Contrôle du juge sur les sommes versées.

Par Romain Laffly, Avocat.

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Explorer : # exécution provisoire # cassation # restitution des sommes # jugement

En suite d’un jugement non revêtu de l’exécution provisoire, le juge, pour procéder au décompte des sommes dues, est tenu de s’assurer que les sommes, non concernées par la cassation intervenue, ont bien été versées avant le prononcé de l’arrêt cassé [1].

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Selon jugement du 17 novembre 2009, le Tribunal de grande instance de Draguignan a condamné la société Castel et Fromaget à payer diverses sommes à Monsieur Teboul.

Par arrêt du 8 avril 2011, cette décision a été confirmée pour partie en appel par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, mais infirmé pour le surplus, la cour condamnant Monsieur Teboul à payer une somme d’un peu plus de 74.000 € outre intérêts contractuels à la société Castel et Fromaget.

Le 16 janvier 2013, la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l’arrêt précité. Monsieur Teboul a alors fait délivrer un commandement de saisie-vente pour obtenir restitution des sommes qu’il avait versées et la société Castel et Fromaget a saisi le juge de l’exécution d’une contestation se prévalant d’un décompte erroné en ce qu’il incluait les sommes auxquelles Monsieur Teboul avait été condamné en première instance, soit environ 24.000 €, condamnation non atteinte par l’arrêt de cassation.

Sur appel du jugement du Juge de l’exécution, la Cour d’appel d’Agen a retenu que le jugement du Tribunal de grande instance de Draguignan, partiellement confirmé par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, n’avait pas été affecté par la cassation en ce que Monsieur Teboul avait été condamné à payer environ 24.000 € à la société Castel et Fromaget. Peu importait dès lors que cette condamnation n’ait pas été revêtue de l’exécution provisoire puisqu’elle n’était pas concernée par la cassation, de sorte que cette société avait à juste titre demandé à ce que soit déduite cette dernière somme visée au commandement de payer.

Sur pourvoi de Monsieur Teboul, la deuxième chambre civile juge « Qu’en se déterminant ainsi, alors que le jugement de première instance n’était pas revêtu de l’exécution provisoire, la cour d’appel, qui n’a pas pour autant constaté que ces dernières sommes auraient été versées avant même le prononcé de l’arrêt cassé, n’a pas donné de base légale à sa décision ».

L’article 625 du Code de procédure civile dispose : « Sur les points qu’elle atteint, la cassation replace les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le jugement cassé ». Et l’alinéa 2 ajoute que la cassation « entraîne, sans qu’il y ait lieu à une nouvelle décision, l’annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l’application ou l’exécution du jugement cassé ou qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire ». On sait qu’après cassation, les parties sont replacées dans l’état où elles se trouvaient avant l’arrêt cassé, soit donc en l’état du jugement. La société Castel et Fromaget avait été suivie par cour d’appel dans son raisonnement qui consistait à prétendre que dès lors que la somme de 24.000 € qui lui était due par Monsieur Teboul n’était pas affectée par la cassation intervenue, il convenait de la déduire de la somme totale dont Monsieur Teboul entendait obtenir remboursement puisqu’il avait payé la totalité des sommes qui revenaient à la partie adverse en exécution de l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

Le pourvoi au contraire avançait que l’arrêt de cassation constituait le titre exécutoire ouvrant droit à restitution des sommes non assorties de l’exécution provisoire et qui avaient été versées en exécution de l’arrêt cassé.

Il convenait en réalité de raisonner par application combinée de l’article 625 précité, des articles 501 et suivants et de l’article 539 du code de procédure civile relatifs à l’exécution provisoire. Si l’appel revêt un caractère suspensif de l’exécution en l’absence d’exécution provisoire ordonnée, l’hypothèse soumise à la Cour de cassation était particulière en ce que la décision de première instance, qui avait condamné Monsieur Teboul à payer environ 24.000 € à son adversaire, n’avait pas été remise en cause par la Cour de cassation. Mais l’appel était bien suspensif de l’exécution et il revenait donc de savoir si le jugement était passé en force de chose jugée puisqu’il n’était pas revêtu de l’exécution provisoire.

Or, si la cassation ne pouvait atteindre cette partie du dispositif, non affecté de l’exécution provisoire, et donc non remise en cause par la cassation intervenue, encore fallait-il constater que cette somme avait été effectivement versée « avant même l’arrêt cassé ».

On sait que l’arrêt de cassation constitue un titre exécutoire qui ouvre droit à restitution de la somme versée ou, parfois autrement dit, que la cassation d’un arrêt d’appel constitue le titre ouvrant droit à restitution s’il a été exécuté. [2] Mais la condition est posée : il faut que la somme ait été versée en suite de la décision, et la règle est la même à la suite d’un arrêt d’appel ou d’une décision de première instance. Le juge est ainsi tenu, dans le cadre du décompte entre les parties, de constater que la décision a bien fait l’objet d’une exécution et lorsque le jugement n’est pas revêtu de l’exécution provisoire, que des sommes ont pu être versées avant l’arrêt cassé.
Article paru initialement sur Dalloz Actualité

Romain Laffly associé chez Lexavoue Lyon

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Notes de l'article:

[1Civ. 2e, 12 avr. 2018, F-P+B, n° 16-23.176

[2Civ. 2e, 20 janv. 2011, n° 10-11.904, Dalloz actualité, 4 févr. 2011, obs. V. Avena-Robardet ; 17 févr. 2011, n° 09-72.964 ; Com. 12 juill. 2011, n° 10-16.911, Dalloz actualité, 29 août 2011, obs. J. Daleau ; D. 2012. 520, obs. J. Raynard ; ibid. 1509, obs. A. Leborgne.

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