Près de 200 candidats vaccins sont recensés par l’OMS. Certains sont déjà médiatisés Sinopharm, Sinovac, Spoutnik V, Bharat Biotech (Covaxin) , Mambisa, Abdala, Soberana (1 et 2). D’autres sont mis sur le marché européen Pfizer/BioNTech (Comimaty), Moderna, Astrazeneca (Vaxzeria), et Johnson&Johnson (Janssen).
Pour leur production, différentes techniques (adenovirus, virus entier inactivé, sous-unitaire, ARN…) sont mises en œuvre. Certaines de ces techniques sont anciennes. D’autres plus récentes sont protégées par des brevets, par des demandes de brevets ou probablement par de telles demandes non encore publiées, ou encore par des secrets des affaires ou des savoir-faire, auxquels s’ajoute la protection des données relatives à leur autorisation de mise sur le marché.
Depuis quelques semaines, ces monopoles focalisent l’attention.
Le 5 mai, la Secrétaire d’État au Commerce des États-Unis se déclare favorable à la levée des brevets, - notion non définie en droit international des brevets, ou s’agirait-il des licences d’office ? - sans que les vaccins concernés par des droits nationaux de brevet encore en vigueur ne soient détaillés.
Pour le dire autrement, si la technologie à ARN est la plus médiatisée, avec des brevets de l’université de Pennsylvanie remontant au début des années 2 000 et ultérieurement avec des demandes de brevet d’autres sociétés dont les deux premières à avoir mis le marché un vaccin, Pfizer/BioNTech et Moderna - société qui dès octobre 2020 a déclaré ne pas opposer ses brevets pendant la pandémie -, la situation de la propriété industrielle sur les autres vaccins notamment ceux d’origine européenne, chinoise, russe, indienne ou cubaine ne semble pas susciter d’intérêt. Pourtant la levée de tous les monopoles sur les vaccins actuels à ARN dissuadera les laboratoires de poursuivre leurs recherches sur toutes les technologies tant que ces deux premiers vaccins lutteront efficacement contre le virus et ses variants et reportera leur production sur cette seule technique.
Si cette levée des brevets devait aboutir à la mise en œuvre des licences dites d’office ou obligatoires (Voir Licence d’office et Covid 19 : l’illusion du moindre coût), c’est-à-dire à des mécanismes nationaux soumis à des conditions rigoureuses et qui ne portent que sur les techniques brevetées, dont d’ailleurs pour prendre l’exemple français, il n’est pas établi que ces conditions soient remplies pour les 4 vaccins actuels, les candidats à de telles licences conditionneront leur intervention à des financements publics pour leurs infrastructures de production et à l’obtention de quotas garantis par l’Etat d’achats de doses. Situation très éloignée de la concurrence parfaite vantée par les économistes hostiles par principe aux brevets.
A l’opposée de cette déclaration du début mai, le 18 mai, le Sommet sur les économies africaines, érige en bien commun l’immunisation des populations, et non les brevets.
Les pays signataires dont la France, l’Afrique du Sud, la Chine et les Etats-Unis se déclarent en faveur d’une meilleure distribution des doses de vaccin par l’application des règles du commerce, éventuellement pour accélérer leur production locale par un partage volontaire de la propriété intellectuelle.
Aurions-nous mal compris la déclaration du 5 mai de la représentante des États-Unis ?
En une dizaine de jours des positions a priori contraires ont donc été exprimées sur l’impact du droit des brevets qui d’obstacle à l’accès aux vaccins, en devient un des moteurs.
Restent les questions de l’augmentation des capacités de production et de l’accès aux vaccins pour les populations les moins favorisées, objectifs essentiels en cas de pandémie mondiale.
Si les difficultés de production en masse des vaccins se trouvent dans l’étalement de la chaîne de valeur, la multiplication des intervenants et les goulets d’approvisionnement, on comprend que des mesures autoritaires qui permettraient à d’autres que les exploitants originaires et sans leur accord, la fabrication des vaccins risquerait de désorganiser encore davantage ces filières. A cela s’ajouterait la méfiance des populations face à ces « génériques par anticipation », car les vaccins étant destinés à des personnes non malades, ils doivent présenter une qualité non discutable.
Au-delà de cette polémique sur le monopole du brevet, qui a été maintes fois adapté, en particulier lors de la déréglementation des télécommunications en le plaçant sous le régime des facilités essentielles et des licences équitables, raisonnables et non discriminatoires, la Covid-19 se caractérise par un interventionnisme étatique à un niveau jamais atteint. A se limiter aux seuls vaccins, le financement des travaux de R&D et des sites de production a pu intervenir par des financements directs, - à l’exemple du BARDA (Biomedical Advanced Research and Development Authority) - ou par des préachats massifs de doses auprès des laboratoires promoteurs de candidats vaccins par l’Union Européenne au printemps dernier. Et ce sont les Etats qui achètent auprès des fabricants les vaccins et en supportent les coûts de distribution et d’injection auprès de leur population.
Tout est réuni pour l’organisation des infrastructures de production des vaccins issues des partenariats d’entités publiques et d’entreprises privées sous contrôle d’instances régionales ou interrégionales d’autant que la disparition de cette pandémie avec l’été n’est plus envisageable.
Dès à présent, c’est à la prochaine pandémie que nous devons nous préparer et à cette fin, concevoir aussi la maintenance de ces infrastructures pour qu’elles soient rapidement opérationnelles sans attendre de longs mois.