des revenus non déclarés, ressortant des informations en possession du Service des Impôts.

2. A partir d’évaluations effectuées unilatéralement par le fisc

En l’absence de tous renseignements quelconques provenant des "parties versantes", et de la moindre indication tendant à démontrer que le dépôt de la déclaration manquante a été effectué auprès d’un autre Hôtel des Impôts suite à un changement de domicile ou de lieu d’exercice de l’activité professionnelle, l’Administration Fiscale a beaucoup de droits.

Dans ces situations, à défaut du dépôt de sa déclaration, le contribuable risque de recevoir une proposition de rectification motivée à partir d’une extrapolation, en fonction par exemple, des sommes déclarées au cours d’années antérieures, des revenus supposés encaissés compte tenu de la nature de l’activité exercée, des statistiques professionnelles, etc …

En d’autres termes, les bases d’imposition et (ou) les bénéfices sont calculés très approximativement de "manière forfaitaire" par le Fisc, avec la tentation – pour répondre au souci de performance et de rentabilité ancré durablement à la Direction Générale des Finances Publiques -, de notifier d’office des montants ne correspondant pas forcément à la réalité.

Heureusement, le pouvoir exorbitant dont les contrôleurs et inspecteurs des Impôts disposent en matière d’impositions d’office, trouve ses limites si les bases notifiées aboutissent à des résultats manifestement exagérés et totalement disproportionnés par rapport à la véritable situation du particulier ou à la réalité économique de l’entreprise (conf. jurisprudence constante des Cours d’Appel et du Conseil d’Etat).

Si ce type de procédure n’a pas "la notoriété" des vérifications traditionnelles, on se rend finalement bien compte que "c’est du pareil au même", à une exception près, et de taille …

Ce contrôle qui se voudrait a priori banal et ponctuel n’ouvre pas droit aux garanties attachées à la vérification de comptabilité et à l’examen contradictoire de situation fiscale personnelle (avis de vérification préalable, recours hiérarchique et devant l’Interlocuteur départemental, saisine éventuelle des Commissions départementales …).

Ainsi, dans l’hypothèse où le Fisc maintient sa position dans la réponse aux observations (lettre n°3926) présentées par le contribuable suite à la proposition de rectification, les textes ne prévoient pour seule garantie, que le recours auprès du Conciliateur fiscal départemental dont la hauteur de vue n’est d’ailleurs pas toujours au rendez-vous, pour procéder à un véritable arbitrage du dossier.

Cependant, les particuliers et les entreprises conservent le droit de déposer une réclamation contentieuse (en application des articles L. 61 et R* 190-1. du Livre des procédures fiscales) s’ils estiment que les redressements ne sont pas fondés, en partie ou en totalité.

Il est encore temps à ce stade primordial, de mettre tout en œuvre pour renverser le "rapport de forces" en affinant et en martelant les arguments, tout en produisant les éléments justificatifs non présentés initialement.

Françoise Cavallé,

Avocat Fiscaliste

conseil chez astraia.fr

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